A côté de Mukala Kadima Nzuji, modérateur congolais de la rencontre, le chercheur français anthropologue en littérature, Nicolas Martin Granel, a partagé son analyse sur le sujet en question. Nicolas Martin Granel œuvre depuis des années déjà à la sauvegarde des manuscrits de Sony Labou Tansi. Il essaye de trouver des inédits pour ensuite les numériser. Le chercheur a rappelé à l'assistance, fort nombreuse, comment il a été amené à se lancer dans ce travail de préservation. Coopérant à Brazzaville, il s'était lié d'amitié avec Sony Labou, et ce, jusqu'à sa mort. En 1997, le Congo renoue avec la guerre civile, Nicolas Martin Granel doit impérativement regagner son pays d'origine. A défaut de prendre ses affaires personnelles, il fourre dans son sac ses propres écrits et quelques photocopies et cahiers originaux de Sony Labou Tansi. Au cours de la même année, il réussit à publier, avec le journaliste Bruno Tilliette, un premier volume d'inédits, L'autre monde de Sony Labou Tansi. En 2003, il entame une nouvelle campagne d'inventaire en retournant au Congo. Cinq ans plus tard, il passe à la phase de la numérisation. L'Institut des textes et manuscrits modernes français met en place une équipe, «Manuscrits francophones». Après un autre séjour d'un mois au Congo, Nicolas Martin Granel découvre de nouveaux textes qu'il inventorie et scanne. L'orateur indique que tous les livres de Sony Labou Tansi sont précédés d'une préface. Tous ces textes sont bardés d'adresse et d'avertissements : façon singulière d'écrire et de parler aux amis lointains. Il révèle également l'existence de 500 pages d'interviews qui n'ont pas été encore publiées. «Sony était assoiffé de liberté. Toute son œuvre respire cette liberté», précise-t-il. De son côté, le modérateur, Mukala Kadima Nzuji, a affirmé qu'a travers les écrits de Sony Labou Tansi, il a découvert un écrivain fleuve qui n'a pas arrêté d'écrire tout le long de sa vie. Il avait également une âme de poète. Des étudiants français ont travaillé sur sa poésie. «Sony ne se définissait pas comme un écrivain engagé, mais comme un écrivain engageant. Il se plaisait à répéter que son métier est homme et que sa fonction est révoltée. Sony a toujours voulu réussir sa propre voie. Il a butiné un peu partout pour créer son propre langage.» Certains illustres universitaires ont reproché au regretté écrivain congolais de plagier. Il s'en défendait en disant que sa littérature est tropicale. D'où ces œuvres puissantes qui sont devenues universelles. Il a bousculé la langue du Congo en créant ses propres expressions. Ces œuvres sont enracinées dans les murs de la société africaine. L'intervenant a soutenu qu'il est difficile de parler de Sony Labou Tansi. «Il avait une méfiance envers les universitaires. Il était hostile à tout ce qui émanait des universitaires. Il leur reprochait d'être des reproducteurs à défaut d'être des créateurs», indique-t-il. Et d'ajouter : «Le rapport de la langue est bousculé, dès 1968, avec la remise en question de la négritude. Il introduit des tournures de langue dans son roman. Ses six derniers romans se construisent à l'éclatement et l'articulation de la langue. Sony a apporté un autre type de regard de la littérature africaine.» Pour rappel, Sony Labou Tansi est né en 1947, au Congo. Ancien professeur d'anglais au collège Tchicaya-Pierre, à Pointe-Noire. Depuis 1979, il s'est imposé, progressivement, comme l'un des leaders d'une nouvelle génération d'auteurs francophones d'Afrique noire par ses romans et son théâtre. Il a obtenu le Grand prix de l'Afrique noire pour L'anté-peuple, le prix francophonie de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques pour l'ensemble de son œuvre, et le prix Ibsen, décerné par le Syndicat professionnel de la critique dramatique pour sa pièce Antoine m'a vendu son destin.