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Le pouvoir au peuple, l'Armée à la nation, l'Algérie à tous les Algériens
Publié dans El Watan le 08 - 04 - 2014

L'indépendance du pays, en 1962, a engendré des dirigeants qui ont confondu nation, Etat, peuple, socialisme et capitalisme d'Etat, socialisme national et national-socialisme, droit du peuple à disposer de lui-même et droit de l'Etat à disposer de son peuple. Le système politique instauré, toujours en vigueur, conforté et consolidé par la légitimité historique et la rente des hydrocarbures, a confisqué la souveraineté populaire et la citoyenneté et dirigé le pays par les moyens de la dictature. On fait une révolution pour établir une dictature. Le problème de l'Algérie résulte de ses dirigeants, qui veulent rester à vie ou trop longtemps au pouvoir auquel ils ont accédé par des coups d'Etat, par les armes ou par les urnes.
1re question : Algérie 2014, état des lieux
L'armée, ses décideurs et en particulier le DRS ont pris la grave responsabilité, lourde de conséquences néfastes, en portant à la magistrature suprême, le 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika, et en le maintenant envers et contre tous en 2004, le 9 avril 2009, et peut-être le 17 avril 2014. Le bilan de ses trois mandats est catastrophique, compte tenu des ressources dont a disposé le pays : 600 milliards de dollars. Sa tendance à personnaliser et à centraliser à l'excès le pouvoir, à régner et gouverner à la fois, à accumuler titres et fonctions, à tout diriger, tout régenter, à faire du gouvernement à sa dévotion le pouvoir exécutant, du Parlement l'annexe de la Présidence, de la justice qui a abdiqué ses pouvoirs constitutionnels une simple autorité à son service, à nommer ses proches, des cadres de sa tribu, de son douar d'origine, aux postes de responsabilité de l'Etat, a réveillé les vieux démons du tribalisme et du régionalisme. Il a mis la main sur les principaux leviers du pouvoir sans être en mesure de les exercer. Malade, il ne peut pas faire mais fait faire, délègue ses pouvoirs à sa garde rapprochée, sa fratrie, sa tribu, son clan, l'état-major de l'armée. Son bilan est un échec dans tous les secteurs, notamment dans les domaines agricole et industriel, celui de l'éducation, de l'école primaire à l'université, de la santé… L'Algérie n'est pas un pays émergent, encore moins un pays développé.
Le mécanisme habituel de notre économie est le moteur à trois temps : inflation galopante, cancer de la société qui appauvrit les plus démunis, hausse des prix des produits de première nécessité au premier rang desquels figure l'alimentation, dévaluation du dinar, symbole de la monnaie qui reflète l'économie, dont le niveau est fixé par l'euro et le dollar.
Les richesses tirées du sous-sol ne sont pas réinvesties sur le sol. L'Algérie est coupée en deux, celle des riches toujours plus riches, celle des pauvres de plus en plus nombreux. Le chômage est un drame humain, doublé du désastre économique. Que sont devenus les disparus ? Des morts sans sépulture, des vivants sans existence. La revendication identitaire s'oriente vers la radicalité.
Le lobby de l'argent n'est pas disposé à partager les richesses du pays, particulièrement la rente pétrolière. L'ultralibéralisme sauvage, sans règles ni garde-fou, qui ouvre la voie au marché informel qui fait la loi, et la féodalité de l'argent vont doubler l'armée et prendre la place qu'elle occupe dans le système politique. La corruption qui a atteint la cote d'alerte, a un rôle politique car elle est l'instrument majeur pour garder le pouvoir. Sa puissance au sommet de l'Etat est telle qu'elle menace la cohésion nationale et la cohésion sociale, et que c'est le système politique tout entier qui porte le nom de kleptocratie.
La justice protège «les copains et les coquins» du pouvoir et leur assure l'impunité. Il faut s'indigner de l'impunité dont bénéficient les grands corrompus. Il existe des pratiques qui couvrent la fuite des capitaux vers l'étranger de manière à satisfaire les appétits des corrompus les plus voraces. Les Algériens, qui ne tarissent pas d'éloges sur l'homme providentiel, le visionnaire politique qui préside aux destinées du pays, scandent son nom, l'ovationnent, mettent en relief la profondeur de ses analyses, la justesse de ses décisions. Ils copient la Corée du Nord.
2e question : Le scrutin du 17 avril 2014, quel enjeu ?
Les Algériens, dans leur grande majorité, ne veulent pas du maintien de ce pouvoir aux commandes du pays. Ils ont le choix des mots qui expriment leur situation présente : aliénés, humiliés, méprisés, rejetés, écrasés, floués, marginalisés.
