Le président Abdelaziz Bouteflika a déclaré que l'amnistie générale n'est pas de son ressort. Interpellé hier par une victime du terrorisme lors de son discours à la Maison du peuple, siège de l'UGTA, à Alger, le chef de l'Etat a réagi avec énergie : « C'est le peuple algérien qui va vous venger. » « Je n'ai pas de prérogatives pour décider du projet de l'amnistie générale. Seul le peuple pourra trancher la question », a-t-il indiqué avant d'enchaîner : « Est-ce qu'on consolidera la paix et la stabilité en augmentant le nombre des victimes qui sont déjà de près de 150 000 et les pertes matérielles qui s'élèvent à 30 milliards de dollars ? » La réponse est, à ses yeux, claire : « Le peuple est fatigué. » Le président a reconnu qu'il sera incapable de demander au peuple de se prononcer sur le projet de l'amnistie s'il pressent que ce dernier n'est pas prêt à pardonner. « J'attends que les plaies soient cicatrisées et les cœurs apaisés », a-t-il lancé. Avant cette précision de taille sur un projet qui occupe la scène nationale, le président de la République est revenu sur la situation économique et son programme de réformes. Il n'a pas caché ses inquiétudes. Après avoir reçu les remerciements des adhérents de l'UGTA à travers leur premier représentant, Abdelmadjid Sidi Saïd, le chef de l'Etat est monté à la tribune pour n'en descendre que trois heures et demie plus tard. A la veille de la célébration du double anniversaire de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, qui correspondent au 24 février 1956 et 1971, M. Bouteflika a revendiqué sa part de syndicalisme. « Nous sommes tous des syndicalistes », a-t-il déclaré. Long, son discours était truffé d'anecdotes, de regrets et de bons souvenirs. Le premier magistrat du pays s'est plaint d'avoir hérité des erreurs du passé. « Laissez-moi vider mon cœur... », a-t-il demandé aux syndicalistes présents dans la salle Abdelhak Benhamouda. « Le taux de chômage est de 13%. Ce sont là des chiffres délivrés par des organismes internationaux », s'est-il targué avant de tenter de rassurer les travailleurs : « j'avais refusé, dans les années 1960 et 1970, la location des bases pétrolières et j'étais parmi ceux qui s'étaient battus jusqu'à la nationalisation des hydrocarbures. ». Après quoi, le Président revient à l'actualité. « nous avons endossé l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures, hier (mardi, ndlr). Nous allons attendre son application et voir les résultats. S'il ne répond pas à nos aspirations et attentes, nous n'hésiterons pas à le changer. Ce n'est pas du Coran ! », a-t-il promis. Le Président, qui a avoué que les changements « nous ont été imposés », a lancé un avertissement : « Celui qui a comploté quelque chose contre le pays, nous ne lui souhaitons que du mal. » Sur sa lancée, le chef de l'Etat a rassuré que les richesses stratégiques du pays appartiennent à l'Etat et au peuple et le demeureront. « La souveraineté nationale n'est pas à vendre au Beau Marché », a-t-il indiqué au milieu d'applaudissements. « Beaucoup de problèmes subsistent. Main dans la main, nous arriverons à les résoudre et à affronter l'avenir. Nous sommes dans l'exigence de rattraper le temps perdu », a-t-il ajouté. Pour lui, l'appel lancé à la cohésion « ne signifie en aucune manière que nous devons entrer dans un nouveau moule idéologique étriqué ou centré à l'excès ». M. Bouteflika s'est dit attaché à la promotion et au renforcement des cadres institutionnels de dialogue et de concertation. Il a insisté sur la nécessité d'élaborer « une charte citoyenne et un pacte économique et social ». Ce dernier permettra, d'après lui, de mieux arbitrer lorsque les objectifs économiques et sociaux se contrediront. En finir avec la dépendance Rappelant que les hydrocarbures occupent 98% des exportations, M. Bouteflika a fait comprendre que nous n'avons pas d'économie, en dehors de l'exploration de ces richesses naturelles. « S'il y a suffisamment d'hydrocarbures pour nous, qu'est-ce que nous allons laisser aux générations à venir ? », a-t-il demandé à l'assistance, avant d'ajouter : « Il n'y a pas de miracle à l'horizon. Nous sommes devant un dilemme, à un carrefour. Si nous ne retroussons pas les manches... ». Evoquant les privatisations, pour lesquelles l'UGTA est favorable, le président a fait ce constat : « Les unités publiques de production sont désuètes. L'Etat les a longtemps financées et ne peut plus le faire encore. » La privatisation est, pour lui, un moyen de créer des richesses. « Les entreprises publiques ne sont pas mes biens pour les vendre. Je sens vos craintes. Mais nous n'avons pas d'autres issues. Il faut que nous sortions notre économie de sa dépendance entière des hydrocarbures. La privatisation ne se fera pas au détriment des travailleurs et l'Etat aidera les entreprises publiques performantes », a-t-il souligné. M. Bouteflika a sollicité l'aide des syndicalistes pour asseoir sa politique économique, tout en considérant que les Algériens ne travaillent pas, sinon peu. Pour lui, il est temps de tirer les enseignements du passé. « Si nous avions travaillé seulement 8 heures par jour, nous ne serions pas arrivés à notre situation actuelle », a-t-il lancé. Appelant à la rupture avec le « populisme » et à se réconcilier avec soi-même, il a mis en garde ceux qui mettent l'intérêt personnel au-dessus de l'intérêt national. « Nous allons les combattre et nous les suivrons de près. Nous n'en lâcherons aucun », a-t-il menacé. « Je ne vise personne, car je parle d'une manière générale », a-t-il précisé.