Et, malgré les tentatives de quelques apprentis sorciers de créer l'événement en organisant des marches et autres regroupements, malgré les pressions amicales et inamicales, non, l'événement, soulèvement n'a pas eu lieu. Les interrogations n'ont pas cessé et les hypothèses fusaient dans tous les sens, car il fallait expliquer à tout prix. Bien évidemment, le microscope grossissant de la puissance du pouvoir et de l'efficacité de l'appareil répressif (supposé plus puissant qu'en Egypte, qu'en Tunisie, que partout ailleurs, Bahrein, Yémen…) a été l'explication la plus convenue. Et inquiétante, dérangeante, singulière ? L'Algérie, à travers sa société civile n'a pas «marché» (dans tous les sens du terme au moment de l'irruption du «printemps» 2011).(1) Peut-être que l'histoire récente de l'Algérie, depuis 1988, pourrait peut-être mieux éclairer le choix d'un autre chemin : faire les premiers pas de la longue et difficile marche pour un «autre monde possible». En effet, la jeune génération, dont une partie a vécu la période ouverte par octobre 1988, explique clairement qu'el1e ne souhaite plus être instrumentalisée. «Les jeunes se sont soulevés en octobre 1988 pour plus de droits et de libertés démocratiques, et qu'est-ce qu'on a eu ? Les islamistes qui en ont tiré profit pour ensuite faire de notre pays ce qu'ils en ont fait… Non, on ne veut plus jamais ça… rouler pour les autres !». Les dynamiques algériennes pour le FSM 1. Les réalisations : un ancrage des nouvelles problématiques au niveau mondial, régional, local. Depuis 2001 à Porto Alegre, au Brésil, à ce jour, préparant Tunis 2013 du 26 au 30 mars 2013, les mouvements sociaux engagés dans la perspective d'un «autre monde possible» se sont développés selon deux axes articulés : – d'une part, ils ont connu une extension sans précédent en prenant racine dans tous les continents, de façon inégale certes, en termes numériques,(2) mais plus aucun coin du monde, même parmi les plus reculés, n'ignore qu'un nouvel horizon ? utopie ? inspire et fait bouger les lignes habituelles des luttes économiques, sociales, culturelles ; – d'autre part, ces mouvements ont ouvert de nouvelles questions tant au niveau organisationnel que des contenus. Au niveau organisationnel, une attention permanente est accordée pour mettre en pratique les valeurs et principes de la charte, notamment en battant en brèche la verticalité des prises de décision, la structure pyramidale des postures entre les instances et en mettant sans cesse en pratique les relations latérales dans des espaces de travail ouverts, quel que soit le niveau d'intervention (local ou international) et la taille des organisations, à toutes et tous ceux qui acceptent l'éthique de la Charte. Au niveau des contenus, les grandes ONG intègrent des thématiques comme la souveraineté des peuples, l'économie sociale et solidaire comme alternative à l'économie du profit. Par ailleurs, les réflexions ont remis en cause les façons de faire «le politique» pour se libérer des vieilles cultures et réinventer un nouvel imaginaire politique qui réagence les différents aspects de la pensée et de l'action politiques. 2. Composantes de la société civile, des organisations algériennes altermondialistes émergentes, ayant à des titres divers été imprégnées de ce foisonnement pendant un parcours de 12 années, se concertent pour ensemble, rejoindre tous les mouvements sociaux des autres régions et continents en marche vers «un autre monde possible»(3) : Deux journées de travail préparatoire à la participation des mouvements sociaux algériens au Forum social mondial qui se tiendra à Tunis du 26 au 30 mars 2013, se sont déroulées à Alger les vendredi 15 et samedi 16 février 2013. Ces journées viennent élargir et consolider les différentes initiatives et tentatives qui ont débuté depuis le début des années 2000. Et bien sûr les participant(es) n'ont pas éludé la question de savoir pourquoi tant d'années «perdues» pour l'émergence d'un mouvement altermondialiste structuré en capacité de porter les questions algériennes au niveau régional et mondial. Un bilan critique, sans aucune complaisance, a été dressé pour apprendre des erreurs et échecs passés. Les obstacles tels que : les jeux de pouvoir, l'accaparement et monopole des décisions qui tuent les initiatives, «l'entrisme» des partis politiques et la méconnaissance par certains ou la non-adhésion par d'autres aux valeurs et principes de la Charte… ont contribué à freiner la construction d'un espace ouvert, responsable et soucieux de faciliter l'accès à cet espace, des mouvements sociaux, qui luttent tous les jours pour élargir les espaces des libertés démocratiques, l'amélioration des conditions de vie et de travail et l'accès aux droits économiques, sociaux et culturels. D'alger à Tunis Le parcours des dynamiques algériennes, qui ont eu la constance de continuer à s'inscrire dans les processus du FSM, ont ainsi réussi à rencontrer la dynamique régionale du FSMag(4) initiée et portée par les mouvements sociaux du Maroc, élargie à l'ensemble du Maghreb dans une démarche inclusive regroupant les pays de la région (Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, en y intégrant les dynamiques du peuple sahraoui afin d'être «ensemble pour un Maghreb des peuples». Cette construction régionale a été décisive, par sa vision stratégique altermondialiste, sa démarche ouverte et respectueuse de la grande diversité et la gestion non conflictuelle des «sensibilités» nationales, notamment la question du peuple sahraoui, dans la consolidation des dynamiques algérienne et régionale et a permis d'aboutir à l'organisation du Forum social mondial à Tunis, un des peuples qui a réussi à renverser un régime dictatorial et corrompu. Les 3 et 4 février, une rencontre entre des membres du comité de suivi du FSMag (tunisien, marocain, sahraoui, et algérien) a eu lieu à Alger pour renforcer les capacités de mobilisation régionale préparatoire au FSM 2013 à Tunis. La rencontre des 15 et 16 février étant prévue de longue date et avant la