Loin de pleurer sur son sort, cet homme, responsable du meurtre de 82 personnes sur la place Maïdan, a au contraire promis de lutter «pour l'avenir de l'Ukraine». Il a justifié sa fuite de l'Ukraine par des «menaces» sur sa vie, ajoutant que de «jeunes nationalistes et pro-fascistes» ont pris le pouvoir à Kiev. «Je n'ai pas fui Kiev. Je suis allé à Kharkiv et, pendant que je me trouvais encore à Kiev, mon convoi a essuyé des tirs. La voiture qui précédait la mienne dans le convoi a été mitraillée de tous côtés. Je n'étais pas le seul à quitter Kiev dans ces conditions», a déclaré le désormais ex-président de l'Ukraine. Et d'ajouter : «Je partais en direction de Kharkiv pour tenir une réunion du Parti des régions. Quand j'y suis arrivé dans la matinée, le 22 février, le service de sécurité a commencé à recevoir des informations que les groupuscules radicaux entraient dans la ville. Ce n'est pas la peur qui m'a guidé, je n'ai pas eu peur. Ce sont les conditions de sécurité qui m'ont été imposées.» Pour Ianoukovitch, les bouleversements et les victimes en Ukraine sont le «résultat de la politique irresponsable de l'Occident qui a montré trop d'indulgence envers Maïdan», épicentre de la protestation citoyenne contre son régime depuis le mois de novembre dernier. «Je le répète, je suis le Président légitime de l'Ukraine, j'ai été porté à la Présidence après une élection libre.» Pour autant, il a précisé qu'il ne participerait pas à la présidentielle du 25 mai qu'il juge «illégale». Cela dit, bien qu'il se soit exprimé depuis un territoire russe et que les forces armées de ce pays paradaient hier en Crimée, Victor Ianoukovitch a laissé entendre qu'il n'a pas forcément le soutien de Moscou. En Crimée, Moscou donne le ton… Ianoukovitch s'est en effet étonné du «silence» du président russe, Vladimir Poutine, qu'il n'a pas encore rencontré. «La Russie doit et est obligée d'agir, et connaissant le caractère de Vladimir Poutine, je me demande pourquoi il est si réservé et pourquoi il garde le silence», a-t-il lancé. Sur les manifestations en Crimée, le stationnements des forces armées russes et les appels à l'autonomie de cette région russophone et russophile, Ianoukovitch estime qu'il s'agit d'une «réaction naturelle» à une «usurpation du pouvoir». «Ce qui se passe est une réaction naturelle à ce complot. L'usurpation de pouvoir a été le fait d'un groupuscule de radicaux qui ne représentent pas les 46 millions d'Ukrainiens. Dans ces conditions, les habitants de Crimée ne se reconnaissent pas. Conséquence : c'est la formation des brigades d'autodéfense.» «C'est une réaction spontanée des gens de défendre leurs familles, leur ville. Beaucoup de citoyens de Crimée m'écoutent. Je les appelle à éviter les effusions de sang et le conflit interethnique. Je suis persuadé que la Crimée doit rester au sein de l'Ukraine, mais avec une autonomie plus large…» Interrogé sur la libération de Ioulia Timochenko, l'ex-Président l'a enfoncée tout en précisant qu'il ne lui veut «personnellement aucun mal». Mais il lui reproche d'avoir signé un accord au nom de l'Ukraine avec la Russie qui a causé au pays 20 milliards de hryvnia (1,5 milliard d'euros) de manque à gagner. Invasion russe et effluves de guerre froide Alors que Ianoukovitch est sous la menace d'une extradition réclamée par Kiev, le nouveau Premier ministre de l'Ukraine, Arseni Iatseniouk, a reçu le soutien des capitales occidentales. La chancelière allemande, Angela Merkel, l'a ainsi félicité et l'a assuré hier : «L'Union européenne et l'Allemagne feront tout ce qu'elles peuvent pour soutenir le nouveau gouvernement ukrainien.» De leur côté, l'Autriche et la Suisse ont annoncé avoir gelé les avoirs de ressortissants ukrainiens à la demande du pouvoir de transition à Kiev. Et face aux bruits de bottes des soldats russes en Crimée, le ministre ukrainien de l'Intérieur par intérim, Arsen Avakov, a dénoncé «une invasion armée et une occupation. En violation de tous les accords internationaux». Un appel a été relayé par les ministres des Affaires étrangères d'Allemagne, de France et de Pologne qui se sont dits «très préoccupés par la situation instable en Crimée», dans une déclaration commune rendue publique hier. Mais Moscou a assuré ne pas être derrière les troubles en Crimée, selon le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui s'est entretenu avec son homologue russe Sergueï Lavrov. Pas suffisant pour rassurer Kiev dont le Parlement a voté hier une résolution appelant les pays occidentaux à garantir la souveraineté de l'Ukraine. Plus que jamais, la crise en Ukraine sent les effluves d'une guerre froide sous une version «soft».