Le livre cicatriciel d'un ex-enfant soldat. Bref récit fragmenté, à l'écriture blanche et visuelle », note l'éditeur dans la présentation du roman. « Le titre est un hasard. Il est entre le sérieux et l'humour. Yasser Arafat est un symbole. Se référer à lui est une manière d'expliquer le sens de ce livre. J'ai écrit ce livre comme pour me laver et pour mettre en avant la mémoire, la transmettre, la faire sortir des souvenirs de guerre vers le texte écrit », nous a expliqué ce romancier et journaliste libanais, rencontré lors du dernier Salon international du livre d'Alger (SILA). Yussef Bazzi, 43 ans, raconte son histoire de jeune « combattant » au sein des forces centrales du Parti social nationaliste syrien(PSNS) à Beyrouth- Ouest. Il n'avait que 14 ans en 1981, lorsqu'il avait été happé par la guerre civile. « On me remet une paire de rangers, un uniforme kaki, une “tornade rouge” (l'insigne du Parti) à mettre sur l'épaule, une ceinture avec trois chargeurs, deux grenades et une kalachnikov », écrit-il dès la première page du roman. Cinq ans de batailles de rue entre les différentes factions. Le PSNS, appelé également Parti nationaliste, a été créé en 1932 par Anton Saadé, défenseur de l'idée de la « Grande Syrie » qui englobe le Liban. favorable aux Palestiniens ; le PSNS s'est allié avec le mouvement Baâth et au Parti communiste libanais durant la guerre civile entre 1975 et 1990. Une guerre qui a fait plus de 200 000 morts. « Je voulais transmettre mon témoignage, celui de ma génération aux jeunes d'aujourd'hui. Je voulais expurger l'idée du militantisme pur et montrer les saletés des guerres civiles. Il n'existe pas de guerre propre. Je voulais rapporter des vérités qui suffisent, à elles seules, à détruire l'intérêt des guerres civiles, des guerres absurdes sans vainqueur », a-t-il dit. Le romancier français Mathias Enard, dans la postface du roman Yasser Arafat m'a regardé et m'a souri, écrit que Yussef Bazzi est sorti de la guerre à 19 ans. « Ce qui frappe dans ce journal d'un combattant, c'est l'absence de “motivations” politiques à la poursuite de la guerre(...)Yussef Bazzi est un combattant “de la fin du mois”, comme il le dit lui même, un soldat professionnel à la solde d'un parti », écrit-il. Il rappelle que « les mercenaires » de la guerre civile libanaise étaient nombreux et changeaient souvent d'allégeance au gré des batailles. « Le cas de Bazzi, sans être la norme, n'était pas rare. Les très jeunes recrues étaient monnaie courante, même si leur “enrôlement” n'était pas toujours un choix délibéré », relève Mathias Enard, connu pour avoir écrit un roman d'une seule phrase de 500 pages, Zone, publié par Acte Sud en 2008. Mathias Enard a traduit de l'arabe au français le roman de Yussef Bazzi. L'intérêt d'un éditeur algérien à ce roman s'explique, selon Yussef Bazzi, par la similitude des situations entre les sociétés arabes où l'on vit des guerres civiles cachées, ouvertes ou froides. « L'expérience de l'Algérie durant les années 1990, a montré que le danger de la guerre civile était présent dans les esprits. La leçon que retient toute personne qui a vécu l'Algérie des années 1990 est que le sang a coulé pour rien. C'était plus une volonté de détruire un pays qu'autre chose. Même leçon retenue par ceux qui avaient vécu la guerre civile au Liban », a-t-il souligné. La violence, d'après lui, ne produit qu'une autre violence, que la mort. « La culture de la violence est malheureusement présente dans le système des valeurs dans le monde arabe. Nous avons besoin de beaucoup de rationalité, de tolérance, de l'art de la politique, du sens démocratique, de l'esprit d'accepter l'autre. Nous avons besoin de tout cela pour neutraliser la tendance à la violence », a-t-il poursuivi. Selon lui, la violence est parfois visible dans les rapports entre les citoyens et sujets des pays arabes, entre les oppositions et les pouvoirs en place, dans les pensées politiques et sécuritaires, dans les mouvements revendicatifs... « La violence est le grand frein au progrès, à la réconciliation des identités nationales avec elles mêmes et à la composition de sociétés civiles. Il faut dénoncer la violence par l'écriture mais ce n'est pas toute la mission de l'écriture », a relevé le romancier. Yussef Bazzi est auteur de quatre recueils de poèmes, comme Sous le marteau, paru en 1997. Un cinquième recueil est en cours d'édition. Il a dirigé à Beyrouth un ouvrage collectif sur la violence fondamentaliste. Yussef Bazzi est aujourd'hui responsable du supplément culturel, Nawafidh, du journal libanais Al Mustaqbal