Montréal a abrité une conférence internationale de la coalition « Publiez ce que vous payez » sur la transparence dans les activités minières et pétrolières. Des acteurs de la société civile, venus de 50 pays, ont débattu de la meilleure manière d'obliger les gouvernements à rendre des comptes sur les profits tirés de ces activités. Montréal (Canada). De notre envoyé spécial La communauté internationale s'intéresse de plus en plus à la transparence dans les industries d'extraction et dans les finances publiques. Cet intérêt est encore invisible en Afrique du Nord mais ce n'est pas le cas pour le reste du continent. Montréal a abrité, du 16 au 18 novembre 2009, une conférence internationale de « Publiez ce que vous payez » (Pcqvp), (Publish what you pay) (en anglais), une coalition de 350 ONG menant une campagne internationale pour la transparence et la redevabilité dans les industries gazière, pétrolière et minière. Organisée par Partenariat Afrique- Canada, Pcqvp Canada et Pcqvp International, la conférence a accueilli les délégués d'une cinquantaine de pays. Le monde arabe n'était représenté que par l'Algérie et le Yémen. Rien à voir avec le continent africain présent avec 25 pays. Radhika Sarin de Pcqvp International a, à l'ouverture de la conférence, plaidé pour un véritable mouvement de transparence mondiale. « Nous avons choisi de nous réunir au Canada car ce pays possède de grandes entreprises activant dans le secteur minier », a-t-elle précisé. A la bourse de Toronto, plus de 1000 entreprises minières sont enregistrées. Ces sociétés détiennent des intérêts dans plus de 8000 propriétés d'exploration et des projets miniers dans 100 pays, ce qui constitue 40% des activités d'exploration minière dans le monde. Malgré cela, « Publiez ce que vous payez » n'a été lancé au Canada qu'en 2008 après des pressions d'ONG. Un rapport parlementaire a contraint le gouvernement d'Ottawa de mettre un plan sur la « Responsabilité sociale des entreprises » (RSE). Ceci implique les firmes qui activent autant à l'étranger que dans les provinces canadiennes où cohabitent 633 communautés autochtones, appelées « premières nations ». Glenn Nolan de la communauté des Missanabie Cree, qui vit autour des lacs Missinaibi, Dog et Wabatongushi, a, après une prière dite en sa langue natale, précisé qu'il y a 40 ans, les habitants autochtones étaient complètement mis à l'écart dans l'exploitation des richesses naturelles de leurs régions. « Mais depuis le début des années 1990, les communautés sont impliquées dans toute décision relative aux industries d'extraction. On leur demande leur autorisation avant l'utilisation des terres », a indiqué Glenn Nolan. Les communautés se sont regroupées dans plusieurs ONG dont la Boreal prospectors association pour défendre leurs intérêts. Paul Wilkinson, de la New Millenium Capital, a passé plus de 30 ans à négocier avec les « premières nations » pour permettre à son entreprise d'exploiter des mines au Grand Nord canadien autour de Schefferville. Selon lui, ces « nations » profitent à 20% de tous les projets engagés par l'entreprise. Il a cité l'exemple des Naskapis qui vivent dans la région du Labrador. « Nous avons engagé des programmes de formation et d'aide sociale en faveur de ces communautés », a-t-il relevé. Les Naskapis ont exigé à ce que les activités de la Millenium ne gênent pas la vie naturelle du caribou. Cependant, le respect de l'environnement n'est pas « le fort » de certaines entreprises canadiennes. Matilda Koma, directrice du Centre pour les recherches environnementales de Papouasie Nouvelle-Guinée, a accusé ouvertement la firme canadienne Placer Dome, qui exploite la mine d'or de Porgera, d'avoir pollué les rivières. Selon elle, plus de 18.000 tonnes de déchets ont été jetés dans les cours d'eau de l'île. « La population locale ne tire profit qu'à 2,5% de l'exploitation de ces mines. Les entreprises canadiennes appliquent d'autres normes à l'étranger. Elles devraient avoir honte », a lancé Matilda Koma. Elle a exprimé des craintes sur l'éventuelle pollution du Pacifique par une plateforme pétrolière. Carlos Rojas-Arbulu, responsable du RSE au ministère canadien des Affaires étrangères et du Commerce, a expliqué que les firmes canadiennes sont tenues de respecter les pratiques exemplaires, défendues par les directives de l'Organisation de coopération et du développement économique (OCDE), adressées aux multinationales. Selon lui, les firmes sont obligées de dialoguer avec les populations locales avant de lancer des projets d'exploitation minière ou pétrolière. Modérant le débat, Alex Neve, de Amnesty international Canada, a appelé à l'élaboration d'une loi pour mettre en avant les droits des mineurs dans les activités minières. Les droits humains, selon Jean Claude Katende de la coalition de Pcqvp de la République démocratique du Congo (RDC), ne sont pas respectés par les sociétés minières qui activent au Katanga, une province qui fait dix fois la superficie de la Suisse. Le Katanga est riche en cobalt, en cuivre, en uranium et en diamant. « Les entreprises minières canadiennes ont déplacé les populations du Katanga sans aucune compensation et ont licencié des ouvriers en violation de toutes les législations. Nous avons été déçus par « Point de contact Canada » qui n'a rien pu faire », a expliqué Jean Claude Katende. Selon Carlos Rojas-Arbulu, les représentations diplomatiques canadiennes doivent rendre des comptes sur tout versement illégal de pots-de-vin par des firmes canadiennes à l'étranger. Le dernier classement de Transparency international, sur l'indice de perception de la corruption, a classé le Canada à la 8e position mondiale. Place partagée avec l'Islande. Ousmane Dème de Pcqvp Canada a estimé nécessaire une meilleure coordination entre les différents acteurs de la société civile, des agences gouvernementales et des opérateurs économiques privés pour lutter contre toute forme d'opacité dans les industries d'extraction. « Les citoyens ont le droit de savoir », a lancé Alexandre Trudeau, membre de Partenariat Afrique-Canada qui a réalisé plusieurs documentaires en Irak, en ex-Yougoslavie et au Libéria. Les participants à la conférence de Montréal ont débattu un projet de charte sur les ressources naturelles et sur l'Initiative sur la transparence des industries extractives (ITIE). Nous y reviendrons. A noter enfin, que « Publiez ce que vous payez » a été lancée la première fois en 2002 par le financier américain George Soros, président de l'Open Society Institute et par des ONG basées en Grande Bretagne.