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Les conditionnalités d'une sortie de crise garantie (4e époque)
Dr Mourad Goumiri. Président de l'Association des universitaires algériens pour la promotion des études de sécurité nationale - ASNA
Publié dans El Watan le 24 - 07 - 2015

Comme pour enfoncer le clou, recadrer le débat et focaliser l'attention du trio de décideurs, cités nommément, sur les véritables enjeux et les responsabiliser dans le cas d'un dérapage sanglant plus que probable, M. Hamrouche(1), qui soutient que le président de la République a «échoué dans toutes les politiques qu'il a engagées malgré les prérogatives dont il jouit»(2)... se pose en fait une question : qui sera tenu pour responsable et comptable du sang des Algériens qui risque de couler, encore une fois, si des mesures urgentes ne sont pas prises, pour mettre fin à la situation de pourrissement avancé(3), dans laquelle ce Pouvoir ne cesse d'agonir ? L'institution militaire(4) peut-elle sortir indemne du massacre annoncé sans perdre sa cohésion, avec toutes les conséquences tragiques que nous suivons, en direct, de Syrie, d'Irak et de Lybie ?
La rue ne va-t-elle pas l'accuser de manquement à ses missions constitutionnelles, en réalisant qu'elle n'a pas réagi en voyant «la désintégration totale du pouvoir de l'Etat et la délégitimisation de l'ensemble de la représentation politique et sociale», au profit d'un Pouvoir boulitique entièrement construit sur la rapine, le népotisme, la corruption généralisée, le clanisme, le régionalisme et la collusion avec des intérêts étrangers ? Cette analyse est confirmée par le 11e rapport du Fund For Peace (Conflict Assessment Software Tool Cast), une ONG américaine qui classe l'Algérie à la 104e place sur 178 pays défaillants et dont la stabilité et la paix sociale sont très fragiles, malgré une dépense de quelque 45,6 milliards de dollars, uniquement pour l'année 2014.
La seule solution, à ses yeux, c'est «la mise en place d'un nouveau consensus national qui pourra compter sur une large base, qui rassemble toutes les composantes de la société et qui aura le soutien de l'armée».
En effet, M. Hamrouche tient à l'option du consensus national, chère au FFS, seule voie à même «d'accompagner le système actuel vers la porte de sortie, dans le calme et dans l'organisation», car «l'absence du pouvoir de l'Etat appelle l'affrontement qui conduit à l'effondrement… ce qui pourrait déboucher sur un effondrement général… et entraîner un soulèvement de la rue et une nouvelle tyrannie» ! Il rappelle, encore une fois, à ceux qui ne veulent pas entendre ou comprendre, que cette construction «est la responsabilité de tous, dont le régime. Une œuvre qui ne saurait se faire sans associer le Pouvoir».
La fausse solution c'est de penser pouvoir créer une nouvelle force politique pour conquérir le Pouvoir… «Soyons réalistes et sincères, il est impossible, dans ce climat et ces entraves au sommet et même au sein des partis et dans la société, qu'émerge une force nouvelle». Ce serait faire le jeu du Pouvoir actuel qui veut changer d'homme, à travers un nouveau parti(5), plutôt que de changer de système.
A l'endroit de certains partis de l'opposition(6) qui jouent le jeu du système en se nourrissant de «la guerre des clans au lieu de se nourrir des problèmes et des aspirations des Algériens», il demande une relecture de la situation politique et surtout d'expurger celle-ci «des conflits entre le Président et le DRS ou l'émergence d'hommes d'affaires dans les centres décisionnels»(7). Pour lui, tout cela cache en réalité la volonté du «système de cacher sa fin annoncée».
Pendant ce temps, la classe boulitique(8) tente de se positionner, pour la prise finale du Pouvoir, entre les différentes mises en scène contradictoires qui se profilent. La problématique est très simple : faut-il procéder au remplacement du Président elliptique, par qui le remplacer et dans quel timing (fin de mandat ou avant) ? Dans cette problématique, chacun compte ses hommes, leur fidélité et leur fiabilité, dans un univers où la trahison est la règle, ainsi que leur capacité de mener à bien la mission qui leur est dévolue.
Le clan présidentiel choisit A. Saadani(9) et le charge, entres autres, de s'attaquer frontalement à tous les centres de pouvoir qui avait marqué leur refus à un quatrième mandat et ou à un remplacement par le frère du Président. Il ouvrira le feu sur le Premier ministre, au ministre-directeur de cabinet et aux trois pieds-nickelés, supplétifs du Pouvoir (présidents de l'APN, du Conseil de la nation et du Conseil constitutionnel).
