Quel peut bien être le point commun entre l'ancienne salle d'accueil de l'ex-président Chadli, le musée de Souk Ahras, l'Hôtel de l'armée, les cimaises d'un riche collectionneur algérois, les murs de la radio de Biskra et « L'Archipel des sables » du réalisateur Ghouti Bendedouche ? Ornant merveilleusement chacun de ces lieux et de bien d'autres, car ils sont plus de 500, réalisés à l'huile ou à l'aquarelle et représentant les vieilles ruelles de la reine des Ziban, des paysages oasiens, des portraits, des scènes populaires et des natures mortes, ce sont évidemment les tableaux de Becha Slimane. Bouts d'espaces et de temps, que cet artiste, né en 1944 dans un quartier du vieux Biskra, a disséminés dans tout le pays, les œuvres de Becha Slimane saisissent, à défaut de pouvoir les retenir, le temps et les espaces. Autodidacte, remarqué dès les bancs de l'école pour ses capacités en dessin, il cultive cet amour du voyage et du cadre que porte tout peintre et voit le monde et les paysages à travers celui du pare-brise de sa locomotive qui le mènera de Sidi Mabrouk en 1956 vers tous les visages et les paysages d'Algérie. Ancien cheminot, « tenant toujours sur ses rails », comme il aime à le répéter, cet artiste est une mécanique pure dont chaque muscle, chaque nerf et chaque regard est dédié à la peinture et à l'art. Des expositions à travers tout le pays, des rencontres avec ce public dont il aime voir ce que les yeux de celui-ci lui renvoient de son œuvre, il en a fait plein. Il délaissera l'abstrait car, dira-t-il, « ceux qui se dissimulent derrière des formes géométriques et des couleurs incompréhensibles, se classant eux-mêmes parmi les abstraits, se fourvoient lourdement. Il faut être un génie pour s'y adonner ». Lui, il est impressionniste sans concession, « jusqu'au bout du pinceau », precise-t-il. Vouant une passion sans bornes aux femmes qui sont, à ses yeux, « la base de la vie », à l'art, « sans lequel la mort règne », et à la nature, « qui nous donne tout », Becha Slimane est un être peu loquace. Son pinceau est aussi une langue universelle. Il préfère laisser parler ses œuvres. « Dimanche noir », « L'arrestation de Larbi Ben M'Hidi par les paras », « Les trieuses de dattes » et d'autres plus sublimes les unes que les autres, réservées aux initiés et aux profanes, sont des discours destinés à tous les êtres humains. Sa touche d'« homme artiste-peintre, enfant amoureux de la reine des Ziban », dont il déplore les hideuses métamorphoses, mais dont il révèle le moindre des secrets et des beautés qu' « elle n'offre pas au tout-venant », indique-t-il, apparaît dans chacune de ses œuvres, reconnaissables entre mille.