C'est une théorie qui affirme que le battement d'ailes d'un papillon peut provoquer un ouragan à l'autre bout de la planète. C'est une fable qui veut qu'on ait toujours besoin d'un plus petit que soi. C'est Pascal, le philosophe français du siècle, qui parlait d'infiniment petit et d'infiniment grand. Bref, ce qui est petit peut provoquer de grandes choses et il est arrivé que les civilisations les plus prestigieuses, nées de desseins planétaires, tiennent souvent à des détails à priori insignifiants. Sans prétendre à autant, on peut se faire plaisir dans l'inventaire de petitesses aussi discrètes que positives. Tenez, les arbres de l'avenue Tripoli à Hussein-Dey. Dégagés de la perspective pour cause de futur tramway, ils étaient voués à une mort certaine. Quel esprit béni a-t-il pensé à les replanter ? Transférés près de Garidi, voilà qu'ils reverdissent. Un détail dans le massacre écologique du pays ? Oui, mais notons que c'est la première fois qu'un tel sauvetage a lieu. Et peut-être est-ce un signe que rien n'est à jamais perdu ? Et puisque le Salon du livre est à la une, intéressons-nous à deux détails passés presqu'inaperçus ou, nous semble-t-il, sous-estimés. D'abord, cette déclaration du ministre de la Communication, Azzedine Mihoubi, annonçant que les sorties de livres figureront désormais dans les journaux télévisés et parlés. Pris comme ça, ce n'est pas l'Eldorado. Mais, à bien y réfléchir, ce serait une petite révolution. Accorder au livre une place, fut-elle petite, dans cet espace réservé essentiellement aux nouvelles officielles, c'est lui conférer une dimension notable, à condition, bien sûr, qu'on ne retienne pas seulement les livres officiels. Ensuite — ce n'est pas un fait exprès —, cette déclaration d'un autre ministre, Khalida Toumi, en charge de la culture, dans son éditorial à la revue du SILA, où elle souligne que son département « travaille avec une belle connivence avec le ministère de l'Education nationale pour réintroduire la lecture d'ouvrages et d'auteurs comme discipline obligatoire ». Là aussi, cela peut paraître primaire, sinon secondaire. Mais imaginez un instant que tous nos adorables et insupportables « tchitchouane » puissent avoir enfin accès à la lecture, la vraie, et non plus au parcœurisme industriel et débilitant qui, jusqu'à présent, a donné naissance à des générations culturellement handicapées. Ne parlons pas du bénéfice incroyable que cela représenterait pour l'apprentissage linguistique. On s'est beaucoup gaussé de nos gosses « azérolingues ». On a beaucoup parlé de méthodes, de programmes, de conditions matérielles en milieu scolaire, etc. On a oublié que rien d'autre que la lecture ne peut fournir les véritables outils de maîtrise d'une langue et l'acquisition d'une expression claire et précise. Lire ouvre de plus les portes d'une appréhension à la fois rationnelle et émerveillée du monde et ce, sur un champ plus vaste encore que celui qui sépare un papillon d'un ouragan. Que les connivences soient belles nous réjouit. Qu'elles soient rapides nous enchanterait.