Mais le but réel de sa mission prendra sa véritable dimension que lorsqu'il sera chargé de s'attaquer personnellement au commandant du DRS, entraînant la peur et l'allégeance de toute la classe boulitique. Il sera le seul habilité à annoncer toutes les décisions majeures structurant le Pouvoir ! Il est également clair qu'il n'hésitera pas à s'en prendre, le moment voulu, au vice-ministre et chef d'état-major, s'il en reçoit l'ordre, au cas où ce dernier montrerait quelques prétentions.
La farce du 10e Congrès du FLN(10) est très bien orchestrée et la configuration hétéroclite, qui a été décidée, ne laisse plus aucun doute sur les objectifs stratégiques poursuivis(11), à savoir… le maintien du statu quo autour du Président elliptique(12), l'intérim étant assuré par une «agrégation d'ombres chinoises», autour de A. Sellal alias «Gaston la gaffe»(13), toutes impliquées, à un moment ou à un autre, directement ou indirectement, dans l'exécution des missions que leur a dévolues le Pouvoir(14). Ainsi, en l'espace d'un congrès, on se retrouve avec un FLN, dont A. Bouteflika devient président en personne, son Premier ministre récupère sa carte de «militant», pas moins de quatorze ministres, dont le ministre-directeur de cabinet du Premier ministre, le secrétaire général de la présidence, le président de l'APN et plusieurs cadres supérieurs de l'Etat (ambassadeurs, PDG, DG…) accédant au comité central… élus par leurs pairs. Qui dit mieux ?
De même que pour les retouches de casting au RND(15), si l'ingénierie de cette curiosité politique nommé A. Ouyahia(16) est sollicitée, elle ne devra, en aucun cas, être utilisée pour sa propre promotion mais devra, impérativement et entièrement, être dévolue au futur candidat que le Pouvoir va imposer ! D'autant que pour consolider sa place comme secrétaire général du RND, Lucky Luke ou Terminator(17), s'est selon, va devoir forcément commencer par égorger, ceux qui l'ont redressé, pour «purifier» (durant le Ramadhan, mois des sacrifices), «l'organique» du parti infecté (il vient de changer les coordinateurs d'Illizi, Naâma, El Tarf, Oran et ceux de Tizi Ouzou et de Béjaïa suivront). Son obsession va l'amener à se croire autorisé à prendre des initiatives politiques (la construction d'une alliance politique), ce qui va lui valoir le premier carton jaune depuis son retour, en attendant de passer devant la commission de disciple virtuelle du Pouvoir, qui n'hésitera pas à le sacrifier sur l'autel de l'ambition.
En fait, le clan présidentiel est parfaitement conscient, qu'une fois installé au Pouvoir, Terminator n'aura qu'un seul objectif qui est celui de les égorger en les humiliant en même temps. Le Président elliptique et son clan tremblent à l'idée de se retrouver, un jour, enfermés par Terminator (qui rédigera lui-même l'arrêt de renvoi) dans une cage du tribunal militaire de Blida, pour répondre de leurs forfaitures, à l'instar d'un certain… H. Moubarak !
En franc-tireur, mission où elle excelle, L. Hanoune(18) tient le bon bout et ouvre le feu sur toutes les cibles inscrites dans sa feuille de route, faisant preuve d'un talent certain. En effet, lors de la commémoration du 25e anniversaire de la fondation son parti, la passionaria affirme que «A. Bouteflika a renié son mandat… et prépare les ingrédients d'une confrontation violente». Elle ajoute que «le recours à la politique d'austérité ouvre la voie et balise le terrain de Daech en Algérie…
La situation sur le plan interne est fragile et risque l'explosion». Elle considère qu'«après avoir averti, vainement, les hauts responsables du pays contre les dérives de l'oligarchie, elle compte s'en remettre au peuple». Dès lors, elle déclare la guerre à des cibles périphériques (ministres, PDG, hauts fonctionnaires…), dans une première phase, en attendant de s'en prendre directement au Président elliptique, ce qu'elle fait actuellement, le rendant responsable de la situation implosive dans laquelle elle l'accuse de nous avoir amenés. Elle se ménage toujours, cependant, une porte de sortie «par le haut», au cas où le Pouvoir lui fait… appel.
