Au XIXe siècle, le châle cachemire a su s'imposer sur la mode européenne. Dès la fin du XVIIIe siècle, la plupart des femmes de la high society française se servaient de cette étoffe, soit pour se vêtir soit pour la décoration. A l'époque, une minorité de femmes se plaisait à entretenir une mode en le déclinant sous toutes ses couleurs, à l'image de Mme de Torcy, peinte par David en 1790. Si en Europe, le châle cachemire est perçu comme un accessoire féminin, dans son pays d'origine, en Inde, il est exclusivement réservé aux hommes, qui le portent en ceinture ou en turban. Le cachemire est une fibre animale, provenant de la laine longue et soyeuse de la chèvre de la province du Cachemire. En hiver, pour les protéger du vent glacial et froid (entre -30 et -40°C), un duvet serré de poils fins et souples vient doubler leur pelage d'été. Ce duvet, gris foncé, est tondu à la cisaille ou enlevé à la brosse au moment de la mue de printemps sur la poitrine des chèvres. Il est ensuite blanchi avec de la farine de riz et teint de diverses couleurs, Puis il est tissé, lavé, assemblé par des coutures, entouré d'une bordure qui encadre les dessins. Le cachemire est souvent mélangé à de la laine dans des tissus et des tricots de première qualité. Jusqu'au XIXe siècle, il était surtout utilisé pour confectionner des châles. La République populaire de Chine en est le premier producteur mondial. Selon des recherches, le succès du châle cachemire en France a émergé avec la campagne d'Egypte de 1798. Les officiers de Bonaparte reviennent avec, dans leur bagages, ces étoffes. Ainsi, le cachemire sera pendant plus de 70 ans un élément-clé de la garde-robe féminine, ajouté à cela un symbole d'appartenance et de réussite sociale. Il va sans dire que la mode du châle en Europe engendrera des répercussions sur la production locale indienne. Cette dernière sera contrainte de répondre à la demande en modifiant les modes de fabrication. Il est important de signaler que les formes développées sur les châles ont influencé l'art jardins sous le second empire. La forme en S, inspirée de la variation du Boteh, sera utilisée par des paysagistes pour l'aménagement de parcs parisiens, tels que le parc Montsouris. Un peu partout dans le monde, des châles se développent, entre autres en Angleterre, en Autriche, en France et en Russie. Si le châle des Indes se fait par le biais du tissage, il n'en demeure pas moins qu'on retrouve une production de châles imprimés sur laine. Les châles imprimés utilisent rarement le support cachemire, mais des étoffes en laine, en laine et coton ou laine et soie. Pendant des années les châles imprimés étaient considérés comme des productions mineures, destinées à une classe modeste. De nos jours, il est aisé de constater les grands centres de fabrication de châles tissés, comme à Paris, Lyon, Nîmes en France, Vienne en Autriche, Norwich et Paisley en Angleterre, Moscou en Russie. Sont produits également des châles imprimés. Les châles en question étaient moins coûteux qu'un châle indien ou européen tissé. Cependant, il faut différencier une production de châles imprimés haut de gamme, destinée aux magasins parisiens et portée dans les saisons plus douces par les femmes élégantes, d'une production plus rustique destinée aux gens de la campagne. Les dessinateurs et les manufacturiers alsaciens se sont, quant à eux, intéressés à ce nouveau genre, en adoptant le motif du Boteh pour orner les mouchoirs en coton. Les techniques du rouge turc et du bleu lapis étaient légion. Ils commencèrent à imprimer sur laine pour la fabrication de châles et de métrages en 1987.