Un silence imposé par le couvre-feu, instauré jusqu'au 15 septembre et au rythme duquel le pays vit depuis plus d'une semaine. Les 20 millions d'habitants de la mégapole n'en croient pas leurs yeux et semblent mal s'y adapter. Oublié Le Caire illuminé et pailleté où cafés, restaurants avec soirées dansantes restent ouverts jusqu'à l'aube. La nouvelle règle : fermer à 17h. «Une dernière commande ?», demande un serveur de Costa Café à Maadi, une banlieue résidentielle chic. «Nous sommes désolés, nous fermons dans moins de dix minutes, tout le personnel habite loin. Cela nous déplaît, on a nos clients mais on n'a guère le choix», s'excuse-t-il. Restent des chauffeurs assez audacieux qui n'hésitent pas à braver les lois. C'est le cas de Maged, 52 ans, que nous trouvons à 18h passées dans la banlieue de Dokki. «Je m'en fous du couvre-feu, je travaille tous les jours jusqu'à 2h du matin, assure-t-il en riant. A chaque fois que la police ou les militaires m'attrapent, je me fais tout petit. Je leur parle le plus poliment possible. Toutes les excuses sont bonnes, je dois travailler, j'ai des bouches à nourrir. Avec les comités populaires, armés et prêts à descendre n'importe quel barbu, c'était encore plus compliqué. J'ai dû raser ma barbe et je leur échappais via les petites ruelles auxiliaires !» Depuis les violences du 14 août dernier, une des plus grandes stations de métro cairote Anouar Essadat est restée fermée en raison de sa proximité de la mythique place Tahrir, paralysant une grande partie des autres stations qui voient défiler chaque jour, à chaque heure, des marées humaines. «Je suis obligée de faire sept stations supplémentaires depuis la fermeture d'Essadat et même le compartiment des femmes est devenu mixte ! J'ai peur d'y mourrir un jour d'asphyxie», confie une jeune étudiante en colère. Mais la grande majorité des Cairotes prennent leur mal en patience et approuvent même le couvre-feu, soutenant l'armée et accusant les médias étrangers de parler de «coup d'Etat». «Cela peut être déstabilisant sur le plan psychologique et économique, mais il fallait appliquer cette mesure de sécurité, ces terroristes profitent de la moindre occasion pour semer la pagaille. Nous sommes fatigués de cette instabilité sécuritaire qui dure depuis deux ans, explique Hanane, médecin dans un hôpital public. Ce n'est pas une question d'être pro ou anti Frères musulmans, mais il y a urgence à apaiser les tensions actuelles.»