La période de statu quo, n'étant pas éternel, les appareils s'agitent et se déchirent pour toujours se situer dans la short-List du vainqueur, lorsque le nom du remplaçant du Président elliptique sera dévoilé(19). Or, la tradition veut, depuis l'indépendance de notre pays et même avant, que le camp vainqueur se situe toujours à proximité du choix de l'institution militaire… Dans ce cadre, la lettre de félicitations du chef d'état-major, mais néanmoins vice-ministre de la Défense(20), suite à la tenue du 10e Congrès du FLN, a sonné, pour la classe boulitique au Pouvoir, comme un signal de ralliement(21), dans la mesure où elle considère que l'institution militaire a cautionné le clan qu'A. Saadani(22) sert temporairement.
Cette conviction est consolidée par l'escale, de quelques heures, que F. Hollande a effectuée pour déposer sa feuille de route, à qui de droit, méprisant au passage le Président elliptique(23), lui trouvant des talents d'alacrité(24), en contradiction flagrante avec un sommet qualifié, par ailleurs, de solennel et sérieux, de par les sujets abordés !
Il est pourtant clair, pour tout le monde, que la France, qui a favorisé son retour en 1999(25), cautionné les quatre dernières désignations électives(26) et qui lui a permis de se soigner et de se rééduquer dans un hôpital militaire français, n'allait pas prendre le risque de perdre tout cet investissement(27), en acceptant qu'un patriote nationaliste ou qu'un pro-américain accède à la Présidence de l'Algérie ! F. Hollande entend, par les quelques heures passées sur le sol de son ancienne colonie, réaffirmer, si besoin était, qu'il pèsera de tout son poids, dans la prochaine étape de remplacement, pour que «le candidat de la France» soit intronisé, en Algérie(28) et pour que les quelque 2 à 3 millions d'électeurs français, d'origine algérienne, votent massivement pour lui en 2017… en somme, d'une pierre deux coups. Ce mois de Ramadhan a été pour lui du pain béni !
Répondant, violemment, au constat lucide que dresse M. Hamrouche sur la situation du pays, du risque l'implosion inéluctable, si le statu quo est maintenu et de la responsabilité respective de chacun des trois acteurs, sur le sang des Algériens qui ne manquera pas de couler, le clan présidentiel sort, cette fois, l'artillerie lourde. En effet, il va tenter de convaincre, à la fois, ses propres troupes (toujours prêtes à «changer de veste»), l'institution militaire, qui sera, forcément, appelée à rétablir l'ordre(29), le moment venu, les oppositions (qui s'agrègent et se sédimentent, évitant ainsi de tomber dans tous les pièges fourbis par le Pouvoir) et les pays étrangers qui s'inquiètent, de plus en plus, à la lecture des différents rapports établis sur notre pays et qui convergent unanimement sur sa «fragilité politique et sociale» avérée.
L'offensive du clan présidentiel(30) commence par affirmer que le Président elliptique(31) ira jusqu'à la fin de son mandat et donc le problème de sa succession ne se pose pas, afin de rassurer d'abord ses propres troupes promptes à la «migration boulitique». Ainsi, tour à tour, les supplétifs du clan vont se relayer pour porter ce discours auquel eux-mêmes n'y croient pas, comme l'affirme R. Grim qui pense que «malgré le fait que Bouteflika a dit qu'il ira au bout de son mandat, il y aura une présidentielle anticipée», libérant par là même les ambitions de tous les avortons du Pouvoir(32), jusque- là tenus par leur obligation d'allégeance, ce qui va entraîner des exécutions dans l'allégresse !
La première ruse consiste à occuper le terrain politique par la résurrection de vieilles promesses, comme le projet de révision constitutionnelle(33) et celui des réformes économiques(34).
Enfin, maniant, encore une fois, la «carotte et le bâton», il appelle les oppositions, groupées au sein de l'ISCO et la CLTD(35), à «promouvoir le dialogue avec tous les acteurs de la scène politique», après les avoir fustigées, il n'y a guère si longtemps, ce qui démontre clairement, pour la première fois, la fragilité et les craintes du Pouvoir(36).
Cependant, mis à part les «partis alimentaires» et le MSP(37) qui, incité par sa génétique partisane, louvoie, les oppositions(38) ont acquis une maturité qui inquiète le Pouvoir, d'autant plus que les émeutes sanglantes de Ghardaïa(39), conjuguées à une rentrée sociale prévue tendue(40), pourraient concentrer la masse critique d'une explosion sociale. Il est donc vital pour le Pouvoir de mettre en œuvre toutes les ruses lui permettant de conserver le statu quo, dans la paix sociale, afin qu'il évite son départ sanglant, sans garanties intérieures et extérieures.


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