Cette notion peut apporter un éclairage, sans obligation de résultat, car enfin, les dernières élections présidentielles (1er, 2e, 3e mandats), législatives et communales, nous ont clairement et définitivement démontré une seule et unique vérité contenue entièrement dans le niveau d'abstention de ces scrutins. Le triomphe absolu de l'abstention à chaque rendez-vous de «désignation élective», organisé par le pouvoir et la large désaffection électorale vis-à-vis de ces désignations, nous fondent à affirmer que le gouffre qui sépare la société du pouvoir s'agrandit irrémédiablement, lui ôtant toute crédibilité, tant au niveau national qu'international, quelle que soit, par ailleurs, la cuisine distributive concoctée, en termes de pouvoir, en sièges, afin de préparer à l'abri de la société réelle, la prochaine élection présidentielle (première fenêtre de tir). Le gap entre le pouvoir et le citoyen s'approfondissant durablement, la rupture de la paix sociale prend forme et risque de remettre en cause toutes les manipulations préparées dans les laboratoires nationaux et étrangers. Dès lors, un certain nombre de manœuvres de diversion apparaissent pour brouiller les pistes, tout en amusant la galerie, comme l'agrément d'une cinquantaine de partis politiques, après une interdiction de plus de dix ans, un «lifting» gouvernemental et un redressement de la coalition du pouvoir virtuel. Toute cette agitation révèle, à n'en pas douter, que le pouvoir actuel n'a pas du tout l'intention de se réformer «de l'intérieur» pour ceux qui auraient encore quelques illusions naïves ou sentimentales. Seuls sont à l'ordre du jour les voies et les moyens qui lui garantissent sa propre protection (intérieure et extérieure) et celle de son clan qui détient l'essentiel du pouvoir, dans un espace-temps très particulier, de passation obligée de pouvoir pour des raisons… biologiques et gériatriques (deuxième fenêtre de tir !). La mondialisation judiciaire peut, à tout moment, engager la responsabilité pénale d'un élément du pouvoir, pour toutes décisions prises, qui seraient jugées allant à l'encontre des droits de l'homme «bien compris» et pour fait de corruption, à travers des organisations officielles et non officielles (ONG). Cette situation nouvelle a fermé au pouvoir toutes possibilités de fuir le pays pour aller s'abriter «sous les cocotiers». Cette équation oblige les acteurs du pouvoir à résider en Algérie, mais uniquement à condition de conserver la totalité du pouvoir, envers et contre tous, pour lui survivre ou organiser une alternance fictive, avec son lot de bonus et de malus, à toutes celles et ceux qui l'ont servi avec une obséquiosité rampante. A ceux des analystes et autres politologues, qui crient de leur plume, tous les jours, leurs angoisses sur le danger de la vacance de la gouvernance actuelle et future, je tiens tout particulièrement à les rassurer : l'Algérie «utile» est très précisément gérée, elle se situe entre la Banque centrale et Sonatrach ! Pour le reste, c'est-à-dire la «gestion des indigènes», c'est aux institutions de l'Etat centralisées, décentralisées et aux appareils subséquents qu'il échoit la charge d'organiser la répartition des miettes, dans une paix sociale supportable. Ainsi patentés, les appareils viennent d'attirer l'attention du pouvoir sur leur devenir, si la paix sociale venait à se détériorer davantage et proposent un partage plus équitable des restes, dans leur dernière livraison, talonné de près par un autre appareil, déguisé en association patronale dont les adhérents ont, pour la plupart, des sociétés de trading (import-import) et des représentations de firmes étrangères, en parallèle à leur activité originelle, ce qui leur a valu le dernier redressement. En effet, en cas de débordement majeur, le dispositif sécuritaire, mis à contribution, peut se révéler incapable de contenir un tsunami protestataire. Dans ce cas, le recours à l'institution militaire devient incontournable. «Or, l'armée, vraisemblablement, refusera de tirer sur la foule. De facto, le président de la République sera mis en demeure de se démettre», avertit C. Mesbah ! Cette troisième «fenêtre de tir» est très clairement la pire, en