De Sanaa à Baghdad et de Kaboul à Islamabad, pour ne citer que ces points chauds du globe, l'hyperpuissance américaine et la communauté internationale, sous choc terroriste récurrent, revisitent le sens de la théorie des dominos et de «l'effet papillon». Et de se demander alors si la guerre dans un pays donné peut éradiquer le terrorisme dans un autre, dans la même région. Et, par extension, apporter la paix dans l'un et maintenir la stabilité chez ses voisins ? Cette théorie, avancée pour la première fois par le président américain Eisenhower en pleine guerre froide, est fondée sur l'idée que le basculement d'un pays en faveur d'une idéologie inamicale, hier le communisme, aujourd'hui le terrorisme, serait suivi du même changement dans les pays limitrophes selon l'effet domino. Dans le principe, c'est la propagation par contagion, ce fameux cercle vertueux démocratique des temps récents que l'administration Bush escomptait provoquer dans les pays arabes, singulièrement à partir de la guerre en Irak et par le truchement de son chimérique projet de Grand Moyen-Orient. Il en va ainsi du fameux «effet papillon», expression imagée du météorologue américain Edward Lorenz. Utilisée pour la première fois en 1972, cette théorie, qui concerne le phénomène fondamental des sensibilités aux conditions initiales en «théorie du chaos», est fondée notamment sur la notion de prédictibilité. Elle fut énoncée de façon métaphorique à travers la désormais célèbre question consistant à se demander si «le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas ?» Il s'agit donc de l'effet minime qui provoquerait des réactions en chaîne de plus grande ampleur. Ramené à une autre dimension, c'est le phénomène perturbateur minime qui peut déclencher une avalanche, lui-même bien connu en montagne depuis quelques siècles. A scruter donc l'évolution récente de la géographie du chaos terroriste, l'observateur se rappelle alors une formule algérienne qui aurait pu être un paradigme, voire une théorie politique. Il s'agit du «magma terroriste», vocable qu'on doit à Meziane Cherif, alors ministre de l'Intérieur (aujourd'hui, consul général en France) et qui n'est pas passé dans la postérité. L'idée, qui était fondée sur les notions de continuum géographique et d'effets terroristes en chaîne, avait été formulée à une époque où la diplomatie algérienne était aphone et la voix de l'Algérie inaudible. De plus, le 11 septembre n'était pas encore passé par là. Ce «magma terroriste» qui, dans l'esprit de Meziane Cherif, s'étendait de Nouakchott à… Islamabad, parait aujourd'hui étriqué. La carte de l'indicible horreur terroriste est réellement plus vaste que cette portion du globe qui englobe en fait des pays de confession musulmane. La mondialisation est également terroriste et Al Qaïda ignore les frontières confessionnelles. Mais, malgré sa propre atonie et l'ostracisme dont elle était victime de la part d'une communauté internationale dubitative et indifférente, la diplomatie algérienne avait pu quand même théoriser et conceptualiser ce qui est désormais une horreur universelle que traduisent en chaîne les théories des dominos et «l'effet papillon». N. K.