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Le nucléaire dans les pays arabo-méditerranéens : Les conditions du succès
Publié dans El Watan le 09 - 11 - 2009

L'amenuisement des ressources énergétiques fossiles et les besoins grandissants en électricité sont, entre autres, les raisons qui ont poussé la quasi-totalité des pays arabo-méditerranéens (PAM) - Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie - à annoncer, ces dernières années, leur intention d'acquérir des centrales nucléaires pour la production d'électricité.
Introduction
1 - Un choix logique ?
Ils ont signé des conventions de coopération dans le domaine nucléaire civil avec des pays qui maîtrisent cette technologie : Chine, Etats-Unis, France, Russie, Argentine… Ils sont en outre engagés dans l'étude et la réalisation de centrales solaires de production d'énergie. Pareil engouement s'était d'ailleurs manifesté au cours des années 80 lorsque des pays comme l'Egypte ou le Maroc avaient été assez loin dans la préparation des dossiers de réalisation de centrales nucléaires (Cf. études réalisées à l'époque par la société française Sofratome) ; des considérations techniques (Tchernobyl) et financières (crise mondiale) avaient tempéré les ardeurs de ces pays. Si le choix des pays arabo-méditerranéens d'acquérir des centrales nucléaires est fondé, on peut se demander s'il est réalisable ; d'abord à cause de la réticence des pays occidentaux à fournir cette technologie sensible, ensuite parce que cette industrie est perçue légitimement par les populations comme une industrie à risque élevé. De plus, elle coûte cher et entraîne une dépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger. D'autres choix sont possibles pour ces pays ; le solaire ou l'éolien (seulement comme apports complémentaires, ces sources d'énergie ne pouvant fournir des productions continues et de masse) ; le charbon (à condition que des solutions économiques soient trouvées au problème de rejet du CO2) ; l'hydrogène (une fois maîtrisé son cycle complet – production, transport, stockage, utilisation).
Des observateurs voient dans la course au « nucléaire arabe », outre l'intérêt économique, une volonté de certains dirigeants d'imposer leur leadership dans le monde arabe ; ce qui, selon ces mêmes observateurs, a conduit ces dirigeants à exprimer publiquement et précipitamment leurs projets. Dans un article intitulé « L'Egypte veut garder la tête de la famille nucléaire arabe », le magazine Jeune Afrique du 26 mars 2008 écrit : « L'Egypte a pressé le pas en signant un accord avec la Russie pour rester en tête de la "famille nucléaire" civile que les pays arabes veulent former face à l'Iran et Israël. » En réalité, la motivation est plus simple : les pays arabo-méditerranéens ont besoin de sources d'énergie diversifiées et le nucléaire en est une. Ils espèrent, par ailleurs, grâce au développement de programmes nucléaires réussis, bâtir une véritable industrie et une solide réputation de « puissance » scientifique et technique.
2- Des conditions de réalisation difficiles
Les annonces ayant été solennisées, reste à concrétiser les projets. La réussite d'une « aventure nucléaire » suppose que certaines conditions soient réunies : une volonté politique forte, des compétences scientifiques et techniques bien préparées, un tissu industriel moderne, diversifié et à fort potentiel, des moyens financiers aisément mobilisables et autant que faire se peut l'association des populations aux décisions qui touchent leurs préoccupations quotidiennes. Outre ces conditions endogènes, à la portée des pays candidats au nucléaire, il en est une autre, et de taille, qui échappe complètement à la volonté de ces pays : c'est la maîtrise technologique. La Russie et la Chine sont disposées à vendre des centrales nucléaires et à transférer la technologie aux pays arabes, pourvu que ces derniers se conforment aux lois internationales (Traité de non prolifération, TNP). Les pays occidentaux, eux, sont plus réservés et souhaitent s'entourer de précautions suffisantes pour éviter que certains pays détournent la technologie civile à des fins militaires. Nicolas Sarkozy va jusqu'à prévoir « un système permettant de désactiver une centrale nucléaire depuis l'extérieur ». Les pays occidentaux exigent en outre que les pays acheteurs s'abstiennent de toute activité d'enrichissement d'uranium et de fabrication du combustible et qu'ils s'engagent à faire traiter leur combustible usé dans les usines des « grands pays », les rendant ainsi entièrement dépendants des pays fournisseurs.
