L'initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) est fortement soutenue par la campagne de « Publiez ce que vous payez », une coalition mondiale de 350 ONG luttant contre toute forme d'opacité. La question a été abordée lors d'une conférence internationale organisée à Montréal, au Canada, du 16 au 18 novembre, par « Publiez ce que vous payez » (Pcqvp) et par Partenariat Afrique Canada (PAC). Jonas Moberg, directeur du secrétariat de l'ITIE, a évoqué la relation forte entre Pcqvp et ITIE depuis 2003. L'ITIE est venue une année après le lancement à Londres, par un groupe d'ONG britanniques de « Publiez ce que vous payez » à l'initiative du financier américain Georges Soros, président de l'Open Society Institute. « Les membres de la coalition ont joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre et dans l'expansion de l'ITIE, un processus international multipartite, dont l'objectif est de vérifier et publier les paiements versés par les sociétés et les revenus des gouvernements issus des secteurs miniers, pétroliers et gaziers », a relevé l'australien Henry Parham, ancien coordonnateur international de Pcqvp, dans un rapport d'évaluation préparé avec Mabel Van Oranje et présenté à la conférence. Selon lui, Pcqvp a imposé la présence de la société civile au sein de l'ITIE. Jonas Moberg a relevé que l'ITIE a introduit « une nouvelle diplomatie », celle de la transparence entre gouvernements, compagnies et société civile. « Il faut œuvrer pour adopter l'ITIE comme une norme internationale. C'est une manière de lutter contre la corruption. Les pays du Nord doivent donner l'exemple », a-t-il dit rappelant les différents appuis apportés à l'ITIE dans plusieurs forums. Les chefs d'Etat du G20, réunis à Pittsburg aux Etats-Unis en septembre 2009, ont déclaré leur soutien à « la participation volontaire » à l'ITIE qui « appelle à une divulgation publique et régulière des paiement par les industries extractives aux gouvernements ». Le G8, réuni à l'Aquila en Italie en juillet 2009, a également apporté son appui à cette initiative. « Nous continuons à soutenir l'ITIE afin d'améliorer la gouvernance et réduire la corruption dans le secteur des industries extractives », est-il écrit dans la déclaration finale du G8. Jonas Moberg a expliqué que l'ITIE est composé d'Etats, d'entreprises, d'organisations de la société civile et des investisseurs et des institutions internationales qui œuvrent à « améliorer la gouvernance dans les pays riches en ressources naturelles ». « Plus 3,5 milliards de personnes vivent dans des pays riches en pétrole, gaz et minerais. Avec une bonne gouvernance, l'exploitation de ces ressources peut générer des revenus importants pour promouvoir la croissance et diminuer la pauvreté », a-t-il estimé. La Norvège, l'Australie, l'Allemagne, la Suède, l'Espagne, les Pays-Bas, la France, la Finlande, les Etats- Unis, la Grande-Bretagne, la Belgique, le Canada sont les premiers pays à assister financièrement et techniquement l'ITIE. Avant d'adhérer à l'ITIE, un pays doit présenter sa candidature au conseil d'administration de l'initiative. Une fois le statut de candidat obtenu, le pays dispose de deux ans pour être validé en tant que pays conforme. Il doit remplir plusieurs conditions. Actuellement, 28 Etats sont candidats dont vingt pays africains. Des décisions sur leur conformité sont attendues pour mars 2010. L'Azerbaidjan et le Libéria sont les seuls pays conformes. L'engagement de la présidente, Ellen Johnson Sirleaf, qui pris en main un pays dévasté par quinze ans de guerre civile a commencé à donner ses fruits. Une loi adoptée, en juillet 2009, oblige les agences gouvernementales libériennes et les entreprises minières et forestières à tout publier, taxes et contenus des contrats. Le Libéria est riche en diamant, or, fer et bois. L'ITIE Libéria a même utilisé le théâtre de rue pour sensibiliser la population à la nécessité d'en finir avec la corruption et imposer la transparence. Le géant indien de l'acier, Arcelor Mittal, est cité comme exemple pour le respect des obligations liées à l'ITIE au Libéria. Selon Nilmini Rubin, membre du comité des relations extérieures du Sénat américain, une loi sur la transparence dans l'industrie minière et pétrolière est en préparation. « Cette loi obligera toutes les entreprises à la bourse de New York, activant aux Etats-Unis ou à l'étranger, de rendre publics leurs comptes et leurs résultats. Déjà 10% des sénateurs sont favorables à ce texte. Mais, il faut mener une grande campagne pour faire passer la loi », a-t-elle déclaré, soulignant que les banques et les milieux d'affaires sont actuellement consultés sur cette loi. « Elle aura probablement l'appui du président Obama », a souligné Nilmini Rubin. Elle a observé que Barack Obama, dans un discours prononcé lors de sa récente visite à Pékin, a défendu les principes de la transparence. Le Canada est engagé dans le processus de l'ITIE encouragé visiblement par les initiatives prises par son voisin américain. « Les sociétés canadiennes exerçant des activités à l'étranger reconnaissent l'importance de pratiques commerciales responsables et d'une réglementation transparente, fondée sur les règles de l'ITIE », a précisé Mark Pearson, directeur des relations extérieures au ministère canadien des ressources naturelles. Selon lui, Ottawa encourage les firmes canadiennes à participer à l'ITIE et à publier les paiements qu'elles effectuent dans les pays où elles activent. Jonas Moberg a regretté le peu d'enthousiasme de l'Union européenne pour l'ITIE. « Cela est peut-être dû à la faiblesse de l'activité minière en Europe », a-t-il expliqué. En République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), beaucoup de contrats ont été signés durant la période trouble de Laurent-Désiré Kabila, lequel avait renversé le régime de Mobutu, en 1997. « Mais une partie seulement de ces contrats ont été revus. Le gouvernement est faiblement impliqué dans le processus de l'ITIE. Ce genre d'initiatives ne peut fonctionner qu'avec des autorités ouvertes au dialogue », a estimé Jean Claude Katende, coordonnateur national de « Publiez ce que vous payez RDC ». Il a cité l'exemple d'arrestations ayant suivi la publication d'un rapport sur une exploitation peu conforme aux règles d'une mine d'uranium par le groupe nucléaire français Areva. En Azerbaïdjan, les clauses de confidentialité contenues dans certains titres miniers empêchent, selon Ingilab Ahmadov, directeur de Public Finance Monitoring Centre, l'application pleine des règles de l'ITIE. Beaucoup d'intervenants à la conférence ont appelé à supprimer les clauses secrètes dans les contrats miniers et pétroliers pour une meilleure transparence.