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A propos du ‘'retour'' des populismes
Point de vue
Publié dans El Watan le 30 - 12 - 2018

Employé pour désigner un genre discursif mettant au centre la critique antiélitiste et les intérêts du «peuple», le populisme est un concept fourre-tout dont l'invocation n'est jamais neutre. Il sert souvent une stratégie verbale de délégitimation des contradicteurs sans qu'il n'ait besoin de réfuter publiquement leurs arguments. Tout en questionnant cette notion floue, fluctuante et incertaine, l'ambition de l'ouvrage collectif l'état du monde 2019, le Retour des populismes (La Découverte, septembre 2018) est de «trouver un dénominateur commun, transcendant le temps et l'espace, liant le populisme russe du XIXe siècle finissant, celui activé par le péronisme, le nassérisme, le boulangisme ou le «trumpisme» d'aujourd'hui ».
Longtemps synonyme de démagogie manipulant la volonté populaire pour répondre à d'irrésistibles motivations particulières, le populisme « a depuis une quinzaine d'années acquis certaines lettres de noblesse » au point de devenir la référence explicitement assumée de certains partis politiques selon le politologue français Philippe Marlière. Si comme l'affirme l'auteur « Le populisme n'est pas une idéologie : il ne propose pas de vision du monde » ( cela ne signifie pas qu'il soit dépourvu de tout contenu idéologique ndla) et qu'il repose « sur une double dynamique » mettant aux prises « le peuple » et les « élites » d'une part, et cherchant à reprendre à ces « élites » la souveraineté que ces dernières ont confisquée » d'autre part ; qu'est-ce qui, cependant, justifie la construction d'une catégorie conceptuelle rassemblant des manifestations beaucoup trop hétéroclites, limitant l'accès à la spécificité des contextes socio-historiques et des expériences politiques, et restant muette sur les contradictions fondamentales entre une synthèse idéologique comme le chavisme au Venezuela et la vision portée par Bolsonaro aujourd'hui au Brésil ?
Pour le sociologue français Bertrand Badie, plusieurs considérations président à ce choix. « La première est institutionnelle. Le populisme nait lorsque les entrepreneurs politiques saisissent la crise des mécanismes démocratiques et représentatifs pour dénoncer un système vicié et en profiter pour prendre et exercer le pouvoir ». Le lecteur pourrait objecter qu'en temps de crise, l'ensemble des partis d'opposition, qu'ils soient ou non catégorisés comme « populistes » mettent à profit le contexte pour présenter leur programme comme émanation de la demande sociale ou répondant aux attentes populaires.
Les contextes de crise ont en effet l'avantage de dispenser les partis d'opposition de l'exercice de la « pédagogie politique », plutôt que d'expliquer et d'informer sur leur programme pour susciter l'adhésion à leurs orientations politiques, ils tendent à produire une critique à l'encontre de « la classe dirigeante » fustigeant l'incompréhension ou le manque d'intérêt à l'égard des demandes sociale. Qu'un mouvement comme la France Insoumise s'exprime au nom des intérêts du « peuple français » ou que le Mouvement des Jeunes Socialistes parle de la « volonté des Français » en faisant abstraction du caractère amorphe et hétérogène des revendications dans une société traversée par une multitude de contradictions, pourquoi dans un cas, s'agirait-il d'un artifice rhétorique caractéristique du populisme et dans l'autre, d'un discours traditionnel d'opposition ? Comment désigner avec le même vocable, des itinéraires aussi variés de personnalités politiques, des expériences protéiformes, des orientations si différentes que celles portées par Jean-Luc Mélanchon, Marine Le Pen, Victor Orban, Vladimir Poutine, Recep Tayyib Erdogan, Xi Jinping, Castro, Chavez ou Bolsonaro?
La deuxième considération qui, selon Bertrand Badie, permet, en dépit des contrastes saisissants voire des contradictions, d'établir des continuités et de dégager des ressemblances entre les populismes apparus au XIXe siècle et les courants les plus actuels tient à la dimension politique. Selon lui, « à travers un commun dégagisme se sont les idéologies classiques qui sont incriminées et la vision du monde qui les accompagne ». Or là encore le «dégagisme» ne semble pas être une caractéristique propre aux «populistes», la collision entre la vision de l'intérêt public portée par des partis d'opposition et la politique conduite par ceux au pouvoir place les premiers dans un rapport antagoniste ou d'affrontement avec les seconds.
La différence avec les mouvements ou courants catalogués de populistes n'apparait que dans la radicalité du discours d'opposition. Le lecteur retrouve d'ailleurs cette idée dans la contribution d'Eric Marlière qui rappelle l'un des thèmes centraux développés par les théoriciens politiques Ernesto Laclau et Chantal Mouffe « La politique doit échapper à la fausse neutralité néolibérale et redécouvrir le désaccord et les oppositions parfois rudes (…) la politique doit être conçue comme un antagonisme fondamental ». Dans son essai Face au mal.
