De notre correspondant à Constantine A. Lemili Médecin-chef, responsable du service de dermatologie du CHU Constantine, le Pr H. Bariout balise d'emblée notre entretien, en soulignant que «les maladies de la peau n'ont rien à voir avec les saisons, même si, effectivement, en été, elles semblent plus ou moins visibles. Mais, il n'y a pas de réelle cause à effet directe, à l'exception d'une négligence avérée des conditions prophylactiques essentielles, comme l'hygiène corporelle». La recrudescence des maladies de la peau en été est due à l'excès d'exposition au soleil à la mer, aux piscines et aux oueds. La question de l'hygiène générale se pose avec acuité pour expliquer un tant soit peu les risques de maladies dermiques. Si elles n'ont pas de saison précise pour sévir, sont-elles plus importantes en milieu urbain ou en milieu rural ? Quelle est leur importance comparativement à d'autres pathologies ? Le service fait-il face à une forte demande ? Est-il doté des moyens conséquents pour y répondre ? Le Pr Bariout nous répond avec ironie : «Il m'arrive de me poser des questions et d'essayer de comprendre déjà comment un tel service a pu obtenir les faveurs de l'administration et… naître. Je vais sans doute vous étonner, il n'existe pas de service dermatologique dans d'importantes wilayas de la région, je vous en citerai deux, à titre d'exemple, Sétif et Batna.» Jusqu'à un passé récent, nous apprendrons de la bouche d'une infirmière, qui a pratiquement travaillé dans tous les services du CHU pendant près de trente ans, que «la dermato…je me souviens de la création de ce service, faite par l'entremise du Pr. Cherrad». Autrement, les malades pouvaient se trouver dans n'importe quel service, en général, ils étaient soit hospitalisés ou traités au sein du service infectieux. Cela étant, le service de dermatologie a continué de recevoir des malades dont la pathologie était complexe et dont la matérialisation extérieure était apparente en premier lieu à travers le derme. Ainsi, il a eu pour pensionnaires des malades séropositifs, avec tous les risques de propagation du virus. Pis, certains de ces patients ont été relâchés dans la nature après leur séjour. Il ajoute : «Effectivement, nous avons souvent reçu des malades qui devraient se trouver ailleurs, même si les lésions sur la peau sont effectives. Je vous citerai le cas d'une patiente, qui est toujours là, atteinte d'un cancer du sein, elle s'est manifestée autrement. Cela arrive assez souvent. C'est pour cela que j'ai toujours considéré que le corps humain n'est que le reflet externe de tout l'organisme.» Concernant le nombre qui augmente en été, notre interlocuteur n'exclut pas le fait que «la période caniculaire, en fait l'action du soleil sur le corps humain, peut favoriser certaines affections ou être à l'origine de graves et irréversibles lésions, comme le cancer de la peau et peut, parfois, être à l'origine d'une amélioration, voire d'une guérison du malade, si la prise en charge est faite dans de bonnes conditions et dans le temps voulu». Le Pr Bariout considère que «les maladies de la peau n'ont pas encore livré tous leurs secrets, du moins chez nous». Il aurait souhaité disposer de moyens conséquents pour alléger les souffrances des 34 malades, 17 femmes et autant d'hommes, hospitalisés en permanence. «Sauf que personne, et j'assume mes propos, ne se soucie de ce que nous faisons et de l'ampleur de la tâche qui, en réalité, nous attend et à laquelle nous devrions répondre. Malheureusement, la bureaucratisation du système de santé locale et la méconnaissance du terrain par les responsables, qui ont la réputation de penser au modèle et d'établir des programmes, voire une politique à l'endroit des contribuables et plus particulièrement les malades, creusent le fossé entre le discours officiel et la réalité.» La dernière mesure prise par la direction du centre hospitalo-universitaire, en application d'une instruction ministérielle, consistant à la réalisation d'un centre anticancéreux limitrophe au service de dermatologie, est venue, en fait, pénaliser cette dernière, parce que l'un des murs de protection (érigé d'ailleurs pour des raisons très absconses) réduit d'une manière dramatique la visibilité des malades et l'aération des chambres. Or, selon une infirmière, «l'aération est l'une des conditions sine qua non pour la guérison de nombreux malades, dont la peau a besoin d'être rapidement asséchée en permettant l'assèchement des badigeonnages dans la même journée pour certains patients gravement atteints». Effectivement, du jour au lendemain, les horizons des «locataires» du service dermatologie sont ridiculement modifiés, et ces derniers n'ont droit, toutes proportions gardées, qu'à scruter des murs, mis en quarantaine comme des lépreux, même s'il n'y a pas de honte à l'être. «C'est d'ailleurs avec honte que des centaines de citoyens s'abstiennent de consulter un médecin, préférant ignorer, adoptant la politique de l'autruche jusqu'au point de non-retour parfois. Les maladies sexuellement transmissibles en sont l'exemple parfait.» Elles sont malheureusement les plus dangereuses, sans doute très fréquentes, mais… tues par leurs victimes.