Dans la matinée d'hier, les parents des élèves de l'école primaire Mohamed Allik de Hydra ont fait le pied de grue devant l'étroit portail de l'établissement. La cause en est la rumeur faisant état de cas de contamination par la maladie, qui aurait atteint plusieurs des élèves scolarisés. Mais en dépit de cela, les classes de l'école sont toujours ouvertes. Pourtant la directrice, souriante malgré sa grippe, « mais saisonnière » celle-ci, dément formellement. « Il n'y a qu'un seul cas confirmé, une fillette inscrite en 5e année. Mais ce n'est pas ici qu'elle a été contaminée, puisqu'aucun autre de ses camarades n'est tombé malade », assure-t-elle. Cette dernière raconte que « les symptômes de la maladie se sont déclarés chez la petite mercredi soir et elle n'a pas assisté aux cours du jeudi. De ce fait, elle n'a pas pu contaminer le reste de sa classe ». D'autant plus que les responsables veillent au respect scrupuleux des consignes de prévention. « Nous avons installé des distributeurs de savon liquide, mis à la disposition des enfants des mouchoirs en papier et les lieux sont régulièrement passés à l'aseptisant », se défendent-ils. Afin d'avoir le cœur net quant à une quelconque circulation du virus, comme prévu par les mesures de protection contre la grippe A, une équipe des services sanitaires scolaires a examiné, un à un, les camarades de l'enfant dans un premier temps, puis l'ensemble des élèves de l'école Mohamed Allik ainsi que de ceux de l'école primaire mitoyenne, Mohamed Kaddour. « Pour l'instant, hormis quelques angines et rhumes, aucun autre cas suspect n'a été signalé », affirme la directrice, confortée dans ce sens par le directeur de l'établissement voisin. Qu'en est-il des malades dont faisaient état les parents d'élèves affolés ? « En fait, ce ne sont que des rumeurs. La maman de la petite malade a paniqué et elle a appelé toutes les autres mères en leur disant que le virus circulait ici. Mais c'est faux », insiste la directrice. Le centre de santé de proximité, en charge de l'enquête épidémiologique quant à l'école primaire Allik, confirme la présence d'un unique cas et explique qu'un garçon, scolarisé lui aussi en 5e année, présentait un syndrome grippal. « Mais les prélèvements suspects se sont avérés négatifs », certifient les responsables du dossier, blâmant « l'affolement injustifié » des gens et la « médiatisation de cas uniques ». « Nous avons eu à prendre en main des situations où les malades étaient plus nombreux. Seulement, personne ne le savait et nous avons mis en place le dispositif en toute quiétude et en toute efficacité, sans panique », rapportent-ils. Et en terme de panique, ce centre de consultation médicale en semble exempt tant la salle d'attente est vide et les couloirs silencieux. « Cela est normal, nous sommes à Hydra. Ici, les gens ne tombent pas malades. Et quand ils le sont, ils vont se faire ausculter par leurs médecins traitants privés », ironise, dans un clin d'œil, un médecin. Mais si les centres de santé sont vides à Hydra, ils sont bondés dans d'autres contrées d'Alger. A la polyclinique Sanouber d'El Harrach, les urgences n'ont pas désempli durant tout le week-end. En temps normal, les médecins ne reçoivent que près d'une cinquantaine de malades. Ruée sur les centres médicaux Ces derniers jours, ils sont plus d'une centaine quotidiennement. « Les salles et la cour étaient noires de monde. A la moindre quinte de toux, la moindre courbature, ils soupçonnent la grippe A et se présentent en consultation », raconte un agent médical. Tous sont munis d'une bavette. « Mais nous n'avons diagnostiqué des grippes que dans 60% des cas », tempèrent-ils. Combien de porteurs du virus de la grippe A ? « En fait, nous ne le savons pas. Nous recevons régulièrement des cas suspects. Nous alertons les services concernés, auxquels