tenue du comité de suivi du FSMag, l'initiative a été enregistrée parmi les actions de mobilisation dans le programme régional préparatoire au FSM de Tunis. A cette rencontre, un membre du comité d'organisation du FSM tunisien s'est déplacé pour soutenir l'action algérienne et faire une mise à jour des processus de travail au niveau tunisien et avec le conseil international du FSM. Etait présente également une femme active dans tous les processus du FSM depuis sa création et membre du Conseil international du Forum social mondial et du Conseil africain du FSM pour présenter l'historique des dynamiques mondiales et des approches et innovations méthodologiques depuis 12 ans. Des organisations de type et taille diverses, issues de plusieurs régions du pays (Tiaret, Bougie, Tizi Ouzou,Tipasa, Laghaouat, Ouargla et travaillant dans les domaines les plus variés couvrant un large éventail d'activités culturelles, sociales et économiques dans les quartiers des villes et dans les villages algériens, ont répondu à l'appel lancé par un comité constitué de 5 organisations algériennes actives dans les différents processus du Forum Social Mondial et en particulier membre du Forum Social Maghrébin. Si l'objectif immédiat consistait à unir les efforts pour créer un espace de convergences qui transcende les intérêts particuliers et permette la plus grande visibilité des dynamiques algériennes par une présence à Tunis, articulée des mouvements sociaux en Algérie, et dans les différents processus plus vastes pour aller vers un «Autre monde possible», l'objectif à long terme est d'assurer une consolidation de ces initiatives et un ancrage de ces dynamiques dans le tissu social en Algérie. En effet, les participantes et participants dans leurs contributions au débat à travers différentes approches et formulations ont fait ressortir les priorités suivantes : – clarifier le rôle et les visions des associations et organisations de la société civile ; – contribuer à faire émerger et valoriser les innovations sociales, culturelles et économiques dans les organisations populaires ; – identifier et soutenir toutes les luttes significatives visant des améliorations des conditions de vie et de travail ; – densifier la construction de connexions avec les organisations populaires et mouvements sociaux à l'échelle du pays. Par ailleurs, les différentes prises de parole ont porté sur la nécessité de la connaissance de la charte des principes du FSM et le rappel des deux lignes de fond non négociables qui réunissent toutes celles et ceux qui s'inscrivent dans ces mouvements vers un «autre monde possible» en adhérent à la Charte des principes toutes les formes de résistances, de luttes contre les politiques néolibérales et la dictature du marché tout puissant ; une opposition ferme et multiforme à toutes les violences, les guerres et toutes formes d'ingérence. Conscients des rapports de force défavorables à l'intérieur et à l'extérieur du pays, les contributions ont également porté sur la responsabilité des acteurs et actrices de la société civile, puis se sont attelés ensuite à clarifier le rôle des associations et ONG et les visions vis-à-vis des mouvements sociaux en lutte (femmes, ouvriers, employés, paysans, pêcheurs, syndicats, étudiants, chômeurs…). L'axe thématique principal pour Tunis 2013 consiste à visibiliser et valoriser les mouvements sociaux dans toutes leurs dimensions et initiatives visant des changements significatifs et transformations sociales. Un programme d'actions a été dressé afin d'élargir la mobilisation au maximum possible de régions avec pour tâches : • le partage de l'information la plus précise sur les valeurs et principes de la charte ; • l'identification des alternatives et innovations sociales, économiques et culturelles des différents mouvements sociaux ; • avec la proposition que chaque participant puisse mobiliser au moins une dizaine de personnes dans le milieu où il évolue. La présence de l'organisation des mères des disparus a permis de retenir également la justice transitionnelle qui est un des axes du FSM à Tunis. Au fur et à mesure des interventions surgissent des talents… des visions d'avenir… des propositions généreuses : on assistait ainsi à un véritable foisonnement jaillissant d'un gisement dormant qui, à la différence du pétrole, est une richesse immatérielle inépuisable. Reste à savoir si ces initiatives et débats seront entendus, compris et soutenus par des partenaires institutionnels nationaux, des groupes d'intellectuels et leaders d'opinions et les différents médias pour en assurer la diffusion à une échelle significative. Mais l'assemblée avait une moyenne d'âge très jeune et de l'avenir du pays : lucide, responsable et généreux, ils et elles savent que «ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin».
Notes : 1) Mais les mouvements sociaux (plus de 950 d'après les chiffres de D… ) n'ont jamais cessé revendications et luttes sous toutes les formes et dans tous les domaines de la vie économique et sociale. 2) S'il est bien évident que les mouvements altermondialistes ont très vite essaimé en Amérique latine et Caraïbes, en termes numériques c'est le continent africain qui a non seulement organisé 3 FSM (Bamako 2006, Nairobi 2007, Dakar 2011) mais a aussi pénétré quasiment tous les pays africains, y compris ceux qui étaient en conflits armés (Forum social africain qui regroupe toutes les régions d'Afrique, et aussi une multitude à des niveaux nationaux ou sous-régionaux (Afrique australe, Afrique de l'Ouest, etc.) 3) Un autre monde possible : article 2 de la Charte des principes du Forum Social «Le Forum social Mondial de Porto Alegre (la première édition s'est déroulée du 25 au 30 janvier 2001) a été une manifestation dans le temps et l'espace. Désormais, avec la certitude proclamée à Porto Alegre qu'«un autre monde est possible», il devient un processus permanent de recherche et d'élaboration d'alternatives, qui ne se réduit pas aux manifestations sur lesquelles il s'appuie» 4) FS Mag: Forum oocial maghrébin