Après une semaine de grève reconductible dans le secteur de l'éducation, le gouvernement décide de sortir de sa torpeur pour corriger une erreur commise envers les fonctionnaires de manière générale. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, cède ainsi devant la pression des syndicats autonomes qui ont paralysé durant une dizaine de jours la majorité des établissements scolaires des trois paliers – primaire, moyen et secondaire – en procédant à l'amendement de l'instruction n°3 du 30 septembre 2009 relative aux modalités de révision des régimes indemnitaires des fonctionnaires et agents contractuels. En effet, dans un communiqué rendu public, le gouvernement annonce que les décrets exécutifs portant régime indemnitaire des différents corps de fonctionnaires auront un effet rétroactif pécuniaire à partir du 1er janvier 2008, et ce, quelle que soit la date de leur adoption et de leur promulgation au Journal officiel. Par conséquent, explique le communiqué, l'instruction n°3 du 30 septembre 2009 a été amendée pour tenir compte de la rétroactivité des régimes indemnitaires des fonctionnaires et agents contractuels. Par ailleurs, le gouvernement invite les syndicats initiateurs du mouvement de débrayage dans le secteur de l'éducation à reprendre le dialogue avec leur administration de tutelle, tout en les appelant à une reprise immédiate des cours. Il s'agit là d'une mesure d'apaisement après les menaces et les intimidations. Aujourd'hui, les pouvoirs publics tentent de calmer le jeu par tous les moyens, quitte à « faire marche arrière ». Selon le communiqué, le gouvernement suit avec « préoccupation » la poursuite de la grève, et ce, en dépit de la disponibilité de l'administration de ce secteur au dialogue autour des préoccupations de ses personnels. Toujours sur la défensive, l'Exécutif rappelle les efforts importants que l'Etat déploie pour garantir le développement humain, notamment l'amélioration de la qualité de l'éducation nationale, de l'enseignement universitaire et de la formation professionnelle, ainsi que la santé publique. En parallèle, le gouvernement affiche sa volonté à améliorer la situation des fonctionnaires en général avec l'adoption du nouveau statut général de la Fonction publique. « Cela s'est déjà concrétisé à travers le nouveau régime des salaires et sera consolidé à travers la mise en œuvre prochaine des régimes indemnitaires propres à chaque corps de la Fonction publique. » C'est dans ce contexte que le gouvernement, d'après le communiqué, lance un appel aux enseignants grévistes pour une reprise des cours et de prendre attache avec leur tutelle pour débattre de leurs régimes indemnitaires. Cependant, à l'unisson, les syndicats animateurs du mouvement de débrayage réfutent la notion de « négociation » et exigent l'ouverture d'un « dialogue serein » autour de leur plateforme de revendications. Pour l'heure, ils refusent de s'exprimer sur le contenu du communiqué du gouvernement, estimant que la grève a été initiée par leurs bases respectives. Toutefois, trois syndicats autonomes, à savoir le Cnapest, le Snapest et l'Unpef, ont été destinataires d'une invitation à prendre part à une réunion de travail avec le ministre de l'Education, dans la matinée d'aujourd'hui. D'aucuns refusent de se prononcer sur cette missive tant qu'ils ne sont pas informés de son ordre du jour. « Certes, nous avons reçu une invitation émanant du ministère de l'Education, cependant la lettre ne fait référence à aucun dossier et tant que nous ignorons le motif de l'invitation, notre grève se poursuit le plus normalement du monde », explique M. Nouar du Cnapest. Ce dernier qualifie de « point positif » la décision du gouvernement et de reconnaissance à l'égard des fonctionnaires, alors que M. Mériane du Snapest parle d'une victoire des syndicats autonomes. « C'est grâce à notre mobilisation et la détermination des enseignants que le Premier ministre a été amené à faire marche arrière. Pour ce qui est de la réunion d'aujourd'hui, nous allons écouter les propositions du ministère puis nous les soumettront à la base afin qu'elle décide de la suite à donner au mouvement de grève », a soutenu M. Mériane. S'agissant du débrayage, les enseignants des trois paliers (primaire, moyen et secondaire) ont répondu hier massivement au mot d'ordre de grève lancé par les cinq syndicats autonomes de la Fonction publique. Au premier jour de cette deuxième action de protestation qui s'étale sur une semaine, les états-majors des syndicats du secteur parlent déjà d'un renforcement de la contestation et ce, à travers toutes les wilayas du pays. Hier, le taux de suivi a largement dépassé les 90%, notamment avec l'adhésion des enseignants du primaire. Cet état de fait est, de l'avis des syndicalistes, le reflet du marasme qui règne au niveau de ce secteur et du ras-le-bol général des enseignants. Les syndicats, qui n'ont pas hésité à qualifier la première grève d'« historique », estiment que cette nouvelle donne a redonné confiance aux travailleurs du secteur qui s'étaient et se sont rarement autant mobilisés. Ni la défalcation des journées de grève annoncée par le ministère de l'Education ni le recours à la justice n'ont démobilisé les enseignants qui, à l'unanimité, considèrent que seule la satisfaction des revendications peut mettre un terme à la grève, à travers un dialogue serein et non pas un semblant de dialogue.