L'une des grandes catastrophes des sociétés musulmanes actuelles est l'islamisation de la politique et la politisation de la religion islamique utilisées alors comme moyens pour parvenir au pouvoir ou s'y maintenir », a déclaré, hier, le docteur Ghaleb Bencheikh El Hocine, professeur et chercheur algérien établi en France. Invité par le Conseil de la nation pour animer une conférence sous le thème « La civilisation entre confrontation et dialogue », ce diplômé en sciences de la physique relèvera que « les idéologies fondamentalistes font l'objet d'une propagande de toutes parts, et dans les banlieues des villes européennes se concentrent des regroupements sociaux renfermés sur eux-mêmes ». Ce qui donne une image étriquée de l'Islam et de ceux qui appartiennent à cette religion de paix, de tolérance et au patrimoine scientifique universel, dira-t-il. Or pour justement atténuer « le choc des civilisations » en vogue aujourd'hui, le monde musulman doit s'engager, précisera le docteur Ghaleb Bencheikh El Hocine, dans un processus se basant sur trois vecteurs déterminants. Le premier concerne la rationalisation de la société en instaurant une politique positive critique permettant d'élaborer avec objectivité les normes législatives, parce que, expliquera-t-il, la gouvernance des peuples à partir de l'esprit du Coran est très complexe durant la période actuelle, notamment en ce qui concerne la gestion des intérêts publics. Il faudrait alors plutôt, ajoutera-t-il, consacrer les notions de l'Etat moderne fondées sur les libertés fondamentales, le progrès démocratique, les droits naturels de l'homme, la société civile, la participation nationale et le respect de l'individualité des citoyens. Ce qui permettra au conférencier de passer au deuxième vecteur axé sur la question déterminante de l'égalité entre les citoyens. Il ne manquera pas, à ce propos, de relever la situation dramatique de la femme dans les sociétés musulmanes. Un véritable écueil au progrès des pays, estime le docteur Bencheikh El Hocine. Cela l'amènera à citer l'exemple de Oualada bint El Moustakfi qui a marqué toute l'Andalousie au XIe siècle au point d'être pris comme repère par des femmes occidentales modernes comme Mme de Staël, Christine de Pisau ou Mme de Sévigné. De là, le conférencier s'en ira éclairer l'assistance à propos du troisième vecteur pour faire sortir le monde musulman de sa léthargie. Il s'agit, dira-t-il, d'en finir avec une certaine croyance liée à un quelconque effet sacré des actes de violence. La violence, indiquera-t-il, est un cataclysme plein de nuisance et de mal pour l'humanité. Le docteur Ghaleb Bencheikh El Hocine, en sa qualité de président de la section française du Forum international pour le dialogue entre les religions, s'est longuement attardé, au cours de sa conférence, sur la notion du choc des civilisations. Une donne qu'il tient à récuser en bloc et en détail, car il considère que « les hommes sont égaux en droits, mais doivent pouvoir jouir toutefois de leurs différences et de leurs spécificités ». Au lieu de toutes les formes de confrontation, préconise-t-il, on peut y substituer le dialogue, l'entraide et le respect mutuel. Enseignant à l'Institut universitaire des technologies de Paris, le docteur Ghaleb Bencheikh El Hocine est, faut-il le signaler, le frère du mufti de la mosquée de Marseille, Soheib Bencheikh.