Le conflit sans la violence (Editions Textuel, janvier 2018), le sociologue français Michel Wieviorka estime que pour échapper à l'écueil de la violence, les régimes démocratiques doivent réinstitutionnaliser et assumer les conflits. Or la fin des clivages idéologiques, des débats de fond, la faiblesse des contradictions politiques est une conséquence du néolibéralisme triomphant qui scelle la pensée unique. Si une différence se manifeste entre des courants et mouvements relevant dans une catégorisation arbitraire du « populisme » et les partis traditionnels d'opposition, elle réside davantage dans le rejet par les premiers de la «soft idéologie».
Leur discours en tant que représentants de forces sociales ayant un intérêt antagoniste avec ceux qui exercent le pouvoir peut renfermer une promesse de démocratisation radicale ou de remise en cause du fonctionnement de la démocratie procédurale (le désintérêt de la classe politique pour le « peuple » justifiant une prise de pouvoir de la collectivité). Mais pour les théoriciens du populisme ou ceux qui adhérent à cette catégorisation, elle est nécessairement entachée de suspicion, puisqu'elle sous-tend une conception morale et non politique et procédurale du rapport entre la classe dirigeante et le peuple.
Le populiste lorsqu'il échappe au chef d'accusation de manipulation de la volonté de la communauté en mobilisant des artifices réthoriques et les ressources discursives démagogiques pour accomplir des visées propres, est regardé comme une menace pour le bon fonctionnement des règles du jeu démocratique. En effet, chercher à rétablir la souveraineté populaire en abolissant la distance qui sépare les dirigeants du peuple c'est remettre en cause les formes de procédure et de médiation supposées garantir la stabilité de la démocratie procédurale. L'historien et sociologue français Pierre Rosanvallon, notait lors de sa leçon inaugurale aux XXVIe Rencontres de Pétrarque, en juillet 2011 à Montpellier que dans cette forme de démocratie, le paradoxe persiste entre l'exaltation constante du principe de souveraineté populaire et le mépris du « populisme ». Si le lecteur se rapporte à la troisième raison convoquée par Badie qui expliquerait la validation d'une catégorie trop englobante ( pour conserver une quelconque pertinence), il est à nouveau plongé dans la perplexité. En effet, selon Badie, il faut revenir à « la fonction même du populisme. Assimilé trop souvent à un hypothétique courant politique et idéologique, il décrit des situations de frustration plus qu'une direction politique nouvelle ». L'explication semble une fois de plus peu convaincante. Au-delà de la dimension discursive et idéologique construisant une ligne de conflit entre le peuple et le bloc au pouvoir, et présentant les revendications exprimées par les citoyens comme antagonistes avec les options portées par la classe politique (E. Laclau), le « populisme » renferme des références doctrinales hétéroclites, des manifestations variées, des programmes socio-économiques différents. Mais l'absence d'idéologie structurée et de direction politique nouvelle n'est pas caractéristique du populisme. L'un des symptômes de la crise du système démocratique est l'affaissement des idéologies et l'impasse stratégique y compris celle dans laquelle se trouvent aujourd'hui des partis de la gauche historique ayant perdu leur vocation « anticapitaliste » ou « réformiste » et qui apparaissent de plus en plus déconnectés des mouvements sociaux dont la naissance déborde largement le cadre des organisations politiques et s'opère aux marges.
En dépit de toutes les précautions énoncées par les auteurs à l'encontre d'une notion volatile et fragile dans laquelle s'enracine une multitude d'expériences singulières, changeantes en fonction du contexte socio-historique, de l'héritage culturel, de la tradition politique, du rapport de force international, ils mobilisent cette notion en exagérant l'importance des ressemblances organisationnelles et le style politique. Si le lecteur ne se laisse pas distraire et détourner de l'essentiel, il revient à son interrogation première, celle des raisons de l'insistance sur les dénominateurs communs plutôt que sur les antagonismes voire les contradictions fondamentales entre « populismes », au delà du style et des tactiques du contexte, qu'est-ce qui unirait Chavez à Bolsonaro ? Le fait d'investir le « peuple » d'un enjeu de pouvoir, de gommer son identité partisane en se présentant comme le défenseur de la volonté populaire, d'exprimer son opposition dans un discours radical faisait-il de De Gaulle un populiste ?
La limite conceptuelle ressurgit de manière plus surprenante encore lorsque le sociologue français Raphaël Logier s'attache à dissocier le « populisme des années 30 » qui « se nourrissait de solides doctrines marxistes ou ‘'racialiste'' » du « populisme d'aujourd'hui héritier de la perte de crédibilité des grandes idéologies qui ont marqué le XXe siècle » avant de le qualifier d' « opiniologique » ou de « liquide ». Au delà de la formulation ambiguë qui laisse entendre que le marxisme aurait constitué le socle idéologique de certains populisme au même titre que le racialisme pour le fascisme, les cinq points essentiels censés tracer une frontière entre populisme d'hier et d'aujourd'hui laissent dubitatif. A l'affirmation erronée selon laquelle la définition du « vrai peuple » fondée sur la « notion volatile de culture » est un trait du populisme actuel (alors qu'y compris dans le marxisme la définition du peuple fait intervenir la composante culturelle), succède une description sommaire des conséquences de la mondialisation pour engendrer l'illusion que la fin des idéologies stables est un trait distinctif du populisme contemporain.
