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Bavardage en classe : un véritable fléau qui mine la vie des enseignants

L'agitation, le bavardage, l'inattention sont des phénomènes ponctuels et normaux en salle de classe et un certain niveau de bavardage peut être acceptable, voire tolérable, suivant certaines règles. Mais les écarts de conduite, eux, peuvent toutefois gêner considérablement l'apprentissage et mener l'enseignant à l'exaspération, voire à la dépression. Il s'agit ici de cibler le mal de l'intempérance de la langue, celui qui empêche les élèves d'entendre, de cette surdité volontaire qui fait baigner dans un chaos bien organisé et non pas dans ce discours qui a un rapport avec le cours, qui rejoint par conséquent le but du professeur, lequel est constructif, et a le mérite de valoriser son auteur.
Il y a les élèves qui bavardent et ceux que le bavardage des autres empêche de se concentrer. Il y a les professeurs autoritaires et ceux qui se contentent, résignés, d'avaler des aspirines, minés par un sentiment d'échec pédagogique et d'impuissance. Il y a les parents qui trouvent que ça commence à bien faire et ceux qui pensent qu'après tout leurs enfants ont droit à la parole, et, une fois convoqués, vous répondent avec un grand sourire qu'ils étaient pareils au même âge. Quand le parent n'ajoute pas, pour vous laisser perplexe : «J'étais bavard, et ça ne m'a pas empêché de faire des études (voire de réussir !).» Il ne s'agit pourtant pas que d'un simple désagrément, ni d'une tendance qui disparaît d'elle-même avec l'âge.
Le bavardage sévit partout, à tous niveaux, et constitue de ce fait une menace pour la qualité de l'enseignement et l'équilibre mental de l'enseignant. En dépit de sa constance et de sa pénibilité, ce fléau est tabou. Obtenir le silence en classe pour présenter un cours devient un combat permanent, épuisant pour la voix et relève de la gageure. «Les élèves ne savent plus se taire». A bout de nerfs, un professeur de philosophie, Florence Ehnuel, vient d'en faire un livre Le bavardage, parlons-en enfin. Enseignante depuis 15 ans, elle considère cette situation comme du «harcèlement». «Dès que vous dites une phrase, vous êtes coupé. Vous n'êtes jamais écouté jusqu'au bout de la phrase. Je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer à quel point c'est usant», déplore l'enseignante, la discussion incessante des écoliers est le fléau le plus grave de l'enseignement, la tare endémique de toutes les classes.
C'est «pour décrire ce que les professeurs vivent, pour raconter dans quelles conditions se font les apprentissages, pour dénoncer le climat de mépris et de négligence qui règne dans les classes», qu'elle a décidé d'écrire ce livre. Ce sujet cependant, comme tout, et par-dessus tout, reste ambivalent, et c'est celui qui pose le plus grand paradoxe : «On bavarde quand on s'ennuie, mais on bavarde aussi quand on est intéressé par le cours», nous rappelle Aziz Jellab, professeur de sociologie à l'université Lille 3 et auteur de plusieurs ouvrages sur la sociologie scolaire. Nous voici donc avec cette «injonction paradoxale» aux codes bien étranges : nous voulons à la fois que nos élèves se taisent et nous voulons qu'ils parlent.
«Mais comment pour un apprenant avide de paroles, percevoir ce moment où il doit parler ?» Florence Ehnuel a tout essayé pour mettre fin aux conversations intempestives pendant ses classes : dialogue, cours interactif. «Mais ils ne savent pas se taire, ni même s'écouter entre eux», déplore-t-elle. La seule méthode qui marche, et qui pourtant ne lui plait pas du tout, c'est une sévérité maximum avec des sanctions distribuées au moindre bavardage.
Sans pour autant réduire l'espace de «démocratie cognitive» chère au sociologue et philosophe Edgar Morin, et créer ainsi par opposition, un obstacle est une limite à l'apprentissage intellectuel. En général, ce n'est pas intentionnellement contre le professeur que les élèves bavardent, mais celui-ci est usé par ce bruit et cette absence de considération. Dans la mesure où l'on a l'impression d'avoir tout essayé, tout mis en place, «ce n'est plus de l'ordre de la pédagogie». Reste alors à essayer de comprendre d'où vient ce problème.
