L'Egypte a annoncé hier son retrait de l'Union nord-africaine de football. Entre les appels au boycott culturel, médiatique et sportif de l'Algérie, et la guerre verbale des diplomates et politiques, le discours de la grande fraternité entre les Algériens et les Egyptiens n'aura pas tenu longtemps dans le climat délétère qui règne depuis la semaine dernière. Dans quel état les relations diplomatiques des deux pays vont-elles sortir de ce bras de fer ? Les « attaques » contre les Egyptiens à Khartoum seraient celles de « mercenaires » et les déclarations de l'ambassadeur algérien ne seraient que « sottises ». Hier, dans l'émission « El youm arriyadhi », Alaâ Moubarak, le fils du président égyptien, ne s'est pas embarrassé de formules diplomatiques. Mais il faut dire que depuis l'agression de l'équipe nationale au Caire, jeudi dernier, c'est à coups de « messages forts » que les gouvernements communiquent. Hier soir, l'Egypte a officiellement annoncé son retrait de l'Union nord-africaine de football, fondée en 2005, regroupant jusque-là les fédérations égyptienne, tunisienne, libyenne, algérienne et marocaine, et présidée par Mohamed Raouraoua. Côté algérien, Abdelaziz Ziari, président de l'APN, a répondu hier à son homologue égyptien Ahmed Fathi Sourour. Ce dernier avait « regretté que les projets et les travailleurs égyptiens aient subi des attaques de la part des Algériens dans un contexte de campagne médiatique contre l'Egypte ». « Je regrette pour ma part que votre lettre reprenne des rumeurs diffusées par des médias égyptiens qui ont touché à la dignité du peuple algérien et je m'attendais de votre part au minimum à une condamnation de la violence contre l'équipe nationale et ses supporters, a rétorqué Abdelaziz Ziari. Je vous demande de reconsidérer les faits avec objectivité pour le respect des relations fraternelles entre les deux pays et je vous tranquillise sur l'état de la communauté et des projets égyptiens en Algérie, qui sont sous la protection de l'Etat algérien. » Pour Houcine Ahmed Amine, penseur, ancien ambassadeur d'Egypte en Algérie (1989), même « si les deux pays n'ont pas eu de position assez forte après les incidents », il n'y a pas de quoi s'alarmer. « Les Algériens n'ont jamais oublié qu'on les a fait sortir de la qualification du Mondial en 1990, ce qui a rendu la haine plus forte sans que s'en inquiète la diplomatie égyptienne », a-t-il dit cette semaine dans le quotidien libéral Almasri alyoum. Mais pour Noureddine Hakiki, sociologue et directeur du laboratoire du changement social à l'université de Bouzaréah, cette fraternité n'est qu'« illusoire ». « Sur le plan politique, l'Algérie ne fera plus de cadeau à l'Egypte. Je pense que l'Algérie, qui a, par exemple, longtemps capitulé devant le fait que le secrétaire général de la Ligue arabe soit toujours un Egyptien et sur la permanence du siège de la Ligue arabe au Caire, ne va plus laisser faire. » Signe des tensions : hier après-midi, le ministère égyptien des Affaires étrangères a exprimé son « indignation extrême » face aux « agressions » contre ses supporters et annoncé la convocation de Abdelkader Hadjar, l'ambassadeur d'Algérie en Egypte. Ce qui a considérablement énervé les Algériens. « Que l'on respecte les règles diplomatiques, s'emporte une source officielle. Il est anormal d'annoncer la convocation avant qu'elle ait lieu et encore plus anormal d'en dévoiler le contenu – l'indignation extrême de l'Egypte face aux agressions des supporters égyptiens, la protection de la communauté et des intérêts égyptiens. » Côté égyptien, l'affaire des supporters blessés au Soudan tourne au drame national. Moubarak a réuni hier ses ministres, son chef d'état-major, le chef des services secrets et le conseil des gouverneurs (équivalent des walis) a été reporté à une date ultérieure. Dans le même sillage, les médias -– y compris publics – et la société civile attisent les braises. Le site d'information sportif Korabia.com a annoncé que leur équipe boycotterait la couverture du championnat algérien et suspendrait toute relation avec la presse algérienne. La Société arabe de production cinématograhique a décidé aussi de boycotter tous les festivals algériens. Les syndicats d'artistes se sont également réunis pour décider de boycotter toute coopération avec les opérateurs culturels algériens jusqu'à ce que le gouvernement algérien s'excuse officiellement des « dépassements » contre leurs supporters. En Algérie, la section Alger-Centre du syndicat national des agences de voyages a appelé tous ses adhérents à suspendre le programme de vols vers l'Egypte.