Après les trente glorieuses, on a eu droit aux quarante désastreuses. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et jusqu'au milieu des années soixante-dix, l'économie mondiale avait connu une croissance sans précédent qui s'était accompagnée d'une réduction des inégalités dans la plupart des pays développés. Le point de rupture se situait vers 1974. A partir de cette date, on a eu droit à des crises répétitives plus rapprochées, plus virulentes et de plus en plus menaçantes. La tendance lourde en termes de réduction des inégalités s'était inversée. Depuis lors, les plus aisées améliorent leurs conditions de vie, alors que celles des plus exclues se dégradent ou tout au plus stagnent. Tel est le verdict qui est appuyé par des données statistiques massives. Ce qui est plus inquiétant, est que les récentes investigations montrent que les inégalités d'opportunités s'approfondissent dans la plupart des pays, surtout les nations anglo-saxonnes. Ce qui implique que si on naît pauvre, on a beaucoup plus de chance de le demeurer. Ce qui n'était pas le cas durant les trente glorieuses. Les passerelles étaient plus ouvertes et plus fluides pour les pauvres, les minorités, les immigrés et toutes les catégories sociales défavorisées. Comment se fait-il qu'il y a eu ce revirement de tendance si profond et si radical ? On ne manque pas d'explications. L'investigation des causes n'est point notre objet. Probablement le triomphe de l'ultralibéralisme y est pour quelque chose. Mais à quoi faut-il s'attendre les prochaines années ? Si on devait mener une analyse stratégique pour positionner divers secteurs de notre économie, nous devrions conduire des investigations approfondies sur ces thèmes. L'intelligence économique n'est pas un vain mot. Elle s'applique surtout au secteur international. Ce à quoi Il faut s'attendre Les analyses trop alarmistes ou trop pessimistes sont confrontées à d'autres plus indépendantes et objectives. Selon de nombreuses analyses, l'économie mondiale serait sujette à des crises répétitives. Les raisons en sont simples : elle n'a pas extirpé les causes qui induisent les dérapages. Les diverses règlementations des secteurs financiers sont trop timides pour couper le cordon ombilical entre l'économie réelle et les déstabilisations financières. Dans les années cinquante et soixante, ce sont les secteurs réels (production de biens et services) qui causaient les instabilités économiques, et donc des crises financières (dépression des Bourses). On savait corriger l'économie réelle. De nos jours, on a l'inverse. Ce sont les crises financières qui provoquent la chute de l'économie réelle. La spéculation, les produits financiers aussi sophistiqués qu'incompréhensibles et irréalistes adossés à des équations mathématiques qui leur donnent une illusion de scientificité, sont commercialisés à travers le monde entier. Les investisseurs institutionnels les achètent sans savoir ce qu'il y a dedans. Des mairies européennes ont acheté des produits financiers dont le 1% représente l'indice de la Bourse de Hong-Kong, 1% représente une combinaison d'actions d'entreprises de construction japonaises, 1% représente les options call sur les bananes, etc. Des cocktails Molotov financiers sont disséminés à travers la planète entière. Lorsque le système financier connaît des crises (éclatement des cocktails), il réduit les crédits aux entreprises causant ainsi une crise dans le secteur réel. Les politiciens interviennent alors pour limiter les dégâts et éviter que des milliers d'entreprises n'aillent en faillite. Ainsi, le piège se referme sur les autorités politiques. Aujourd'hui, le monde de la finance est de loin plus puissant que celui de la politique, sans être élu. Il mène le monde. Les économistes ont compris qu'ils n'ont plus la maîtrise de l'économie. Elle leur échappe. On n'a pas réussi à mettre en place les mécanismes qui coupent les liens entre l'instabilité financière et l'économie. On a réussi à le faire de 1937 à 1974, mais pas avec l'extrême dérégularisation néolibérale. Il faut donc s'attendre à des instabilités continues. La situation mondiale demeure donc incertaine. Il faut s'attendre à des taux de croissance économiques de plus en plus bas et avec beaucoup de variabilités. Ce qui n'arrange en rien nos affaires. Les prix des hydrocarbures dépendent, en partie, de la prospérité mondiale. Tout comme les investissements internationaux. Certes, certaines entreprises algériennes disposent de structures d'analyses de l'économie mondiale. Beaucoup de ministères et d'institutions administratives font pareil. Il reste seulement à coordonner tout cela pour disposer d'éléments valables de prospectives. Par ailleurs, il faut s'attendre à ce que les Américains continuent à explorer, améliorer et développer leur production de gaz de schiste. Leur mode de raisonnement est tout à fait différent du nôtre. Leur mode de calcul de risque est très divergent par rapport à nos priorités. Ceux qui pensent que les incertitudes environnementales leur feront changer d'avis se trompent lourdement. Conséquences pour notre schéma de croissance Notre modèle de croissance ne peut être conçu en vase clos. Il doit considérer les forces compétitives en action au niveau international tout comme les atouts dont nous disposons. Cependant, lorsque de nombreuses incertitudes planent sur l'économie mondiale, il devient vital de considérer d'abord les vecteurs de croissance nationaux. Ceci devrait être prioritaire, mais la future variabilité de l'économie mondiale nous motive davantage à planifier sur la base des secteurs économiques nationaux. Il faut donc scruter à la loupe les dépenses d'importation pour y déceler ce qui peut être produit nationalement avec efficacité. Les économistes algériens ne cessent de plaider pour une plus grande substitution aux importations. Même d'un point de vue strictement économique, il y a de nombreux biens et services que l'on peut produire plus efficacement dans notre pays (blé, lait, médicaments, véhicules, etc.). Nous ne pouvons plus continuer à ignorer la réalité de la balance des paiements. Elle met en danger la stabilité économique et politique du pays sur le moyen terme. Nous sommes le pays qui a connu le plus grand taux de croissance des importations dans le monde (plus de 35% par an). Certes, le 1/3 serait des biens d'équipements qui auraient servi à financer les différents plans de relance que l'on a connus. Il demeure que nous devons explorer également les possibilités des marchés extérieurs. Ceci serait un autre thème à mieux cerner.