-Pensez-vous que les critères d'accès au doctorat introduits dans le système LMD garantissent l'équité entre les candidats ? L'esprit du LMD n'est pas d'octroyer à tous les étudiants un doctorat. A mon avis, ce nouveau système d'attribution de diplômes doit être un «tamis» scientifique. Les étudiants qui éprouvent des difficultés dans les études supérieures auront seulement une licence. Ceux qui font un petit effort auront leur mastère (ce niveau est celui de la graduation). Seuls les plus brillants, ceux qui font beaucoup d'efforts, deviendront des docteurs. -Des candidats dénoncent des pratiques malsaines, du favoritisme et crient parfois à la corruption alors que des responsables administratifs accusent les étudiants d'être manipulés et de vouloir accéder à tout prix au grade de docteur sans prendre en compte le facteur «mérite». Qu'en est-il réellement ? En mathématiques et dans toutes les sciences, nous avons des étudiants qui, en français, ne savent ni lire, ni écrire, ni parler, ni compter, ni calculer. C'est une honte pour l'Université algérienne. Ce n'est pas de leur faute, mais au moins qu'ils n'essayent pas de forcer la main aux enseignants de leur confectionner des doctorats. Je l'ai écrit dans l'article du LMD : un nivellement vers le bas. A l'Université scientifique, il est faux de dire que seule la langue française poserait problème aux étudiants qui normalement l'ont étudiée comme seconde langue ou première langue étrangère durant tout leur parcours éducatif primaire, moyen et secondaire. Ces études ont été négligées. Les défis qui interpellent l'enseignant du supérieur en Algérie aujourd'hui sont pluriels. 70% des étudiants en première année des sciences exactes ne connaissent pas le résultat de la multiplication remarquable de 8 x 7. Beaucoup répondront 54 ou 48. Des élèves de mastère ne peuvent même pas lire couramment un texte, bien qu'ils soient présents depuis 5 années à l'université ; aucun élève d'un concours d'accès à l'école doctorale de recherche opérationnelle n'a pu résoudre un exercice élémentaire de calcul de coûts, du niveau de fin d'études de l'ancien primaire ou le primaire primitif. -Le Comité de formation doctorale (CFD) est une instance souveraine. Laissé pratiquement sans contrôle, il est le maître absolu dans le déroulement du concours (de l'étude des dossiers des candidats jusqu'à l'affichage des résultats). Ne devrait-il pas y avoir de garde-fous pour superviser le travail de cette «super structure» ? C'est faux ! Lors du concours qui a eu lieu à Blida, nous avons travaillé avec les enseignants qui pouvaient encadrer des doctorants sur un document qui nous semblait donner beaucoup de chances aux étudiants. On a fait une présélection des candidats, en rejetant les dossiers des étudiants qui triplaient en master ; une évaluation des dossiers des candidats présélectionnés notés sur 16 points. On a fait intervenir la compensation, l'examen de rattrapage et le redoublement. On a organisé un entretien oral noté sur 4 points, où on a pris en considération la motivation du candidat, la communication, la capacité de synthèse et les aptitudes connexes. Ces opérations ont été réalisées en présence de tous les enseignants encadreurs sous forme de jury. La vérité est que les mathématiques sont devenues une spécialité de «relégation». Les bons étudiants ne se bousculent pas chez nous. C'est en médecine, en droit, etc., des spécialités qui rapportent, où les étudiants sont nombreux. Le meilleur professeur de mathématiques touche 150 000 DA. Un médecin spécialiste qui ausculte soigneusement un patient chaque demi-heure à raison de 1000 DA fait 16 patients dans une journée de 8 heures, soit 16 000 DA par jour. S'il travaille 20 jours par mois, il gagnerait 320 000 DA, le salaire d'un député. Je n'évoque pas les petites affaires des avocats à 100 000 DA. 10 affaires et il a 100 bâtons. Les étudiants choisissent les spécialités qui rapportent et ils ont raison. Les neurones sont des cellules nerveuses qui ne se reproduisent pas (cours de sciences naturelles, classe de terminale). Au lieu de les user en maths, il vaut mieux les conserver pour éviter Alzheimer. A l'étranger, en France ou en Amérique du Nord, le directeur de thèse, l'encadreur, est le seul habilité à choisir le doctorant à qui il peut donner un sujet de recherche juste en faisant une interview ou un entretien oral. La majorité des étudiants du LMD ne sont même pas du niveau le plus médiocre. J'ai proposé, en janvier 2012, un sujet de doctorat à la meilleure étudiante en recherche opérationnelle, qui a vite abandonné le sujet.