Le président déchu, Viktor Ianoukovitch, réapparaît inopinément de l'autre côté de la frontière ukrainienne La réapparition de M. Ianoukovitch intervient dans un contexte de tensions déjà exacerbées entre Moscou et le nouveau pouvoir à Kiev. Le président déchu Viktor Ianoukovitch est réapparu hier en public en Russie, affirmant ne pas «avoir été renversé» et promettant de lutter «pour l'avenir de l'Ukraine», tandis que Kiev accusait la Russie «d'invasion armée» en Crimée. Des hommes armés sont apparus sur plusieurs sites stratégiques de la péninsule ukrainienne russophone. Viktor Ianoukovitch, recherché en Ukraine pour «meurtres de masse» après la mort de 82 personnes à Kiev la semaine dernière, a refait surface jeudi à Rostov-sur-le-Don en Russie réapparaissant en public pour la première fois depuis sa destitution le 22 février par le Parlement ukrainien. La Russie lui a accordé sa «protection» face aux «extrémistes». Il a déclaré avoir été contraint de quitter l'Ukraine après des menaces sur sa vie ajoutant que des «jeunes nationalistes et pro-fascistes» ont pris le pouvoir à Kiev. Les bouleversements et les victimes en Ukraine sont le «résultat de la politique irresponsable de l'Occident qui a montré trop d'indulgence envers Maïdan», la place de l'Indépendance à Kiev et QG de la contestation anti-Ianoukovitch, a-t-il accusé. L'Ukraine, où l'ex-président est désormais recherché par la justice, avait réclamé dans la matinée son extradition à la Russie. Les nouvelles autorités à Kiev ont, en revanche, le soutien des Occidentaux. La réapparition de M.Ianoukovitch intervient dans un contexte de tensions déjà exacerbées entre Moscou et le nouveau pouvoir à Kiev. Celui-ci a parlé d' «invasion armée et d'occupation» à propos des événements des dernières 24 heures en Crimée, péninsule russophone qui semble de plus en plus échapper au contrôle des autorités centrales de Kiev, alarmant les Occidentaux. Peuplée majoritairement de russophones, la Crimée est la région la plus rétive aux nouvelles autorités à Kiev. La péninsule a appartenu à la Russie, au sein de l'URSS, avant d'être rattachée à l'Ukraine en 1954. Elle abrite toujours la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol. A Simféropol, chef lieu de la Crimée, le drapeau russe a été hissé jeudi sur le toit du Parlement local, lui-même contrôlé par plusieurs dizaines d'hommes armés pro-russes. Les députés ont dans la foulée limogé le gouvernement local et voté la tenue le 25 mai d'un référendum pour plus d' «autonomie». «Je considère ce qui se passe comme une invasion armée et une occupation. En violation de tous les accords et normes internationaux», avait indiqué hier le ministre ukrainien de l'Intérieur par intérim, Arsen Avakov suite à l'apparition dans la nuit d'hommes armés dans deux aéroports de Crimée. Des «unités armées de la flotte russe bloquent» l'aéroport de Belbek, proche de la ville de Sébastopol, écrivait-il. «L'aéroport ne fonctionne pas. (...) Il n'y a pour l'instant pas d'affrontement armé». A Simféropol des hommes armés «ne dissimulant pas leur appartenance aux forces armées russes» sont arrivés dans la nuit et sont restés sur place «sans intervenir», avait-il précisé. «Il y a eu une tentative pour s'emparer des aéroports de Simféropol et de Sébastopol, mais ils sont maintenant à nouveau sous le contrôle des forces de sécurité ukrainiennes», a, par la suite, tempéré à Kiev le directeur du Conseil national de sécurité et de défense, Andriï Paroubiï. «Tout ce qui se passe en Crimée est une réaction absolument naturelle à ce coup d'Etat de bandits», a, de son côté, estimé M. Ianoukovitch lors de sa conférence de presse fustigeant qu'à «Kiev une poignée de radicaux a usurpé le pouvoir» Il a appelé la Crimée à rester au sein de l'Ukraine. La Lituanie, qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations unies, va demander à cet organe de répondre à la crise en Crimée, a annoncé hier le chef de la diplomatie lituanienne, Linas Linkevicius. «J'ai demandé à notre délégation (aux Nations unies) de s'assurer que la situation en Crimée soit inscrite à l'ordre du jour du Conseil de sécurité de l'ONU», a-t-il déclaré. Le ministre a cependant reconnu qu'une telle décision pourrait se heurter à des difficultés dans la mesure où elle nécessite l'approbation des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies qui y disposent d'un droit de veto, y compris la Russie. La prise du Parlement de Crimée avait été qualifiée jeudi de «dangereuse et irresponsable» par le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, qui s'était dit «extrêmement inquiet» et avait exhorté la Russie à éviter «toute action pouvant provoquer une escalade». Moscou a assuré ne pas être derrière les troubles en Crimée, selon le secrétaire d'Etat américain John Kerry qui s'est entretenu avec son homologue russe Sergueï Lavrov. Au Parlement à Kiev, les députés ont voté hier une résolution appelant les pays occidentaux à garantir la souveraineté de l'Ukraine. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie se sont portés garants de l'indépendance de l'Ukraine dans le Mémorandum de Budapest, signé en 1994, en échange de son renoncement aux armes nucléaires après la chute de l'Union soviétique dont elle faisait partie.