Des médecins crient au scandale et interpellent les responsables du secteur afin de les doter de moyens de protection. L'inquiétude des médecins résidents des services des maladies infectieuses et de réanimation du CHU de Constantine était grande et se lisait sur leurs visages quand ils ont rendu visite, hier, à notre rédaction. Craignant une expansion irréversible de la grippe porcine en milieu hospitalier, ils nous ont fait savoir que ces deux services, par où passent les personnes atteintes, vont, « si on n'y prend garde, se transformer en un foyer certain de propagation de cette pandémie insidieuse ». Devant le délai d'établissement définitif du diagnostic, dépassant les 5 jours, le personnel médical et paramédical, qui n'est pas vacciné, est sans aucune protection, mis à part, nous diront les médecins, « la distribution d'une bavette par personne et par jour, alors que la norme universelle d'utilisation de ladite protection n'est que de quatre heures ». La situation au niveau du CHU est qualifiée de « lamentable » en l'absence d'un vaste et sérieux travail de sensibilisation sur les risques de propagation du virus en milieu professionnel. Le fossé entre le discours politique et la réalité du terrain se creuse encore plus, ont relevé ces résidents. C'est à partir de cette réactivité lourde et pesante du corps médical face à un fléau qui ne pardonne pas que les médecins du CHU crient au scandale et interpellent les responsables du secteur afin de les doter de véritables moyens logistiques et d'une protection appropriée, à la mesure des risques encourus. Sur un ton de colère, l'un d'entre eux nous dira : « Nous comptons réagir énergiquement à ce silence sur nos conditions de travail déplorables et dorénavant périlleuses pour nos vies et celles de nos familles. » La sous-estimation des dangers d'une propagation à grande échelle de la grippe A trouve son explication dans des comportements inconscients, notamment quand on permet à des gens de rendre visite à des malades censés être en quarantaine. Joint par téléphone, le docteur Zerman, directeur du CHU de Constantine, tout en reconnaissant qu'« un petit climat de panique » règne parmi le personnel hospitalier, a affirmé que « la situation est totalement maîtrisée et tous les moyens nécessaires à la protection existent et en quantités suffisantes », ajoutant, cependant, que « les visites dont parlent les résidents sont le fait de l'indiscipline et du manque de conscience des personnels ». Par ailleurs, nous apprenons qu'une directive ministérielle, adressée le 3 décembre dernier aux directeurs des hôpitaux, stipule que seuls les cas sévères de grippe porcine présentant une pathologie associée seront hospitalisés. Pour les autres cas de grippe A, ils seront confinés chez eux et recevront leurs doses de Tamiflu avec un suivi médical. A ce propos, un médecin dira : « C'est une mesure très grave, car les risques de propagation décupleront et la situation sera alors incontrôlable. »