«L'Etat est préoccupé par la paix sociale et injecte l'argent qui ne sert à rien. Le problème de la tripartite, c' est qu'elle est dominée dans sa totalité par la distribution de la rente. Elle doit sortir de cet engrenage.» En d'autres termes, pour Noureddine Hakiki, professeur en sociologie à l'université d'Alger, la tripartite sociale qui se tiendra dimanche entre l'UGTA, le patronat et le gouvernement, ne réglera aucun des problèmes à l'ordre du jour (voir encadré). D'autant, que contrairement à ce qu'avait promis le Premier ministre Abdelmalek Sellal fin 2013, la réunion se tiendra sans les syndicats autonomes. Le Snapap (Fonction publique), le Cnapest (éducation) et l'Unpef (éducation) sont tenus à l'écart des discussions. Zenati Benyoucef se réfère à l'événement avec une certaine distance et lève les yeux vers le haut. Le représentant de la Fédération du textile à l'UGTA avoue : «La tripartite, c'est l'affaire de notre secrétaire national avant tout. Mais les travailleurs en attendent beaucoup.» Dans son secteur, des conflits sociaux, récurrents, ont à nouveau éclaté la semaine dernière. A Larbaâ Nath Irathen (Tizi Ouzou), quatre employées syndicalistes du textile ont été suspendues le 9 février, après avoir émis plusieurs revendications, entre autres la fin des retenues sur salaires et la titularisation des travailleuses précaires. «Des malentendus ont débordé et les conflits ont mis en péril l'entreprise. Il faut la préserver, tout comme l'emploi. Nous avons finalement signé un accord de principe pour la levée de la suspension», assure Zenati Benyoucef, de l'UGTA. PAS d'efforts Le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, a affirmé de son côté que la réunion serait «porteuse de bonnes nouvelles pour les travailleurs. La tripartie fait des propositions et c'est au Président de trancher». Or, les conflits sociaux importants de ces derniers mois n'ont pas pour acteurs les participants à cette réunion. Depuis la rentrée scolaire, les mouvements de grève dans les écoles se sont multipliés dans tout le pays, à l'appel de l'Unpef et du Snapest. Les enseignants revendiquent le droit à une promotion dans le cadre du statut particulier. «On doit avant tout changer le statut imposé par la tutelle et se mettre à table avec tous les syndicats pour prendre en considération les revendications. La Fonction publique ne fait pas d'efforts et se cache derrière la tutelle», regrette Samia Aït Mesbah, membre du CLA et professeur de français. Selon elle, les dossiers de la tripartite ne correspondent pas à la réalité de la lutte sociale. Les syndicats autonomes, dont le CLA, ont décidé de protester en parallèle de la tripartite le 23 février. «La mobilisation, au moment de la tripartite, est essentielle pour porter nos revendications. De toute façon, on ne peut pas toucher à la liberté syndicale, parce que dans ce cas-là, c'est tout le pays qui risque de s'arrêter», ajoute la syndicaliste. Certains comités de l'UGTA n'arrivent plus à contenir le mécontentement. La semaine du 11 février, les dockers du port d'Alger ont observé une grève de cinq jours. Des travailleurs vacataires réclamaient le rappel des indemnités d'expérience professionnelle (IEP) et le paiement du 13e mois. «L'initiative a été lancée par les travailleurs eux-mêmes et non par le conseil syndical», précise Bourouba Derradji, responsable de l'UGTA du port. Il dit «privilégier les négociations car la grève est illégale». A contrario, la grève est pour les syndicats autonomes la seule «arme», car «l'Etat ne discute pas», déplore Samia Aït Mesbah. Rachid Malaoui, président du Snapap, confirme : «Le pouvoir ne négocie jamais, même pas avec les syndicats officiels. Il donne ce qu'il a décidé qu'il donnerait. Il utilise les grèves pour donner l'impression de répondre, d'être à l'écoute. Mais discuter, négocier ? Jamais».