A la différence de l'Occident respectueux du tryptique — l'avoir, le savoir, le pouvoir — qui fait que la bourgeoisie possède et, pour cette raison, gouverne, en Algérie les dirigeants gouvernent et, pour cette raison, possèdent. Le système politique algérien, sans aspiration démocratique, a trois traits communs : la concentration du pouvoir, l'irrégularité de sa dévolution et l'anomalie de son exercice. Il ne signifie ni circulation du pouvoir et des richesses ni élections libres, mais seulement la reproduction de la caste fermée des dirigeants.
Bouteflika ne quittera pas le pouvoir par le jeu de la démocratie, par l'alternance, mais par le changement du rapport de force à l'intérieur des décideurs de l'armée. Il va se succéder à lui-même, sans le peuple, malgré lui et contre lui. Sa réélection est annoncée pour éliminer ceux qui lui font de l'ombre ou ne lui prêtent pas allégeance.
A chaque élection, le pouvoir ne cesse de dire et de répéter que le vote sera régulier dans la forme avec plusieurs candidats et dans le fond avec un scrutin transparent et honnête. Quel système politique qui ne cherche qu'à se reproduire, fondé sur la dictature, ferait des élections libres et s'engagerait à céder le pouvoir au cas où le suffrage universel ne serait pas en sa faveur ? La fraude électorale, vieille tradition coloniale, amplifiée depuis l'indépendance du pays, bien intégrée dans les mœurs politiques, est au rendez-vous de toutes les élections. Les Algériens ont en mémoire les fraudes massives et généralisées constatées lors de toutes les élections pour détourner la volonté populaire et normaliser la société.
Ne pas respecter les règles d'une élection propre, c'est courir le risque d'une grande désaffection populaire, d'une abstention record. Le scrutin du 17 avril, s'il a lieu, sera marqué de la grève du vote massivement suivie — moins de 15% du corps électoral — sanction et expression du désaveu du pouvoir. Tout pouvoir issu d'élections truquées, qui relèvent du hold-up électoral, qui est du gangstérisme politique, est illégitime, anticonstitutionnel.
Le vainqueur du scrutin du 17 avril 2014 sera l'électorat qui désertera les urnes. Le scrutin, quand il est libre, est une vitrine de la démocratie. Les Algériens ont le droit de mener campagne dans un cadre légal, pour ou contre la participation au vote. Les partis partisans du 4e mandat, qui fixent sur eux les feux de l'actualité, ne sont que le prolongement du pouvoir, les auxiliaires zélés de la dictature. Ceux qui participent à l'élection présidentielle, sachant que le peuple bouge, craque de partout, parce que toutes les possibilités de se faire entendre sont épuisées, jouent le rôle de simples figurants et serviront de caution, de faire-valoir, au candidat du système politique.
3e question : De la nécessité d'une phase de transition démocratique
Le temps de ce système politique est révolu, il doit quitter la scène politique, c'est la principale exigence du peuple algérien. C'est du peuple que vient le pouvoir, c'est dans le peuple que réside la souveraineté. Il faut reconquérir l'Etat, le démocratiser, le décentraliser. Au nom de la liberté, de la justice et de la dignité humaine, il faut mettre fin à ce système politique qui a confisqué la souveraineté nationale et la citoyenneté, et maintenu le statu quo qui mène à l'impasse.
La situation est grave. La transition démocratique est la solution pour préparer l'alternance, qui est le droit souverain du peuple à choisir ses représentants au niveau de toutes les institutions élues de l'Etat, par des élections libres et honnêtes ou, mieux, l'alternative au pouvoir qui nécessite la réalisation des convergences démocratiques autour d'un projet de transformation sociale et sociétale. Il est temps de s'adresser à la sagesse des Algériens, de leur demander de mettre en place une démocratie juridique qui consacrerait le droit et l'Etat de droit, préparerait la révision de la Constitution qui serait soumise à débat public et à référendum, et des élections propres pour élire les représentants du peuple à toutes les institutions de l'Etat.
Trois principes fondamentaux, trois vertus démocratiques doivent guider cette transition : ouverture aux jeunes générations capables de transformer la société par leur détermination, leur compétence, la somme de sincérité, d'idéalisme et de patriotisme qui les anime, mise en œuvre des droits de l'homme qui sont un espace de liberté, de justice et de dignité —très important pour le présent et l'avenir —, préservation de l'égalité avec l'homme qui est une des conditions de la liberté de la femme. Que les Algériennes et les Algériens se mobilisent pour mettre l'intelligence et la vision au service de la transition démocratique, afin, comme le disait Victor Hugo : «Mesurer au plus juste la proportion d'avenir qu'on peut mettre dans le présent.»
