Le département de Benbouzid n'a pas mis beaucoup de temps pour réagir à la grève de huit jours renouvelable déclenchée par les syndicats autonomes du secteur de l'éducation. C'est par la menace que le ministère de tutelle a préféré répondre au débrayage qui, au deuxième jour, a pris de l'ampleur. Dans un communiqué rendu public hier, les enseignants grévistes ont été sommés « de ne pas suivre une minorité qui veut imposer son point de vue à la majorité ». Boubekeur Benbouzid considère que « la grève n'est pas justifiée ». Le ministre menace, en effet, de prendre toutes les mesures autorisées par la loi. Il est cité, entre autres, « une ponction sur les mensualités des enseignants contestataires ». Mais pas seulement. Le communiqué du ministère affirme que le mouvement de grève aura des incidences sur l'évaluation des enseignants. Les mesures, précise-t-on, auront des conséquences sur les notes en rapport avec l'assiduité, le rendement pédagogique et la discipline. Autrement dit, le département de Benbouzid a décidé de toucher à la poche. Le mouvement de contestation semble déstabiliser fortement la sérénité du ministre. Au deuxième jour de la grève déclenchée par les enseignants des trois cycles de l'enseignement (primaire, moyen et secondaire), le mot d'ordre a été massivement suivi dans toutes les villes du pays. Mépris des pouvoirs publics En dépit des menaces et des intimidations du ministère de tutelle, le mouvement a réussi dès le premier jour. Hier, les animateurs de cette action avançaient un taux de suivi avoisinant les 90% au deuxième jour de contestation. Lors d'une virée dans les établissements scolaires à travers la capitale, nous avons constaté de visu le renvoi des élèves chez eux, faute d'enseignants opérationnels. En effet, que ce soit à Bab El Oued, Bachedjerrah, Kouba, ou alors au 1er Mai, les enseignants à l'unanimité ont qualifié l'arrêt de cours de total et la grève de grande réussite. Cependant, les enseignants étaient furieux, stupéfaits et écœurés par l'attitude du ministère qui a brandi la carte de la menace au lieu de faire un geste d'apaisement. « Nous ne sommes pas des voyous pour qu'on nous traîne devant les tribunaux, nous sommes des gens du savoir qui revendiquent un minimum de respect », fulmine un enseignant, qui relate les raisons de sa colère : « La direction de notre établissement a affiché une note ministérielle où il est mentionné le recours à la sanction des grévistes soit par une ponction sur salaire ou par voie judiciaire. Le ministre doit comprendre qu'aujourd'hui, nous luttons pour un salaire digne et s'il veut prendre les miettes que l'on nous donne alors il n'a qu'à se servir. » Pour leur part, les porte-parole des six syndicats autonomes initiateurs de cette action de protestation – en plus du CLA qui a rejoint hier le mouvement – évoquent le mépris des pouvoirs publics envers les représentants des travailleurs et surtout à l'égard de la famille éducative. « Si l'on nous considère comme des syndicats non représentatifs, si l'on ne pèse pas sur le terrain, pourquoi les pouvoirs publics, via la tutelle, paniquent lorsque l'on appelle à une grève nationale ? Pourquoi le gouvernement sort tout son arsenal pour nous traquer ? La grève n'est-elle pas un droit ? Dans ce cas, pourquoi le gouvernement refuse-t-il l'ouverture du dialogue ? », s'interroge un syndicaliste, qui est persuadé que l'administration et la tutelle tentent de jouer vainement le rôle de casseur d'un mouvement pacifique. « Le ministère, à travers son administration, essaye de démobiliser les manifestants, mais cette démarche risque d'envenimer la situation et de pousser les syndicats à l'extrême », a soutenu un enseignant. Dans la note ministérielle, le département de Benbouzid s'interroge sur les raisons d'un tel débrayage, d'autant plus que les portes de son ministère ont été et sont toujours ouvertes devant les syndicats du secteur. M. Meriane du Snapest ne nie pas cet état de fait, mais il rappelle au ministre que la revendication salariale soumise à maintes reprises au débat n'a jamais abouti. « On veut l'amélioration du quotidien des fonctionnaires et cela ne peut se faire qu'à travers une augmentation de salaire », a soutenu M. Meriane, qui qualifie de « drôle » le comportement du ministre, notamment ses « contradictions ». « Au premier jour de grève, le ministère a minimisé le taux de suivi en le réduisant à 33%, mais au deuxième jour, il est passé aux menaces car les enseignants ont paralysé les établissements scolaires. Cela prouve que notre mouvement est bien suivi, d'où la tentative des pouvoirs publics de le casser », fait remarquer notre interlocuteur. M. Boudiba du Cnapest accuse le ministère de pousser au pourrissement : « La décision du ministère est une provocation. Nous avons des revendications légitimes et le gouvernement doit nous écouter au lieu d'envenimer la situation. »Pour sa part, M. Sadali du Satef a rappelé la stratégie adoptée à chaque fois par le ministère face à la montée au créneau des enseignants. « Le ministre annonce dans un premier temps que la grève n'est pas suivie et lance des chiffres très en deçà de la réalité du terrain », regrette M. Sadali, qui pense que le ministère doit se rendre compte que la seule façon de régler les problèmes des 500 000 travailleurs qui sont en grève aujourd'hui, est d'aller vers une solution effective et radicale.