Il ne s'agit pas, selon Florence Ehnuel, d'un «manque d'autorité naturelle» du professeur. Elle accuse les émissions télévisées «où chacun coupe la parole à l'autre, à commencer par les journalistes et les hommes politiques, où ce qui semble surtout compter, c'est avant tout l'animation et l'agitation bien plus que le contenu. Un sujet ne serait digne d'intérêt que s'il déclenche en permanence la curiosité et le plaisir du spectateur. Les réseaux sociaux et les SMS, où seule compte l'immédiateté de la parole irréfléchie.
La disparition de la lecture, qui éduque à la concentration et nécessite des plages de solitude un peu étendues». L'auteur va bien au-delà d'une simple réflexion sur la seule didactique. En cherchant à remonter aux causes de cette tare endémique qui tue la classe, pollue les cours, épuise les professeurs et disperse les élèves, elle ouvre une fenêtre sur des mutations contemporaines, dont l'impact est loin de se limiter à l'école. Les enfants qui reçoivent une éducation distinguée apprennent d'abord à se taire, parler ne vient que plus tard.
Quant aux autres, tout à la fois manque de courtoisie, de savoir-vivre, de maîtrise de soi, le bavardage menace les bases même de la communication, qui s'apparente à une dégradation de l'humain, explique-t-elle : «j'irai jusqu'à dire, pour montrer le malaise intense que génère en moi le bavardage, que travailler avec une classe qui ne sait pas maintenir son attention, cela ressemble pour moi à me déplacer dans une décharge publique. Un groupe dont l'échange verbal est désorganisé voit son espace s'encombrer très vite d'un amoncellement de détritus formé par toutes ces phrases inutiles, intempestives, simultanément envoyées de toutes parts». Pour le sociologue Aziz Jellab, il est impératif de faire prendre conscience aux enseignants d'abord, puis à la société dans son ensemble que «cette forme d'indiscipline n'est pas le résultat de l'incompétence de l'enseignement, mais bien au contraire, qu'elle oriente des pistes de solution».
Dans son traité, qui se présente comme une petite thérapie philosophique qui tend à guérir du vice le plus dangereux : «parler plus que de raison», et après avoir énuméré les dangers du bavardage, Plutarque n'en reste pas à la condamnation du vice, mais prône la vertu contraire : l'éloge du silence. On trouvera à la fin du traité l'esquisse d'un art de la conversation, où la parole retrouve la valeur de sens et de beauté qui lui est due. Des affections de l'âme et du corps, lesquelles sont les plus graves? À lire l'argumentation de Plutarque, ce sont les premières qui sont les plus insidieuses.
Marie Legrand, professeur de lettres, dans un article paru dans la revue Argos (n° 26, déc. 2000) parle, elle, de la mise en place d'un «cérémonial» qui rend la parole importante, reconnue, écoutée. Les intervenants se sentent investis du pouvoir de parole, mais aussi protégés. Ils donnent leur avis sans crainte d'être coupés ou contredits dès le premier mot, ce qui les amène à argumenter, à essayer de convaincre, chacun parle en «je» et s'engage devant le groupe. Ce cérémonial développe la qualité de l'écoute et endigue la précipitation ou les interventions à voix multiples…
L'agrégée de philosophie a testé des stratégies simples et adaptées pour permettre à l'enseignant d'intervenir efficacement auprès d'un élève dérangeant sans perturber le reste de la classe. Elle préconise l'instauration de débats en classe, l'intransigeance, de baisser le volume de la voix. Elle recommande, en outre, que «les élèves soient amenés à suivre des apprentissages concernant la concentration et l'attention, soit à travers des séances spécifiques, soit au sein des enseignements disciplinaires avec des professeurs volontaires et formés».
Quant à moi, mon combat contre le bavardage intempestif et compulsif, consistait à prévenir les élèves qu'ils seraient sanctionnés par une soustraction de points sur l'évaluation continue, que le 10 pouvait devenir un zéro à la fin du trimestre et que j'empiéterais sur l'évaluation du projet présenté en fin de trimestre et surtout que ce serait mentionné sur le relevé de notes, au stylo rouge. Les bavards me demandaient combien de «-1» ils avaient. Je devais retourner à mon bureau toutes les cinq minutes pour consigner les «-1». Quelques fois, j'étais tellement concentrée sur les «-1», que je n'avais plus d'accroche pédagogique avec la classe. Mais je restais intransigeante sur ma pratique et je tenais bon.
