Le pont date de l'été dernier. Il doit son existence au passage des touristes, et a remplacé une centaine de mètres du chemin goudronné qui reposait sur une couche de sable risquant de s'effondrer à tout moment. Heureusement, un trou est apparu dans la chaussée avant qu'elle ne soit engloutie. Avec un peu moins de chance, l'anecdote aurait été un drame du tourisme de masse, sur un site classé patrimoine mondial de l'Unesco, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Reykjavik. L'île, vantée pour sa beauté sauvage, accueille, chaque année, un afflux croissant de touristes étrangers. Ils ont été 672 000 en 2012, soit 19% de plus que l'année précédente et deux fois plus qu'en 2003. «C'est un défi d'avoir chaque année 20% de croissance.» Tout secteur serait mis à l'épreuve de connaître un tel développement», estime la directrice générale de l'Office national du tourisme, Olöf Yrr Atladottir. La chanteuse, Björk, dans les années 1990, la crise bancaire en 2008 et l'éruption du volcan Eyjafjallajökull en 2010, ont fait beaucoup pour la notoriété de l'île, blottie aux confins de l'Atlantique Nord, et les Islandais ont toujours été inventifs pour accueillir les touristes dans les meilleures conditions. Une destination plus abordable depuis la crise
Les eaux turquoises du Blue Lagoon, une station thermale qui fascine, viennent des rejets d'une centrale géothermique. Une autre attraction moins célèbre, mais plus spectaculaire, emmène les visiteurs au cœur de la cavité d'un volcan éteint, le Thrihnukagigur. «Nous sommes venus en Islande pour voir à quoi le pays ressemble vraiment. Pour voir quelque chose de différent : geysers, champs de lave, sources d'eau chaude…», confie Leon Jones, arrivé de Shropshire (région centre du Royaume-Uni), mercredi. Longtemps havre de paix réservé à des touristes fortunés, le pays est devenu une destination beaucoup plus abordable après la chute de la couronne islandaise, qui ne s'est jamais redressée, après avoir perdu 47% de sa valeur face à l'euro en 2008. Face au succès, «depuis 2011 nous concentrons nos campagnes de publicité sur le hors-saison», explique Mme Atladottir. Ces efforts ont permis de faire descendre sous les 50% la part des touristes estivaux. «Maintenant, nous devons définir où nous voulons que le tourisme croisse (…) Pendant la saison haute, il y a certaines régions qui ne peuvent pas supporter beaucoup plus de touristes», concède-t-elle. Pour David Samuelsson, directeur général de Visit South Iceland, l'Islande peut encore mieux faire pour sortir les visiteurs des sentiers battus. Il plaide pour que la manne touristique bénéfice davantage aux locaux. «Les deux raisons principales pour lesquelles les gens viennent en Islande sont : un, la nature, et deux, la nature. Donc nous essayons de les convaincre de venir plus près de cette nature dès leur arrivée, ce que proposent par exemple des agriculteurs», dit-il. Il souligne que si le pays a connu un «boom» du tourisme, il en allait pour lui de la survie économique. «Oui, l'activité a été très bonne. Mais beaucoup avait été investi. Les Islandais ont pris des prêts à l'étranger avant la crise financière de 2008. Il fallait qu'ils réussissent», souligne-t-il. Le tourisme est devenu une source cruciale de devises. L'Islande maintient, depuis l'effondrement de son secteur bancaire en 2008, des contrôles de capitaux pour éviter une hémorragie financière. Quand l'économie traversait ces dernières années une récession puis une reprise économique en douceur, la capitale Reykjavik voyait fleurir aussi bien des hôtels de luxe que des auberges de jeunesse, des entreprises familiales d'excursion sur les glaciers que des grosses sociétés affrétant des bateaux pour aller voir les baleines. Le projet le plus fou a été celui du promoteur immobilier chinois, Huang Nubo, qui voulait installer un complexe alliant hôtel de luxe, parcours de golf et réserve naturelle dans une région très retirée du nord-est de l'île. Le gouvernement y a mis son véto en 2011, inquiet face à l'immensité du terrain visé (300 km2). Ce gouvernement de gauche devrait être balayé lors des élections législatives de samedi, après quatre ans au pouvoir. D'après M. Samuelsson, l'industrie touristique ne le regrettera pas. «Il n'a pas rendu les choses plus faciles avec sa politique fiscale», estime-t-il.