4e question : L'armée, appui ou obstacle à la transition démocratique. L'élection présidentielle du 15 avril 1999
Abdelaziz Bouteflika, qualifié d'homme des militaires, a été programmé pour la présidence de la République par les décideurs de l'armée, dès l'annonce par Liamine Zeroual, en septembre 1998, de sa décision d'écourter son mandat. Il y avait un candidat du système politique, Bouteflika, et six candidats qui ne sont pas l'opposition du pouvoir mais l'opposition au pouvoir. Boualem Benhamouda, secrétaire général du FLN, a déclaré ce qu'il a nié par la suite, que son patti soutiendrait, sur instruction des responsables militaires, la candidature de Bouteflika. Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre du président Liamine Zeroual, a fait un putsch pour récupérer le RND et le mettre au service de Bouteflika.
Le général-major Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense et membre du HCE, a qualifié Bouteflika de «canasson» et de «lâche» pour avoir refusé la présidence de l'Etat en janvier 1994. Il fera ensuite son mea-culpa et le soutiendra quand il apprendra qu'il est le candidat de l'armée. Mahfoud Nahnah, bien qu'humilié par la décision du Conseil constitutionnel qui a refusé sa candidature pour non-participation à la guerre de Libération nationale, s'est rangé derrière Bouteflika sur injonction des décideurs de l'armée. Le sondage effectué par le DRS le 11 avril1999 donnait Ahmed Taleb Ibrahimi en tête du premier tour et peut-être l'élimination de Bouteflika par Hocine Aït Ahmed ou Mouloud Hamrouche. Le 14 avril 1999, l'armée ferme le jeu politique en mettant fin à la récréation démocratique. Des instructions sont données pour que les résultats du scrutin élisent Bouteflika dès le premier tour.
Avec le retrait des six autres candidats de la compétition électorale pour début de fraude dans le sud du pays, Mouloud Hamrouche a déclaré que «le taux de participation a été de 20% à l'échelle nationale».
L'armée, partie prenante, dans le jeu politique, a joué un rôle de premier plan dans la vie politique du pays. Qui commande l'armée, courtisée par tous, gardienne du système politique, centre de décision, haut lieu où s'élabore la politique, détient le pouvoir réel, commande le pays. Elle a fait et défait les présidents et a porté à la magistrature suprême tous les présidents, morts ou vivants.
La démission forcée des présidents Bendjedid et Zeroual de manière brutale pose le problème du rôle politique de l'armée qui a fait des services de renseignements, le DRS, une police politique qui traque les Algériens et interfère de manière directe dans le trucage de toutes les élections, avec le concours de l'administration. Elle est l'assise du système politique. La politique du président Bouteflika, qui s'égare et égare le peuple, divise l'armée dont il faut préserver la force et la cohésion, exercice où il excelle pour se libérer des faiseurs de roi qui l'ont fait roi, afin de devenir roi par lui-même. Le problème sérieux et grave c'est que, à partir du moment où l'armée est partie prenante dans le jeu politique, sans que ses membres puissent contourner les règles de toute armée et qui font sa force, à savoir la discipline, le respect de la hiérarchie militaire, l'obéissance aux chefs, elle se trouve soumise à de graves tensions qui la déchirent.
Le devoir, l'honneur des militaires est de servir la nation : le pouvoir au peuple, le peuple au pouvoir, l'armée à la nation, l'Algérie à toutes les Algériennes et à tous les Algériens. Les énergies longtemps contenues au sein des officiers supérieurs de l'armée, doivent se libérer pour se mettre au service de la nation et apporter le concours de leurs compétences et de leurs expériences à la promotion de la transition démocratique.
5e question : L'insertion internationale de la crise actuelle
L'histoire et la géographie, pour l'essentiel les intérêts de l'Algérie et sa présence dans le monde, dictent la politique étrangère du pays faite de style, de volonté et de ténacité, d'où résulte l'efficacité. Le présidentialisme qui sévit à outrance empêche la diplomatie algérienne de jouer son vrai rôle. L'accélération de l'histoire, qui a frappé à la porte de l'Algérie, fait du départ du président un préalable, un impératif même.
La politique traditionnelle de l'Occident, de l'Amérique et de la France en particulier, est basée sur un soutien aux dictateurs d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Leur intérêt n'est pas humanitaire ou culturel mais stratégique, matériel et économique. L'hégémonie culturelle de la diplomatie occidentale renforce le jeu diplomatique des Etats-Unis et de la France. Cela implique une reprise en main très forte de la diplomatie algérienne. Quand se joue le destin du pays l'avenir n'est pas écrit.
Alger, le 6 avril 2014

PS : cet article est la suite de celui du général à la retraite Hocine Benhadid, paru dans El Watan du 2 avril 2014, et répond à cinq questions retenues d'un commun accord.


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