Les conditions endogènes
La volonté politique
Marcel Boiteux, président d'honneur d'EDF, écrit à propos du programme nucléaire civil français : « Une France préparée et déterminée. Préparation, capacité d'organisation, rapidité, d'adaptation, soutien moral, fierté de réussir (malgré des erreurs, certes – nul n'est parfait !) : le programme nucléaire français a été un succès. M. Boiteux cite parmi les facteurs de réussite la décision politique exceptionnelle, et méritoirement durable, du gouvernement. Bien conseillé sans doute, mais déterminé, le Premier ministre, Pierre Messmer décide, dès la mi-décembre 1973 (décision officialisée en mars 1974), d'un changement de rythme face à la crise du pétrole : on passe de un à six réacteurs nucléaires par an ! Avec un pareil horizon de programme, l'industrie française peut s'organiser en toute certitude sur un nouveau palier » Le succès de l'aventure nucléaire nécessite de la volonté, de la détermination, du courage et de la clairvoyance au sommet de l'Etat mais aussi une adhésion inébranlable à tous les niveaux des rouages politiques, économiques, scientifiques et sociaux.
C'est la condition la plus difficile à remplir. Elle suppose une denrée rare : des hommes d'une grande foi et de beaucoup de charisme comme on n'en trouve que rarement dans l'histoire d'un pays. El Watan, quotidien algérien, écrit dans son édition du 3 novembre 2007 : « Ce n'est pas la première fois que l'on parle de relancer le programme nucléaire civil égyptien sans que cela débouche sur des mesures concrètes. » Le journal poursuit : « Si cela s'avère vrai cette fois-ci, ce serait une excellente nouvelle », ont ainsi commenté de nombreux spécialistes égyptiens du nucléaire dont certains, surtout dans les journaux de l'opposition, ne se sont pas privés de rappeler que « la reprise de la production d'énergie nucléaire est quelque chose qui revient périodiquement, mais qui n'est jamais suivie dans les faits ». Une réalisation nucléaire bien maîtrisée est une œuvre de longue haleine - elle peut durer 60 ans et plus – une quinzaine d'années pour les études et la construction et une cinquantaine d'années pour l'exploitation et le démantèlement. Mener une telle entreprise sur une durée aussi longue n'admet pas d'erreur, ni sur le but ni sur les moyens à mettre en place sous peine de conduire à de lourdes pertes financières et à un gâchis des compétences. L'engagement politique « exceptionnel et durable » est indispensable.
Les compétences scientifiques et techniques, les infrastructures et le tissu industriels
Il ne peut y avoir d'industrie nucléaire sans une solide communauté scientifique et technique et une industrie lourde et légère développant ses activité en parfaite harmonie avec une recherche de qualité. Les pays qui se sont lancés dans la réalisation d'une industrie nucléaire (France, Japon, Chine, Corée du Sud…) ont su mobiliser d'impressionnantes cohortes d'étudiants et d'ingénieurs expérimentés pour assurer études, recherche, ingénierie, fabrication, et contrôle, indispensables à la réalisation d'installations qui ne souffrent aucune faille. Ils ont encouragé les grandes entreprises et les PME-PMI à s'engager dans « l'aventure » ; ils leur ont garanti des marchés très rentables en contrepartie de leur mise à niveau et de leur engagement à pérenniser leurs compétences et leurs outils.
A propos du cas français, Marcel Boiteux note : « Ainsi, premier facteur de la réussite, la France était préparée. Directeur de l'équipement et chef d'orchestre responsable pour EDF, Michel Hug avait même commencé, en prévision de programmes accrus, à renforcer le réseau des sous-traitances auquel il allait falloir s'adresser pour faire face. Le fait est, en tout cas, que les industriels français ont été presque tous à la hauteur, ces industriels sans qui, là aussi, rien n'eût été possible ». Or les pays arabes souffrent d'un manque de moyens scientifiques et techniques à même d'assurer une industrialisation réussie dans le domaine nucléaire. « À eux seuls, les chiffres de l'éducation expliquent la performance économique des pays arabes : 10% de non-scolarisés dans le primaire ; le tiers des enfants n'accède pas à l'enseignement secondaire et les trois quarts ne parviennent pas au supérieur. Le taux d'analphabétisme était, en 2007, de 30%, contre 10% en Amérique latine et 9 % en Asie de l'Est » (dans Impuissances arabes, magazine Jeune Afrique du 14 janvier 2008). On devine aisément le chemin qui reste à faire.
