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"La Banque peut aider l'Algérie à relever les nouveaux défis de son économie" Donald Kaberuka. Président du Groupe la Banque africaine de développement (BAD)
Attendu à Alger début janvier pour l'inauguration d'un bureau de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka, rencontré à Tunis, a accepté de répondre aux questions d'El Watan Week-end sur les relations entre la BAD et l'Algérie et les défis de l'institution dans le contexte de crise mondiale. Il est prévu que vous veniez début 2010 à Alger pour procéder à l'inauguration du bureau de la Banque africaine de développement. Pourtant, aujourd'hui, l'Algérie n'emprunte plus à la banque… Les relations entre la banque et les pays ne sont pas seulement des relations d'emprunt. La BAD peut être aux côtés de l'Algérie, par ailleurs, un des actionnaires fondateurs et un des plus importants de la banque, pour relever les nouveaux défis de son économie. Elle peut, par exemple, assurer une mission de conseil dans le cadre de la modernisation de son système bancaire, ce qu'elle a déjà commencé à faire, puisque fin 2008 la BAD a financé, sous forme d'assistance technique, une étude sur le développement de la monétique. Elle peut également apporter son soutien au secteur privé et son expertise en matière d'intégration régionale. Lors de ma visite à Alger en avril 2008, j'ai discuté avec votre ministre de l'Industrie de la gestion de grands projets, comme la banque l'a fait en Afrique du Sud ou en Angola. Pour les pays qui ont accès au marché des capitaux, la nature de la relation porte la marque du partenariat. Envisagez-vous que l'Algérie, comme le Nigeria, consacre une partie des revenus, issus des hydrocarbures, à la constitution d'un fonds qui servirait à financer des projets en Afrique, comme il en était autrefois question ? Cela ne fera pas l'objet de ma visite, mais si ce projet existait, il serait tout à fait utile que ce fonds ait davantage de partenaires. Toute coopération de cette nature serait la bienvenue. L'Algérie a toujours montré beaucoup d'intérêt pour l'Afrique, nous le savons. A une époque, elle avait même ouvert à la banque un crédit d'assistance pour la Guinée-Bissau. Mais pour l'instant, je crois que l'Algérie, qui est sortie d'une longue période difficile, s'attachera d'abord à résoudre des questions économiques et sociales qui lui sont propres. Une des principales critiques adressées à la Banque africaine de développement concerne son manque de compétitivité ailleurs que sur les marchés d'Etat et sa faible prise de risques pour les petites et moyennes entreprises… Il faut relativiser. 52% de nos interlocuteurs sont des pays pauvres, donc des pays à risques. De plus, depuis quatre ans, nous avons changé de stratégie et nous intervenons de plus en plus dans le secteur privé qui a représenté, en 2007 et 2008, autour du quart de nos opérations. Et puis, la banque est avant tout une banque : elle doit veiller à son capital. Ce qui compte, ce n'est pas le niveau de risque au cas par cas, mais le risque pondéré dans le temps. A l'heure actuelle, il est de 3,5, ce qui correspond à un risque modéré. Avec la crise et les demandes de financement plus importantes, vous devez, plus tôt que prévu (initialement en 2011-2012), augmenter votre capital. Comment allez-vous procéder alors que certains pays parmi les plus riches se montrent déjà réticents à donner plus d'argent ? La dernière augmentation de capital remonte à 1998. Aujourd'hui, notre capital est de 32 milliards de dollars. Nous estimons que pour faire face aux besoins de financement du développement de nos pays membres africains, nous avons besoin de trois fois plus, soit 96 milliards. Ce qui nous permettrait de lever plus facilement des fonds sur les marchés des capitaux. Nous devons donc convaincre les pays les plus riches de faire face aux défis de l'Afrique pour les prochaines années. Cela concerne également les ressources concessionnelles du Fonds africain de développement, qui sont renouvelées tous les trois ans. La 12e reconstitution du Fonds africain de développement (FAD, guichet concessionnel du Groupe de la BAD) doit avoir lieu en 2011 – le 11e FAD, 2008-2010, était à hauteur de 9 milliards de dollars. Or, c'est à ces ressources que sont éligibles les pays les plus pauvres du continent. Au G20, la Banque africaine de développement a réussi, avec d'autres partenaires, à mobiliser 15 milliards de dollars pour encourager le commerce extérieur. Que fait-elle pour encourager l'intégration régionale ? L'intégration économique est notre première mission. Pour cela, nous agissons de deux façons. D'abord en limitant les barrières physiques. La banque consacre, par exemple, chaque année 1 milliard de dollars de soutien à différents projets d'infrastructures régionales. Par exemple, nous avons financé une route entre le Cameroun et le Nigeria, une liaison très importante, puisqu'elle relie l'Afrique centrale à l'Afrique occidentale. Ainsi que d'autres projets routiers favorisant les liaisons inter et intra-régionales. Dans la région des Grands Lacs, nous avons également financé un projet d'interconnexion électrique. Ensuite, nous travaillons à limiter les barrières non physiques, institutionnelles, via des accords de facilitation des échanges commerciaux. Les observateurs s'accordent à dire que l'Afrique a besoin de 50 milliards de dollars pour faire face aux défis posés par le changement climatique. Mais le flux de ressources externes vers l'Afrique est de moins en moins important… Cela ne nous empêche pas de faire un plaidoyer pour l'Afrique, qui doit aussi faire face aux changements climatiques. Et sur cette question, je souhaite qu'on nous entende. Il faut dire à la communauté des pays les plus industrialisés : « C'est vous qui polluez, vous devez nous aider à faire face aux conséquences. » Bio express Donald Kaberuka, 58 ans, est le 7e président élu de la Banque africaine de développement. Cet économiste, spécialiste en finance internationale, a suivi ses études en Tanzanie et au Royaume-Uni où il a obtenu une maîtrise et un doctorat en économie à l'université de Glasgow (Ecosse). De 1997 à son élection à la tête de la BAD en 2005, il a été ministre des Finances et de la Planification économique du Rwanda. Il devrait briguer un deuxième (et dernier) mandat à la tête de l'institution, lors des prochaines assemblées annuelles de la BAD, en mai 2010.