nous transmettons le dossier pour confirmation. Ils effectuent le suivi sans nous faire part des résultats. D'ailleurs, nous venons d'en détecter un. C'est le deuxième de la journée », déplorent-ils. Ce rush sur les centres médicaux, qui est un signe encourageant quant à la prise de conscience des citoyens et un atout certain pour le dépistage des porteurs, est perçu, au contraire, comme un calvaire par le personnel de « Sanouber », voire même un danger. « Les lieux sont exigus, et même lorsqu'on essaie d'éloigner les patients les uns des autres, les vrais malades côtoient les personnes saines et risquent de les infecter », s'alarment-ils. « Les gens ont peur, mais, paradoxalement, ils ne se protègent pas et ne prennent pas leurs précautions », accusent-ils, citant le cas d'une des malades suspectées de grippe A. « Elle a tout bonnement refusé de porter un masque », racontent-ils, s'inquiétant des répercussions de cette situation sur leur santé. « La polyclinique ne dispose pas des moyens suffisants afin de protéger le personnel. Nous n'avons eu droit qu'à quelques bavettes, qui ne sont même pas aux normes. Leur durée d'efficacité est de 8 heures. Mais nous les portons parfois plus d'une semaine », signalent-ils. Et ce manque de moyens n'est pas exclusif à ce centre. Les écoles primaires semblent pâtir de ces lacunes. Devant l'un des établissements primaires du quartier, des grappes d'enfants accompagnés de leurs mères attendent l'ouverture du portail. Les mamans, surveillant du coin de l'œil les bambins qui s'amusent, n'ont qu'un seul sujet de conversation : la grippe porcine. Elles le disent sans ambages : « Nous avons peur. Il n'y a pas de vaccin et dans l'école, ils n'ont mis en place aucun dispositif, pas de savon, pas d'eau, rien. Juste un cours pour leur apprendre à se laver les mains. Mais il n'y a pas d'eau ! », s'exclame l'une d'entre elles. Son amie continue : « Je vais même acheter des masques à mes enfants. Car même eux sont terrorisés, avec tout ce qu'ils entendent. » L'autre reprend : « Pourtant, le virus circule. Il y a eu des décès, ici même, dans le quartier. A la clinique de Belfort », assurent-elles. Le parking de la clinique de gynécologie-obstétrique Hassan Badi, sise à El Harrach, est d'ailleurs très calme. Seules quelques voitures sont stationnées, et dans la cour intérieure, quelques personnes, masque de protection sur le nez, discutent tranquillement, assis sur des bancs. « D'habitude, il y a près de 1800 consultations par jour, personnes admises comprises. Aujourd'hui, c'est le calme plat, avec seulement une dizaine de patientes », assure un membre du personnel. Et pour cause : la structure vient de rouvrir ses portes après une mise en quarantaine de quatre jours. Deux patientes enceintes hospitalisées ont succombé, la semaine dernière, au virus. « Elles étaient ici depuis près de 15 jours, pour des grossesses à risque avec fièvre. Lorsqu'elles ont été confirmées, elles ont été transportées à El Kettar. Malheureusement, c'était trop tard pour elles », confie un infirmier. Quid des personnes ayant eu un contact avec elles ? « Les autres malades ont été évacuées à Beni Messous, et ils sont sous étroite surveillance médicale. Les défuntes séjournaient au 4e étage, qui était vide. Le plus inquiétant est qu'une troisième femme enceinte est suspectée elle aussi d'avoir développé le virus. Elle était au 2e étage, où le nombre le plus important de patients étaient hospitalisés », s'inquiète-t-il. Quant au personnel médical, agents de sécurité et membres de l'administration, « ils ont tous été mis sous traitement de Tamiflu, et ce, pour une durée de dix jours ». Malgré cette précaution, ils attendent avec impatience « d'être vaccinés en priorité. Enfin, quand les stocks daigneront arriver », conclut un planton sous sa bavette.