Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, s'est empressé, jeudi, immédiatement après le baisser de rideau sur la 13e réunion tripartite à laquelle il venait de participer, de qualifier l'augmentation en Algérie du SNMG de 12 000 à 15 000 DA de « substantielle ». A ceux qui seraient tentés de remettre en cause la valeur du « cadeau » fait par les pouvoirs publics et les patrons aux travailleurs, Tayeb Louh a pris un malin plaisir de souligner qu'« avec l'augmentation consentie l'Algérie possède, désormais, le SNMG le plus élevé au Maghreb arabe ». Le ministre du Travail s'est fait par ailleurs un point d'honneur de souligner au stylo rouge – et il est aisé de deviner pourquoi – que notre SNMG dépasse allégrement le salaire minimum garanti en Egypte. Celui-ci ne dépasse pas, en effet, les 70 dollars. Il représente environ la moitié de ce que touche un travailleur algérien. Comme pour mieux mettre en évidence l'importance de l'effort financier fait par l'Etat, M. Louh a assommé les journalistes avec une montagne de chiffres aussi impressionnants les uns que les autres. Pêle-mêle, il a indiqué que la revalorisation de 25% du SNMG touchera l'ensemble des salariés et des retraités et nécessitera une enveloppe de 90 milliards de dinars. Selon lui, plus de 3,2 millions travailleurs sont concernés. « Plus de 700 000 personnes vont bénéficier d'augmentation de leurs pensions de retraites. Le niveau minimum des pensions de retraite sera porté de 10 000 DA par mois à 11 250 DA par mois dès janvier 2010 » , a-t-il précisé encore. A en croire M. Louh, les conclusions de la tripartite constitueraient donc une sorte de panacée suprême aux problèmes des travailleurs. Pourtant, lorsque tous les chiffres étalés fièrement par les participants à la rencontre de jeudi sont sobrement analysés, il est difficile d'appréhender la réalité avec la joie et la même autosatisfaction que celles exprimée par Tayeb Louh. Une réalité des prix des plus amères La première manière de recadrer le débat sur les salaires et de mesurer les « acquis » de la 13e réunion tripartite selon leur juste valeur serait, peut-être, de rappeler à notre valeureux ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale qu'il y a lieu de faire un distinguo net entre le SNMG, le salaire et le pouvoir d'achat. Le travailleur algérien a beau avoir le SNMG le plus élevé du Maghreb ou du monde arabe, ce qui, fondamentalement, importe peu, il n'en demeure pas moins qu'il perçoit l'un des salaires les plus faibles de la région. Cela peut-être en plus d'avoir aussi le pouvoir d'achat le plus faible. Pour s'en convaincre, il y a lieu juste de rappeler qu'un enseignant universitaire en Mauritanie, au Maroc ou en Tunisie est nettement mieux payé qu'un professeur en Algérie. La remarque vaut, sans aucun doute, pour de nombreux autres corps de métier. Est-il utile d'avoir le pont le plus grand d'Afrique ou l'autoroute du Maghreb si ceux-ci ne servent pas à grand-chose ? Le raisonnement est le même pour le SNMG. A quoi peut bien servir d'avoir le SNMG le plus élevé d'Afrique du Nord (ce qui n'est pas tout à fait la réalité) si les travailleurs se retrouvent, au bout du compte, avec le même pouvoir d'achat ? Surtout quand celui-ci est continuellement menacé et tiré vers le bas par l'inflation et un dinar faible. Tout le monde sait qu'un salaire moyen en Algérie ne peut même pas couvrir les frais de location mensuelle d'un petit appartement de 3 pièces-cuisine. L'Union générale des travailleurs (UGTA), qui s'est empressée d'applaudir les résultats de la tripartite, devrait faire preuve d'un peu plus de modestie. Personne ne sait mieux que ses responsables que pour réhabiliter véritablement le pouvoir d'achat, le SNMG devrait raisonnablement être augmenté à 20 000 DA au moins. Des études sérieuses sur le marché du travail en Algérie le fixent carrément à 38 000 DA. Les responsables de l'UGTA, qui peinent déjà à faire aboutir les négociations relatives aux conventions de branches et à accélérer l'adoption de certains statuts particuliers, sont certainement les plus conscients concernant le fait que la réhabilitation du pouvoir d'achat passe nécessairement par la réforme profonde de la politique nationale des salaires et non par des augmentations en trompe-l'œil. Mais il est peu probable, en raison de sa proximité avec le pouvoir, que la centrale accepte d'aller le crier sur tous les toits.