Or l'écueil à surmonter est toujours le même, cette énumération n'est pas une marque de reconnaissance du populisme. Par ailleurs, de tous temps, le contenu idéologique et les théories de l'action ont été refaçonnées par les contextes et des personnalités qui à la lumière des évolutions réalisent une nouvelle synthèse. Au fil des contributions le lecteur continue de questionner ce qui fait donc la spécificité du « populisme ». Le « culte du chef » dont Jean-Claude Monod analyse la résurgence n'a aucune pertinence pour analyser les stratégies et les comportements politiques. Est-ce donc la centralité de la référence au peuple et l'idée d'une correspondance directe entre le peuple et la direction politique ? A en croire René Monzat, dans son analyse de « la politique socialiste des populistes », toute représentation positive d'un populisme véhiculant un projet authentiquement démocratique est exclue puisque le populisme repose sur une référence « trompeuse » au « peuple ». « Il s'agit soit d'une conception ethnico-culturelle d'un « peuple » pur et préexistant, soit d'une entité à construire pour coaliser une majorité sociale issue des « couches populaires » autour d'un programme éco-socialiste ». Mais dans le Cuba de Castro ou le Venezuela de Chavez, l'identité nationale existe et fait sens, il n'y a pas de peuple à construire en coalisant des classes sociales dans la mesure où la logique à l'œuvre est celle d'une lutte de libération nationale et la création des conditions d'accès à l'indépendance réelle, ce « peuple » n'est pas non plus représenté dans une conception ethnique culturelle.
A vouloir enfermer des réalités aussi diverses que complexes dans la catégorie réductrice de « populisme », les auteurs appauvrissent considérablement ces expériences et les projets alternatifs dont elles ont été porteuses. La réflexion sur la « sociologie du populisme » de Francois Dubet soulève une thèse percutante celle du « déclin des représentations de la société en termes de classes et l'individualisation des inégalités » qui « accentuent le sentiment de ne jamais être représenté quelle que soit sa position sociale ». Mais le lien de causalité qu'il établit ensuite avec la montée des populismes est loin d'être évident. Si la catastrophe isolée, la dissolution du lien social et familiale et la marginalisation extrême renforcent l'aliénation et nourrissent ce sentiment, les individus ne se tournent pas systématiquement vers les courants ou mouvement populistes, la quête de solidarité et de nouvelles formes de sociabilité renaissent à travers l'engagement associatif ou au sein des mouvements sociaux.
D'un constat sociologique objectif, l'auteur finit par catégoriser une réalité comme « populiste ». Au final en dépit des nombreuses réserves exprimées sur une notion qui d'emblée par sa vocation englobante égare toute pertinence, le fait d'adopter cette catégorie pourrait en dire long sur ce qui fait parler ces théoriciens. En filigrane l'attachement à la stabilité du modèle démocratique se dessine, il imprègne les représentations et irrigue les analyses. Il forge les contours d'une vision qui agrège dans un seul concept des expériences qui sous une forme ou une autre mettent en péril le bon fonctionnement de la démocratie procédurale. Sous la plume de Marc Saint-Upéry, le lecteur apprend à propos de l'expérience chaviste « que les petits noyaux de la classe ouvrière industrielle qui avaient au départ adhéré au se sont très vite repliés dans un douloureux exil intérieur rebutés par son autoritarisme, son incompétence gestionnaire, sa corruption et la répression de toute velléité d'autonomie syndicale ».
Le régime de Chavez a été méthodiquement discrédité par des analyses qui ne tiennent pas compte de l'héritage structurel d'un pays ruiné otage d'une clique kleptocratique alliée à l'impérialisme américain, ni du fait que si l'on s'inscrit dans le temps démocratique, une transformation de la structure économique rentière dans un Etat gangrené par la corruption est totalement irréaliste. Face à l'ennemi de classe et l'offensive extérieure généralisée, Chavez a joué le jeu démocratique tout en s'appuyant massivement sur le « peuple », il a enclenché un processus de réforme interne soutenu par la mise en place de contrepoids économiques à l'échelle continentale, en pariant sur l'unité régionale pour renforcer les indépendances nationales, mais la richesse de l'expérience est évacuée par une critique empreinte de mauvaise foi et qui prend pour axe de comparaison la démocratie procédurale. Dans le fond, ce n'est pas l'émergence des populismes qui met en difficulté le système démocratique mais bien le fait que ces « capitalismes parlementaires » (selon l'expression d'Alain Badiou) soient porteurs des contradictions du système capitaliste qu'ils ne parviennent plus à absorber.
L.K.
(*) Universitaire


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