Dans le complexe très fonctionnel de Siri Fort, situé dans le sud de Delhi, il y avait beaucoup de films, de débats, de forums et une splendide exposition d'affiches anciennes du cinéma indien qu'on ne pouvait regarder hâtivement entre deux séances. Mais où on revenait chaque jour pour redécouvrir son exceptionnelle beau-té : du cinéma muet jusqu'à Satyajit Ray, Raj Kapoor, Birmal Roy, Manoj Kumar, Mehboob Khan... L'exposition était remplie d'élèves, d'écoliers et d'étudiants de l'université. New Delhi (Inde) : De notre envoyé spécial A New Delhi, le cinéma arabe s'est taillé une bonne part cette année avec le grand prix attribué au film syrien Al Laïl Al Tawil (La Longue Nuit) de Hatem Mohamad Ali, déjà primé à Oran et Taormina. On notera aussi la forte impression laissée par le film tunisien Le Mur des souffrances, produit par Al Jazeera et réalisé par Elyès Baccar. Très réussi, son portrait des enfants palestiniens retranchés chaque jour sous le sinistre mur de « sécurité » construit par Israël qui sépare leurs familles et leurs amis. Le travail de Baccar est loin d'être un documentaire académique. Il ne montre ni slogan ni violence. Il fait réciter des poèmes par les enfants et leur laisse tout le temps pour exprimer leurs émois et leurs troubles devant cette situation dramatique à peine égayée par leurs jeux à la sortie de l'école. Une jeune cinéaste algérienne, May Bouhada, a amené à Delhi son court-métrage intitulé L'Année de l'Algérie ou comment travaillent les jeunes artistes issus de l'émigration en terre européenne. Ils s'appellent Sabrina Ouazzani, Tewfik Jallab, Mostefa Stiti, Lahcen Razzougui, Nouah Matlouli... Bon casting dans une micro-société de jeunes acteurs « beurs » qui cherchent à émerger dans le théâtre et le cinéma comme l'ont fait avec brio Isabelle Adjani et Rachida Brakni. Même sujet traité, à une autre échelle, dans Lucky By Chance de l'Indienne Zoya Akhtar. Son récit lorgne du côté de la puissante industrie du cinéma indien à travers les mésaventures d'un jeune acteur au chômage qui cherche un rôle à Bollywood. A poursuivre à tout prix le rêve d'une carrière ascendante, l'acteur en question, bien joué par Farhan Akhtar (frère de la réalisatrice), finit par oublier ses proches amis, persuadé que rien ne doit le divertir de son rêve de notoriété. Lucky By Chance est assez drôle quand on voit les gens de Bollywood roublards, caricaturaux, menteurs, cyniques et comiques à la fois. Mais c'est aussi triste la manière dont ils manipulent avec cynisme le destin de jeunes acteurs embarqués dans leur sillage. Bollywood est loin d'être une sinécure. Au moins deux films asiatiques remarquables arrivés à Delhi auréolés des prix décrochés ailleurs. Daytime Drinking, du cinéaste de Séoul Noh Young, road-movie très amusant. Après une rupture sentimentale, un jeune Sud-Coréen prend la route à travers de splendides paysages comme pour purifier son cœur et son âme, retrouver l'innocence tout en cherchant à boire dans la mesure du possible. Et The Sea Wall du Cambodgien Rithy Path, remake de Un Barrage contre le Pacifique, adapté du roman de Marguerite Duras. Brillante mise en scène et critique explicite de l'univers de la colonisation française en Asie du Sud-Est. Comment oublier aussi la finesse de l'interprétation du grand maître Baha Eddine Dagar jouant une exquise Raga dans le style Dhrupad, un concert aux aurores qui s'est achevé avec les premières lueurs du jour à Delhi ?