Depuis l'annonce de la candidature du chef de l'Etat sortant, Abdelaziz Bouteflika, par son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lors d'une visite officielle à Oran – ce qui est déjà une entorse aux usages politiques qui veulent qu'à un tel niveau de responsabilité de l'Etat l'on doit afficher une neutralité sans faille dans l'organisation d'une élection –, une frénésie générale a atteint ses partisans qui se sont lancés dans une course contre la montre pour la collecte des signatures exigées pour le dépôt de candidature au Conseil constitutionnel. La manière importe peu, pour eux, dans un climat de terreur. Dignes des méthodes staliniennes, les courtisans du Président ne se soucient plus des formes pour sauver l'empire. Ils terrorisent les employés de l'administration publique, menacent les travailleurs des entreprises étatiques et font signer des électeurs à leur insu en utilisant le fichier électoral. Ce ne sont pas des faits anodins signalés çà et là, mais une véritable machine de fraude qui est mise en branle. Selon des témoignages des victimes de ces pratiques d'un autre âge, des employés d'entreprises publiques sont carrément menacés de licenciement s'ils ne donnent pas leur parrainage à la candidature de Abdelaziz Bouteflika. Plus grave encore : des informations données par les correspondants d'El Watan à Constantine font état d'une véritable terreur semée par les comités de soutien du chef de l'Etat sortant, lesquels sillonnent les bidonvilles où habitent des citoyens qui ont bénéficié de pré-affection pour l'acquisition de logements sociaux et exigent d'eux la fameuse signature. Le clan présidentiel et ses réseaux d'opportunistes ne semblent reculer devant rien. La morale et l'éthique ne sont guère des lignes rouges à ne pas franchir. Ils ont fait le choix de la vulgarité. Dans le secteur économique, ce sont carrément les affidés de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) de Sidi Saïd, transformée en comité de soutien, qui font «le travail» au sein des entreprises. Excédée par ces pratiques, Louisa Hanoune, qui a déposé son dossier de candidature avant-hier, n'a pas manqué de les dénoncer, d'interpeller le locataire d'El Mouradia et d'alerter l'opinion sur ces dépassements. «Nous avons pris acte de vos communiqués adressés à l'administration, mais il s'avère sur le terrain que vos courtisans, la clientèle qui cherche à se placer, ceux qui veulent maintenir le statu quo ont commencé à trafiquer. Ils sont en train d'enfreindre la loi régissant la campagne de collecte des signatures», a déclaré la secrétaire générale du Parti des travailleurs à sa sortie du Conseil constitutionnel, qualifiant ces dépassements d'acte «immoral». Au quartier général du candidat Ali Benflis, on signale les mêmes pratiques de fraude. Un responsable de sa permanence électorale contacté hier parle «de fraude à grande échelle». Selon la même source, les partisans de Bouteflika ont utilisé les fichiers électoraux pour signer à la place des électeurs, et ce, bien évidemment avec «la complicité de l'administration locale». Le premier à avoir signalé la signature frauduleuse des parrainages au profit de Abdelaziz Bouteflika est le candidat à la candidature Rachid Nekkaz, qui a accusé l'ex-parti unique, le FLN, et ses relais d'obliger les fonctionnaires à signer pour le chef de l'Etat. Pour M. Nekkaz, le viol de la loi est une pratique généralisée. Il a cité même un exemple à Chlef où une employée, qui lui avait donné son parrainage, s'en est désistée, de peur de perdre son emploi à la commune. L'élection présidentielle est très mal partie. A la candidature d'un président gravement malade, qui a cessé d'assurer la gestion du pays depuis une année, s'ajoutent des pratiques frauduleuses et le viol caractérisé de la loi, annonçant un détournement vulgaire de la volonté des Algériens.