termes de capacités d'anticipation, puisque le contrôle du processus est totalement incertain. Le consensus qui sortira de la «boîte noire», émanera directement du cœur du volcan de la société réelle, celle-là même qui est totalement ignorée par la société virtuelle et donc du pouvoir, ce qui rendra le choc frontal inévitable et la violence bestiale prévisible. L'émiettement et l'atomisation de la société, par les différents «redressements» successifs, dans les différents domaines idéologique, politique, économique, culturel, cultuel…, instruments privilégiés de la gestion du pouvoir, de manière à contrôler la sédimentation sociologique de notre nation, à son seul profit, ont créé un vide sidéral dans la société (partis, élites, associations, syndicats, organisations…), ce qui aura pour conséquence une gouvernance élémentaire désastreuse à tous les niveaux, avec comme corollaire la ploutocratie et la corruption généralisée. Cette situation de vacance voulue va être comblée par l'émergence et le règne de la médiocrité obséquieuse et se traduira par des contreperformances dans tous les compartiments de notre société (entreprises, écoles, universités, hôpitaux, sports, recherche, arts, culture, diplomatie, construction, urbanisme, culte, écologie …). L'Algérie véhicule ainsi l'image contradictoire d'un pays riche, aux immenses potentialités, à la tête duquel un pouvoir et ses courtisans maintiennent leur peuple dans la pauvreté, voire la misère et leur jeunesse dans le désespoir, dont l'une des manifestations la plus emblématique est la «harga». Pris donc en tenailles entre une passation de pouvoir forcée, aux conséquences tragiques et un compromis clanique en la forme d'une «côte mal taillée», le pouvoir vient de trancher dans le vif (quatrième fenêtre de tir), en optant pour le sacrifice d'un de ses clans pour la sauvegarde du système tout entier. Les deux décrets présidentiels, signés en catimini ces derniers temps, rendant au Premier ministre une partie des prérogatives de l'ex-chef du gouvernement, illustre assez bien l'atmosphère de suspicion généralisée des clans du pouvoir à l'approche de la seule échéance qui les intéresse, à savoir la présidentielle de 2014. Ce début de mise en œuvre du scénario retenu ne doit souffrir d'aucun handicap ni d'aucune contrariété d'où qu'elle vienne, fût-elle du Président lui-même, il y va de la survie du pouvoir. Un intérim qui ne dit pas son nom, voilà à quoi nous assistons actuellement, en attendant que les éléments du puzzle soient réunis et qu'apparaissent les véritables décisions prises. La diplomatie ayant été privatisée, sa gestion est instrumentalisée de manière à toujours servir la pérennité du pouvoir et ses intérêts avant ceux de l'Algérie. Deux pays sont concernés par le cautionnement du pouvoir, les USA et la France, dans le premier cercle concentrique du rapport de force du moment, puis viennent après, au titre des capacités de nuisance, les pays du Golfe, avec à leur tête le couple supplétif saoudo-qatari, essentiellement utilisé pour le financement des actions subversives et un éventuel exil protégé. Le bain de foule que s'est offert le président Bouteflika, via F. Hollande interposé, n'est qu'un avant-goût de ce qu'il prépare à l'occasion d'une prochaine visite de J. Kerry. L'obtention de la «bénédiction» de la variable extérieure pour l'intronisation du prochain Président passe par la satisfaction de leurs conditionnalités objectives et subjectives hiérarchisées. Dès lors, dans un scénario de court terme, un changement présidentiel avec une consolidation du pouvoir actuel sera privilégié (peu importe que ce soit ce président ou un autre), par la variable extérieure, ses intérêts étant très largement préservés. Dans une approche globale à moyen et long termes, (la feuille de route est contenue dans la stratégie dite du Grand Moyen-Orient), qui intègre notre pays dans une stratégie de transformation structurelle du monde arabe (le «printemps arabe», en est une des manifestations), alors le changement systémique devient une obligation et l'agenda fixé à l'élection présidentielle de 2014. Notre pays ne fera pas exception, contrairement aux déclarations officielles!