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L'Algérie mérite bien mieux que son sort actuel
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2014

Il est Président depuis 15 ans, son ambition n'est pas pour mettre en œuvre un projet mûri pour l'Algérie, il est là depuis 15 ans et il n'a jamais eu de projet pour son pays. Il ne peut pas avoir d'autres ambitions que la protection de son clan et ses courtisans. Alors, avant on maquillait la réalité par des grands discours et la distribution de grandes sommes d'argent pour des projets inutiles, à travers ses sorties folkloriques dans les wilayas, sans aucune planification ni contrôle du Parlement.
On parlait déjà de tendance monarchiste, quand il avait toutes ses facultés physiques et mentales. Aujourd'hui, on achète non seulement des placards publicitaires dans de grands quotidiens dans le monde, mais aussi les consciences et les complicités à l'intérieur et à l'extérieur, notamment des dirigeants de pays, qui se vantent d'être les détenteurs des valeurs démocratiques, en contrepartie de contrats juteux plus que douteux. Ces dernières années, les visites à Alger de délégations étrangères ressemblent plus à des voyages d'affaires qu'à des visites d'Etat dans un pays livré au pillage. L'Algérie ne cumule pas seulement les résultats les plus mauvais au monde dans le domaine économique et social, mais notre Président s'il brigue un 4e mandat, il sera certainement classé parmi les tops 10 des accros au pouvoir, après avoir été cité au classement des 10 dictateurs les mieux élus au monde.
Aujourd'hui, le chef de l'Etat cumule 15 ans de pouvoir avec un bilan plus que discutable. Un 4e mandat (soit 20 ans de pouvoir) sera désastreux pour le pays. ll y a peu de temps, Bouteflika pouvait compter sur la magie de son verbe, sur son dynamisme et ses qualités de tribun. Il parlait et tout s'arrangeait.
Aujourd'hui, l'âge, la maladie, les scandales et l'usure du pouvoir ont anéanti le mystère Bouteflika. Il ne parvient plus à retourner une opinion résiduelle auparavant acquise. Il est devenu invisible même pendant les moments les plus graves du pays.
Les observateurs aux niveaux national et international s'accordent tous à dire que ce n'était pas le Président qui voulait un 3e mandat, en violant la Constitution en 2008, et il n'est certainement pas désireux d'un 4e mandat, en 2014, mais il est devenu l'otage d'un entourage qui n'a même pas de pitié pour sa santé.
La rente pétrolière les a rendus insensibles et inhumains. M. Benachenhou, qui était le ministre des Finances de Bouteflika et son conseiller économique, soutenait que «le Président est mal entouré et mal conseillé, ayant plus de courtisans que de militants». Quand on n'a pas de projet pour l'Algérie, on ne peut pas avoir d'objectifs et de stratégie et quand on n'a pas de stratégie, on n'a pas besoin de compétences, ministres ou conseillers, pour exécuter cette stratégie.
La malédiction de l'Algérie, c'est son pétrole, dont une part a, certes, servi le peuple algérien, mais une bonne partie n'a servi qu'à enrichir la nomenclature du système, au détriment d'un projet national pour utiliser cette rente pour le développement du pays, à savoir une rente qui servira les générations futures et surtout préparer le pays à l'après-pétrole.
Ce qu'on peut constater avec certitude, depuis plus de 10 ans, c'est que la richesse de la collectivité nationale est entre les mains de personnes sans foi ni loi qui ont exploité ce patrimoine pour s'enrichir et rester au pouvoir en mettant nos hydrocarbures au service des multinationales.
Pour Machiavel, le but de la politique et sa finalité ce n'est pas la morale, mais tout faire pour rester au pouvoir. C'est le cas de notre pauvre pays, pour obtenir et conserver le pouvoir, tous les moyens sont permis, au diable le patriotisme, la démocratie, l'alternance, le respect de la Constitution, les libertés, le bonheur des citoyens et la sécurité de la nation, ce sont des valeurs rejetées et combattues par ce régime machiavélique.
