Sétif, dimanche 20 juillet 1997 Nous sommes invités à déjeuner chez mon cousin Kamel, qui habite avec son frère Réhir dans un village situé sur la route de Constantine. Quand nous arrivons, un vieil homme enturbanné nous attend sur le seuil. Mon père et le vieil homme tombent dans les bras l'un de l'autre, en larmes. Il me confiera plus tard que le vieil homme est un cousin germain de son père et qu'il s'est beaucoup occupé de lui petit. Nous rentrons dans la maison de Kamel. Il y a une multitude de personnes. Je remarque sur l'un des murs une vieille photo encadrée, celle d'un fringant jeune homme en tenue militaire. Je demande de qui il s'agit et le vieil homme me répond que c'est lui pendant la guerre d'Algérie. Son fils Kamel me montre son certificat de grand combattant pour l'indépendance de l'Algérie. « Tu sais, me dit-il solennellement, il a été un des grands chefs de la résistance de la région de Sétif. » Le vieil homme veut me donner la photo, mais je refuse, gêné, ne pouvant accepter un tel cadeau. Alors il sort d'un tiroir une autre photo, celle d'un jeune homme posant avec un matricule. « C'est Hamid, le frère de ton père. Il est mort pendant la guerre. » Etonné, je continue à le questionner sur cet homme dont je n'ai jamais entendu parler. « Les Français sont venus l'arrêter un matin car ils l'ont soupçonné de ravitailler en nourriture des camps de résistants. Ils l'ont emmené puis torturé pour qu'il leur indique l'emplacement des camps mais il a refusé de parler et les Français, excédés, ont fini par le jeter vivant au fond du puits d'un village à côté de la caserne. » « C'est moi-même qui suis allé remonter du puits son corps inerte », ajoute le vieil homme. Je reste sans voix, ne pouvant rien dire. Je me tourne alors vers mon père. Il semble interloqué, désorienté. J'ai compris alors qu'il venait, à l'instant, de connaître la fin tragique de son propre frère. »