Lors de son passage au forum du journal El Moudjahid, le 7 mai, Khalida Toumi, ministre de la Culture, a parlé d'un avant-projet de loi sur le livre, élaboré par son département ministériel et déposé auprès du secrétariat général du gouvernement. Ce projet, dont il est question depuis plusieurs années, viendrait combler un vide juridique ou regrouper, en les complétant et les actualisant, des dispositions déjà existantes mais éparpillées dans divers textes. L'intervention de la ministre de la Culture a attiré l'attention de plusieurs professionnels du livre et suscité leurs interrogations et leur crainte, du fait de l'ignorance du contenu de ce projet. Certains regrettent qu'il n'y ait pas eu de consultations formelles avec les différents corps de métier concernés : éditeurs, distributeurs, libraires, bibliothécaires, imprimeurs, etc. D'autres, plus désabusés ou plus réalistes, estiment que les professionnels ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Ils relèvent que le mouvement associatif des professionnels du livre qui animait, d'une manière ou d'une autre, la vie du secteur et constituait un interlocuteur potentiel des pouvoirs publics, a beaucoup perdu de sa consistance. Les éditeurs qui, dans le monde entier, sont la locomotive du secteur, se trouvent privés d'une représentation unitaire, partagés entre le SNEL, Syndicat national des éditeurs de livre, présidé par Ahmed Madi (Dar El Hikma), et l'ONEL, Organisation nationale, à la présidence tournante. Pour rappel, en décembre 2009, à la Bibliothèque nationale, avait eu lieu l'assemblée constitutive du Forum des éditeurs qui regroupait les plus importantes maisons d'édition privées et publiques. Dans un communiqué publié auparavant, le Fored naissant avait affiché ses ambitions, déclarant : «Au moment où les pouvoirs publics semblent s'impliquer dans l'avènement d'une réelle politique publique du livre et face aux innombrables chantiers en cours : lectorat réduit, cherté du livre, diffusion restreinte, édition électronique, piratage, etc., il paraissait nécessaire de clarifier les débats et de replacer les questions de la création et de l'éthique au cœur du métier d'éditeur de livre, ainsi que de proposer un cadre rigoureux et généreux pour renouveler les pratiques et les approches.» Le choix d'une présidence tournante annuelle avait été retenu et Dalila Nadjem (Dalimen), première à ce poste, avait déclaré que le Forum n'était pas «un espace concurrençant le syndicat du livre», évoquant les missions différentes des deux. Mais, en octobre 2012, exit le Forum, puisque la plupart de ses membres ont décidé de le transformer en organisation syndicale, l'ONEL, en conservant le principe d'une présidence tournante confiée pour le premier exercice à Hamidou Messaoudi (ENAG). On se retrouve ainsi avec plusieurs syndicats, les deux précités et aussi, moins connus, un syndicat professionnel du livre (SPL) et une Union des éditeurs algériens créée en 2012. Le tout pour 320 éditeurs privés recensés. Si le pluralisme syndical est une bonne chose, il peut aussi devenir handicapant, d'autant que les différentes organisations ne communiquent pas suffisamment. De même, tout le monde a noté la disparition de l'Asila, l'Association des libraires algériens, qui avait marqué le secteur du livre par d'excellentes initiatives au plan de la formation ou par l'attribution annuelle, au Salon du livre d'Alger, d'un prix littéraire. Les autres acteurs de la chaîne du livre sont encore plus absents. C'est le cas des bibliothécaires. La ministre de la Culture a annoncé que sur les 1600 bibliothèques en projet, 960 déjà réalisées dans le cadre des communes seraient transférées au secteur de la culture pour disposer d'un accompagnement. C'est le cas aussi des distributeurs, imprimeurs de livre… dont on ignore la situation réelle et les éventuels points de vue.