Après plusieurs reports, la 13e réunion tripartite se tiendra enfin demain à Alger. Elle sera consacrée en particulier à l'examen de la situation, peu reluisante, du monde du travail en Algérie. Comme d'habitude, cette rencontre aura lieu avec une représentation plurielle des patrons et une unique représentation des travailleurs qui sont, encore une fois, contraints à attendre « une probable performance » de l'UGTA pour arracher au moins un SMIG de revendications émises depuis plusieurs mois. Un véritable paradoxe algérien. Le gouvernement continue d'entretenir le monopole de la centrale syndicale sur les négociations directes avec les autorités. Pourtant cette dernière a prouvé sa passivité et ses limites sur le terrain des luttes sociales. Cela se vérifie quotidiennement. Les secteurs de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la santé ont été paralysés, depuis plusieurs semaines, par de puissants mouvements de grève organisés par les syndicats autonomes, sans que l'UGTA arrive à jouer un rôle, même minime, dans ce conflit social. La coordination des syndicats autonomes et l'Intersyndicale de la Fonction publique ont réussi, en l'espace de quelques mois, à supplanter l'UGTA et à démontrer son inefficacité. Instituée par le gouvernement comme son unique interlocuteur, la centrale syndicale a adopté un rôle d'observateur durant le dernier conflit social opposant les syndicats de l'éducation aux pouvoirs publics. Encore pire, l'UGTA n'a même pas jugé utile de faire un seul commentaire sur des questions qui concernent pourtant 1,6 million de fonctionnaires qu'elle prétend représenter. Ligotée par le pacte économique et social qu'elle a signé avec le gouvernement en 2006, la centrale syndicale n'a même pas pu jouer « le rôle de pompier » qu'elle a l'habitude d'assumer. Ce sont les organisations syndicales autonomes qui prennent à bras-le-corps les doléances des fonctionnaires en obligeant l'Exécutif à annuler plusieurs de ses décisions. En effet, ce n'est qu'après la forte mobilisation des syndicats de l'éducation que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a décidé de réinstaurer la rétroactivité du régime indemnitaire qu'il a lui-même annulée dans une instruction adressée, en septembre dernier, à la direction générale de la Fonction publique. Suite à la même mobilisation, les autorités décident également de mettre un terme au monopole de l'UGTA sur la gestion de la manne financière des œuvres sociales. De plus, les syndicats autonomes ont obligé le gouvernement à mettre en place une commission mixte pour hâter le traitement du nouveau régime indemnitaire. Les acquis des syndicats autonomes ne sont pas des moindres. Ils constituent une reconnaissance implicite des pouvoirs publics de la représentativité de ces syndicats. Même si sur le plan des actes, cette reconnaissance n'est pas encore matérialisée. Puisque le gouvernement maintient toujours sa logique consistant à n'accepter de dialoguer directement qu'avec l'UGTA. Ce choix s'explique par sa volonté d'éviter une confrontation avec des syndicalistes intransigeants qui ne se contentent plus « des miettes » qu'on accorde aux travailleurs à l'issue de chaque réunion tripartite. La docilité de l'UGTA est préférée à la crédibilité des syndicats autonomes. Mais cette démarche s'avère aléatoire. Non seulement, elle a entamé la crédibilité de la réunion tripartite, mais elle a affaibli davantage l'organisation que dirige Abdelmadjid Sidi Saïd. Cette dernière a perdu sa base dans la Fonction publique. Il ne lui restait alors que le secteur économique public. Et comme celui-ci est complètement déstructuré et les entreprises employant le plus grand nombre de travailleurs ont disparu, l'UGTA est devenue une coquille vide. De ce fait, l'on se demande quelle est l'utilité d'une réunion tripartite si les représentants du monde du travail en sont exclus ?