A la fin, politiquement et constitutionnellement, le Président est le premier responsable de tous ces dérapages. Il n'est plus «Président stagiaire», mais est à son troisième mandat, s'il a mal choisi ses conseillers et ses gouvernements successifs, toute la responsabilité de ce désastre lui incombe.
Chawki Amari l'avait évoqué dans une de ses chroniques dans le quotidien El Watan intitulée «A qui appartient l'Algérie ?», synthétisant bien ce sentiment collectif : «50 ans après, l'impression que nous ne sommes pas chez nous est encore tenace, comme si une caste dominante travaillait toujours pour des intérêts étrangers, exportant nos ressources (les hydrocarbures), en jetant quelques centimes aux khammas locaux». Le modèle démocratique ne fait pas seulement peur aux dirigeants arabes, mais aussi aux Occidentaux qui ont soutenu et soutiennent toujours des pouvoirs autoritaires, surtout quand il s'agit de pays pétroliers, des pouvoirs qui s'appuient sur une oligarchie politico-financière et une bourgeoisie compradore.
La gouvernance autoritaire a réussi à transformer ce merveilleux pays riche en pays misérable, corrompu, fui par sa jeunesse… Aujourd'hui, Alger est classée 125e parmi 130 villes où insécurité et violence sont alliées au manque de structures et de pénuries de logements (130e Dacca au Bangladesh et Lagos au Nigeria 127e), malgré les milliards qui furent investis dans la capitale, lors de grandes manifestations culturelles arabes, africaines et internationales.
Année après année, l'Algérie continue de collectionner les mauvais points en matière de performances économiques, politiques et sociales.
Elle fait partie des 20 nations les plus corrompues de la planète et en termes de liberté, on trouve l'Algérie à la 141e place et au 100e rang (sur 179) au classement de l'ONU sur le développement humain (éducation, santé, niveau de vie…).
Ceci est la conséquence directe de la mauvaise gouvernance et l'usure du pouvoir qui ont aggravé la chute, année après année, et depuis 10 ans, des indicateurs du développement humain malgré un PIB par habitant très élevé. Ce qui reflète une gouvernance désastreuse et une répartition des richesses particulièrement inégale et injuste.
Ce pouvoir, il faut le dire, est devenu un facteur de division pour la cohésion nationale et un frein pour le développement du pays, il est un danger pour la sécurité de la nation.
Il est alarmant de constater l'abrutissement intellectuel dans lequel est plongée la scène politique algérienne. Est alarmant, aussi, le degré atteint par la corruption, ternissant l'image de l'Algérie au niveau international. Il est alarmant d'apprécier le niveau atteint par le système éducatif et universitaire, mettant en péril l'avenir de la nation. Il est de même alarmant de mesurer l'étendue de la destruction de l'industrie algérienne et des PME/PMI au détriment des importations massives.
Emile Zola, dans des moments de détresse face à l'injustice et à l'impunité, disait : «La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera. Ce que je crie, c'est la détresse de notre généreuse et noble patrie, c'est l'effroi de l'abîme où elle roule.»
Y a-t-il un Zola algérien qui criera haut et fort un J'accuse dénonciateur contre les agissements de ce pouvoir destructeur, démoralisateur, fossoyeur de la vérité et méprisant ? Il est temps que vous partiez, Monsieur le Président, dans la dignité. Une telle issue peut encore vous réserver dans l'histoire et préserver le pays d'une descente aux enfers.
L'heure est grave.
La classe politique est vivement interpellée pour se mobiliser afin de sortir le pays de ce bourbier. Il n'est plus temps de se résigner au fatalisme et de douter des chances qui restent intactes pour sauver le pays. Le peuple algérien, qui ne croit plus aux sirènes du 4e mandat attend de son élite un sursaut patriotique et salvateur, pour imposer une refondation nationale et sauvegarder l'acquis majeur de notre glorieuse guerre de Libération nationale.


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