Les moyens financiers
Une centrale nucléaire de 1000 kW coûte autour de 2 milliards d'euros. A cela s'ajoutent 2 à 3 milliards d'euros pour les investissements relatifs aux infrastructures hors centrale (sécurité, santé, moyens de transport spéciaux…), la formation et la recherche, le démantèlement. Les charges d'exploitation sont aussi impressionnantes : coût du combustible, du traitement des déchets, de la maintenance, salaires et charges, etc. Mobiliser des moyens financiers aussi lourds n'est pas chose aisée. De plus, utiliser de telles sommes dans l'activité nucléaire suppose l'abandon, au moins temporaire, d'autres projets et d'autres investissements légitimement attendus par les populations. Il serait difficile d'expliquer à des populations, souvent mal loties, que l'Etat consacre des capitaux aussi importants à des réalisations qui occupent à peine deux ou trois milliers d'emplois et qui entrent en conflit avec des investissements de « première nécessité » : réalisation de logement, d'hôpitaux, d'écoles ou de projets agricoles.
La participation citoyenne
L'industrie nucléaire civile, économiquement défendable, peut avoir des conséquences dommageables sur les populations et l'environnement. Le mythe de la bombe qui « colle » au nucléaire renforce le rejet conscient ou irrationnel de cette industrie. Plusieurs pays européens ont décidé de ne pas recourir au nucléaire (Italie, Grèce) ou d'arrêter toute nouvelle construction et d'abandonner, à plus ou moins brève échéance, l'exploitation de centrales nucléaires déjà en service (Allemagne, Belgique, Suède) ; ces décisions ont été obtenues à la suite de contestations et de manifestations, longues et parfois violentes, des populations de ces pays. L'arrêt des constructions de nouvelles centrales et la fermeture à terme de celles qui fonctionnent déjà représentent un gâchis à la fois financier (investissements à perte dans des installations destinées à être mises au rebut avant la fin de vie) et économique et social (réduction des capacités de production entrainant des coupures électriques fréquentes pour les entreprises et les particuliers, pertes d'emploi…). La consultation préalable des populations sur la construction de centrales nucléaires éviterait sûrement de tels inconvénients. C'est aux autorités chargées du programme nucléaire que revient la tâche ardue de créer les conditions favorables à des débats démocratiques pour permettre aux citoyens d'exercer leur libre choix. Même s'il est parfois difficile de convaincre sur des risques légitimement redoutés, ce n'est qu'à ce prix que l'industrie nucléaire pourra être « supportée » par les populations.
3 - Quel avenir pour quel pays ?
A l'aune des conditions énumérées ci-dessus, les chances de chaque pays arabo-méditerranéen sont plus ou moins grandes. La Libye a beaucoup de moyens financiers et pourrait acheter une centrale nucléaire sans recours au crédit. Elle pèche cependant par un manque de compétences scientifique et technique de haut niveau et une absence de capacités industrielles de haut niveau. De plus, malgré l'abandon de ses activités nucléaires, la Libye passe encore aux yeux des Occidentaux pour un pays à risque s'agissant de la prolifération. L'Algérie, pays riche en pétrole et en gaz, a les moyens de financer ses projets. Si de solides réformes industrielles et de formation/recherche entrent dans les faits, si la situation sécuritaire continue d'évoluer dans le bon sens, alors les chances de réussite d'une industrie nucléaire dans ce pays seraient renforcées.
Si des pays comme le Maroc ou la Tunisie, voire la Syrie, peuvent avoir des difficultés à mobiliser les financements que nécessite la construction de centrales nucléaires, ils disposent en revanche d'un terreau scientifique et technique prometteur et d'un tissu et d'une « culture » industrielle en plein développement. Par ailleurs, le Maroc et la Tunisie sont considérés comme des pays « politiquement stables » et par conséquent plus à même d'exploiter en toute sécurité des installations nucléaires sur leur sol. L'Egypte, enfin, semble être le pays qui a de grandes chances de réaliser son projet : des finances suffisantes provenant du pétrole, du tourisme et de l'aide américaine, une communauté scientifique riche et active et une industrie compétitive sont des atouts qui comptent pour y arriver. Reste que ces pays n'ont toujours pas trouvé l'homme providentiel qui saura imposer des choix et les faire avancer ; pour la participation citoyenne et le débat démocratique, il faudra attendre. En guise de conclusion, on peut dire que le développement d'une industrie nucléaire dans les pays arabo-méditerranéens, fondé sur des considérations stratégiques, économiques, techniques, environnementales et sociales, est possible. Les conditions nécessaires à ce développement demandent des efforts gigantesques et incontournables ; une coopération saine et de grande ampleur entre les pays arabo-méditerranéens aiderait à surmonter les difficultés et à réaliser, dans les délais, des programmes nucléaires fiables et rentables.
MC Consultant, Paris, le 20 octobre 2009


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