Durant les années glorieuses – à peu près de 1945 à 1974 – les économistes pensaient avoir réglé la plupart des grands problèmes économiques comme le chômage et les inégalités. On pensait que malgré quelques instabilités économiques (récessions), ou de rares périodes de résurgence de l'inflation, en général la tendance de l'économie mondiale est haussière tout en réduisant significativement les inégalités sociales qui ne manquent pas d'exister en économie de marché. Mais le début des années 1980 marquait une profonde rupture avec ces performances. Les raisons sont multiples. Les chocs pétroliers n'expliquent qu'une partie infime de cette problématique. Lorsque les prix pétroliers se stabilisèrent, on continuait à supporter des fluctuations abruptes. Dans l'histoire économique mondiale, il y a désormais un avant 1974 et un après. Les caractéristiques de l'économie mondiale ont été brutalement mutées, probablement pour une très longue et incertaine période. Les chocs économiques subis en 1987 et 2006 furent d'une ampleur jamais égalée, sauf en 1929. On croyait que l'antidote keynésienne était suffisamment connue et maîtrisée pour empêcher toute crise majeure de venir se greffer sur une expansion de plus en plus maîtrisée. Par ailleurs, les décideurs et les économistes se prévalaient du recul des inégalités sociales pour présenter le système économique architecturé comme étant la «solution finale». Non seulement des cycles dangereux apparaissent de plus en plus comme menaçants, mais les inégalités sociales commençaient à repartir à la hausse. On a cru que les organisations internationales et les régulations des Etats allaient mettre de l'ordre dans la financiarisation excessive de l'économie mondiale et opérer des régulations qui vont éviter les futures catastrophes économiques. Selon les analystes, ce qui a été fait jusqu'à présent est trop peu, trop tard et les possibilités de crises futures sont toujours présentes. Tout comme la législation des armes à feu aux USA les «crimes» financiers ne semblent pas faire basculer le rapport de force en faveur des législateurs ; ce sont surtout les lobbys financiers qui demeurent plus puissants et plus influents. Quelle issue pour l'économie mondiale ? La plupart des économistes s'attendent à des chocs de plus en plus virulents. La réglementation financière qui devait déboucher sur des mécanismes de contrôle stricts et des mesures qui empêcheraient toute résurgence des crises types Subprimes ne s'est tout simplement pas matérialisée. Les écrits des économistes, après la crise des Subprimes, portant sur l'analyse des systèmes d'incitations -aussi bien au sein des entreprises économiques que des institutions de régulations- aboutissent à des conclusions pessimistes. L'architecture économique ne semble pas convenir aux objectifs que se fixent généralement des agents économiques responsables, à savoir une croissance durable qui produit plus d'équité. Au lieu de cela, les économies modernes deviennent des machines à produire des inégalités sociales et des menaces de déséquilibres de plus en plus graves. On commence à scruter les institutions qui produisent des incitations et des comportements plus en ligne avec les besoins fondamentaux des agents économiques. Le système coopératif, bien que minoritaire au sein des appareils économiques nationaux, semble plus prometteur que les structures classiques des entreprises. Le développement des systèmes coopératifs est une piste sérieuse qui a été insuffisamment explorée par les décideurs économiques. Au début, on croyait que des coopératives de production, de distribution ou de finance relevaient beaucoup plus de l'utopie. Marx en rejeta l'idée en classant le système coopératif comme un mouvement naïf qui ne pouvait que péricliter. Mais au final, la solution qui devait selon lui s'imposer d'elle-même (un parti communiste qui organise le prolétariat pour mener sa mission historique) se révéla beaucoup plus utopique que le système coopératif. De nos jours, nous avons des exemples qui prouvent que le système coopératif est un élément fondamental de la solution. Nous devons nous inspirer des modèles de réussite dans ce domaine. Notre pays n'a pas que de bonnes expériences avec le système coopératif. Nous avons eu des expériences dans les domaines agricoles et distributions qui ont dans l'ensemble déçu les citoyens et les décideurs économiques. Mais ces expériences furent réalisées au sein d'un système centralement planifié et super étatisé. Mais pouvons nous mieux faire au sein d'un système plus décentralisé et mieux régulé ? Quelques pistes de solutions Nous avons près de chez nous des expériences très intéressantes car la plus grande coopérative au monde se trouve très proche de nos cotes : en Espagne. La coopérative Mondragon fut créée au pays Basque espagnol en 1956 par un prêtre José Maria Mendiarrieta pour réduire le chômage dans sa région. Aujourd'hui, c'est un grand groupe qui active dans l'industrie, la distribution et les finances. Il emploie 80321 personnes et pèse 14 milliards de dollars de chiffres d'affaires. Il possède ses propres instituts de formation pour se doter de spécialistes techniques et des chargés de la gestion de coopératives. De nombreux pays disposent de coopératives dans tous les domaines tels Desjardins au Québec, Blue diamond aux USA, la Mobilière en Suisse, Banque populaire et Crédit mutuel en France etc. mais nous avons là avec Mondragon une forme de management des coopératives très avancée qui permet de faire fonctionner des organisations complexes sous la forme de coopératives. L'entité consacre beaucoup de ressources pour former ses propres ressources humaines et disposer un management adapté à ce genre d'institutions. Il est des domaines dans notre pays où ce genre d'institutions permettrait de faire progresser des secteurs entiers. Prenez le domaine agricole comme un exemple. Ce qui empêche son développement c'est surtout l'investissement et les applications scientifiques. L'explication est simple. Les surplus agricoles ne profitent pas aux producteurs. Ce sont les circuits de distribution mieux structurés qui achètent à bas prix chez les producteurs (paysans) et vendent aux citoyens en fonction de la demande, parfois à 300% du prix d'acquisition. Les fortunes se font en dehors du circuit productif et sont réinvestis ailleurs. Des coopératives de distributions permettront aux agriculteurs de tirer profit de leur travail, de disposer de plus de ressources et de développer leur production en utilisant mieux les procédés scientifiques et en viabilisant plus de terres agricoles. Mais nous n'avons pas d'instituts qui forment en management des coopératives ni des dispositions spéciales pour les développer. Il n'y a pas que dans l'agriculture ou les coopératives peuvent booster l'économie. De nombreux secteurs peuvent en bénéficier, y compris l'industrie, les services et la finance. Les coopératives ont laissé de mauvais souvenir parce qu'elle fonctionnait dans un système planifié hyper centralisée. En économie de marché, elles peuvent grandement contribuer à booster des pans entiers de l'économie nationale.