Témoignages d'enseignants :
– Je suis «minée» par le bavardage incessant de certains de mes élèves, quelle que soit la classe. Ce phénomène en hausse constante depuis des années est devenu un véritable fléau. Seules les sanctions les calment un temps. Mais le caractère éphémère de ces mesures agace et use petit à petit quand il ne faut pas, en plus, supporter leur paresse inouïe, leur mauvaise foi sans borne (le fameux « j'ai rien dit » qui a le don de me mettre hors de moi) et au pire leur manque de respect. Or, à bien des égards, le bavardage est finalement le manque de respect le plus répandu et le plus insidieux qui soit. La parole de l'adulte est niée au profit de leur seul confort et plaisir tout comme la gêne que cela peut produire chez les autres.
– Le bavardage est issu d'un manque cruel d'éducation et de règles à la maison. L'enfant roi (qui fatalement devient l'enfant tyran) a été tellement écouté toute sa vie, dans le cadre de son soi-disant épanouissement, qu'il est incapable une fois adolescent de savoir qu'il y a un temps pour tout et donc un temps pour se taire ! Et le plus inquiétant est que ce phénomène dépasse largement les clivages sociaux.
– Avec moi, c'est la sanction immédiate en cas de bavardage ou de prise de parole sans lever le doigt : j'ai établi une note d'oral sur 20 points, divisée en deux parties : 10 points pour la participation (qu'il faut gagner) et 10 points pour le bavardage (je retire systématiquement un point à chaque bavardage ou prise de parole sans autorisation).
– Une petite plage de tolérance pendant chaque heure de cours est indispensable : je me montre plus dynamique pendant quelques minutes et suscite un dialogue où tacitement, les élèves sentent qu'ils ne seront pas sanctionnés en cas de bavardage ou de prise de parole sans doigt levé; cela permet de relâcher un peu la pression en montrant que je suis capable de souplesse; mais quand j'estime que l'idée étudiée est acquise, je donne le signal du retour au silence total (concrètement, cela passe par le retour à la trace écrite).
– Il peut être extrêmement difficile d'obtenir un silence complet… Il est nécessaire pour la majorité des classes actuelles de faire un plan de table dés le début de l'année et à le remanier au cours de l'année. Déplacer les élèves selon la nécessité du moment. Cela peut sembler arbitraire. J'utilise seulement le pouvoir régalien de placer les élèves où bon me semble dans la classe, ce que tout élève normal accepte, et me donne du répit à moi.
– Je pense qu'un certain niveau de bruit est incontournable lorsque les élèves travaillent en groupe, présentent un exposé ou discutent un point de cours. Dés le premier jour, j'essaie d'habituer les élèves à chuchoter, à soulever leur chaise au lieu de la tirer, à écouter les autres en silence. Malgré mes efforts, il reste un niveau de bruit incompressible.
L'enseignant doit faire un travail sur lui-même pour accepter sereinement le regard parfois négatif de son environnement et sa propre culpabilité.
– Combattre le bavardage, c'est d'abord commencer par donner l'exemple et ensuite rester vigilant à toute une série de comportements chez soi, comme chez les autres : apprendre à parler à son tour, ne pas interrompre l'autre ou bannir les discours superposés.
Il faut du temps à chaque classe pour comprendre les règles et la façon dont elles sont appliquées par chaque professeur. Mais quand le cours est motivant et que le professeur suscite le respect, en respectant lui-même ses élèves, il me semble que cela doit marcher. Enfin, tous les témoins de ce dossier insistent lourdement sur la formation du corps enseignant en termes de gestion de groupe, qu'ils estiment très insuffisante et inadaptée à la réalité du terrain. Tous déplorent un manque de formation continue, de suivi et de cadre. En réalité, ces derniers demandent simplement une plus grande écoute. Car sans elle, il est impossible d'obtenir la parole.
Bibliographies :
Pour être à l'écoute de nos enfants, Jacques Salomé, psychosociologue et écrivain.
Le bavardage, parlons-en enfin, Florence Ehnuel, professeur agrégée de philosophie.
La réforme de la pensée, Edgar Morin, sociologue et philosophe.
L'expérience des élèves et des enseignants dans une institution en mutation, Aziz Jellab, professeur de sociologie.
Sur le bavardage, traité de Plutarque, historien et penseur grec.
La vie de classe ou l'apprentissage de la vie,
Marie Legrand, professeur de lettres, article paru dans la revue Argos (n° 26, déc. 2000)


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