Des spécialistes ont mis en garde contre les conséquences tragiques qui pourraient découler d'une décision hâtive «notamment au niveau de la zone centrale des marais qui recèle des ressources uniques». Selon une étude réalisée par le bureau MATHE de Constantine, «seules les activités liées à la recherche scientifique y sont autorisées». Et d'ajouter : «La zone tampon qui entoure ou jouxte la zone centrale est utilisée pour des pratiques écologiquement viables, y compris l'éducation environnementale, les loisirs, l'écotourisme et la recherche appliquée et fondamentale. Elle est ouverte au public pour des visites guidées de découverte de la nature». La troisième zone, appelée zone de transition, entoure la zone tampon et protège les deux premières zones et sert de lieu à toutes les actions d'écodéveloppement de la zone concernée. «Les activités de récréation, de détente, de loisirs et de tourisme y sont autorisées». Localisés à 17 km de la ville de Mohammadia (43km de Mascara), s'étendant sur une superficie globale de 44 500 hectares et chevauchant sur trois wilayas (Mascara, Oran et Mostaganem), les marais de la Macta connaissent de sérieux problèmes, notamment l'augmentation de la pression démographique, l'envasement progressif des cours d'eau et autres activités économiques. Toute la richesse en biodiversité est menacée de destruction. «La zone humide et son environnement subissent une perte de la diversité biologique très grave due à trois contraintes : Deux d'origine naturelle (conditions édaphiques et le climat) et la troisième liée aux activités humaines concentrées dans le parcours et le défrichement», révèle le bureau d'études. La menace vient surtout des futurs projets d'infrastructures que prévoient d'entreprendre les pouvoirs publics sur la zone humide de la Macta, notamment une nouvelle liaison ferroviaire entre Mostaganem et Marsat El Hadjadj (Oran), sur une longueur de 27 km, et du port de la Macta. Ces deux projets dits de développement portent, sans doute, atteinte à l'intégralité de l'écosystème de la zone humide de Mascara qui se traduit par la destruction, pure et simple, de la faune et la flore. Le projet du port de la Macta prévu dans le schéma directeur de l'aire métropolitaine (SDAAM) d'Oran, selon l'auteur de l'étude, «aura un impact direct sur les valeurs écologiques les plus importantes qui se concentrent à l'embouchure de la Macta où les plans d'eau sont permanents et les zones de marais les plus importantes». Et d'ajouter : «le projet interrompra également l'interface entre la zone humide et la mer Méditerranée modifiant ainsi les aspects fonctionnels de l'écosystème existant. La perte de connectivité entre les écosystèmes marins et ceux de la zone humide sera aggravée, empêchant la montée de migrateurs comme l'anguille et provoquant des déséquilibres importants dans les communautés végétales». De son côté, le projet d'une nouvelle liaison ferroviaire entre Mostaganem et Marsat El Hadjadj contribuera grandement à la dégradation de l'écosystème de la zone humide. En sus des menaces qu'elle encourt, d'autres contraintes sont à l'origine de la dégradation des habitats de la zone humide de la Macta. Parmi elles, les rejets des eaux usées domestiques et industrielles qui coulent dans les oueds et qui sont véhiculées automatiquement vers la zone humide. Le cas de l'oued de Sig est considéré comme «la principale source de pollution». En plus, des spécialistes de l'environnement ont tiré la sonnette d'alarme sur la multiplication des décharges sauvages qui présentent de sérieuses menaces à la conservation de la Macta. Le rapport du bureau d'études révèle l'existence de nombreuses décharges illégales qui «constituent une pression directe sur la zone humide notamment pour la contamination des sols et de la nappe phréatique par les lixiviats». Muliples menaces Dans un autre document, nous pouvons lire, «la zone humide est exposée face à des menaces d'origine endogène (salinisation, érosions hydrique et éolienne) ou encore face à des perturbations exogènes le cas de pompage, pâturage et pollution». Et d'ajouter que «la Macta regroupe un total de 25 décharges dont 8 sauvages et 7 autorisées mais non classées. Ces sites reçoivent tous types de déchets sans tri ou traitement préalables». L'auteur de l'étude révèle, en outre, que «les valeurs écologiques des marais de la Macta sont menacées par une pression démographique grandissante et par l'occurrence de phénomènes météorologiques extrêmes, avec de longues périodes de sécheresse et des pointes de précipitations et des crues. Ainsi, l'apport important de sédiment dans la plaine de la Macta contribue à l'envasement progressif des drains et plan d'eau existant, avec une perte conséquente du volume et surface d'eau. Les rejets d'eaux usées, d'origines domestiques et industrielles, dans les principaux drains de la plaine de la Macta, certaines sans traitement préalables, contribuent à la dégradation de la qualité de l'eau du réseau hydrique et aquifères qui alimente la zone humide». L'ex-wali de Mascara, Ouled Salah Zitouni, par le biais d'un document adressé aux walis d'Oran et de Mostaganem, a souligné «qu'au vu de son implantation géographique et l'importance de la richesse écologique qu'elle renferme en faune et en flore, la prise en charge de la zone humide de la Macta appelle une contribution solidaire des services techniques des trois wilayas (Mascara, Oran et Mostaganem) concernées par son étendue géographique pour sa protection de toute agression et sa préservation en permanence». À cet effet, un budget de 10 millions de dinars environ a été dégagé par la wilaya de Mascara pour la réalisation d'une étude, programmée en 2013, relative à l'aménagement de cette zone qui a été confiée au bureau d'études MATHE Constantine qui vient d'achever la quatrième dont le rapport est en discussion. «Le projet d'étude d'aménagement de la zone humide de la Macta a pour objectif l'aménagement et la mise en valeur du site pour la conservation de la zone humide dans le cadre du développement durable», lit-on. En outre, le rédacteur de l'étude a tenu à souligner qu'«en absence d'action dirigée, il sera, de plus en plus, difficile de récupérer les espaces naturels dégradés. Face à la tendance évolutive actuelle, la dégradation de la zone humide de la Macta pourra être bientôt irréversible». Pollution À titre de rappel, le 16 octobre 1983, sept scientifiques belges, français, hollandais ont alerté le wali d'Oran sur «les sérieux problèmes» que connait la Macta. Ils lui ont demandé «d'interdire toutes circulation du public et des animaux domestiques dans la forêt des dunes de la Macta, d'interdire les décharges d'immondices dans les milieux de grand intérêt biologique et de remplacer la lutte chimique contre les moustiques par une lutte biologique en introduisant un poisson tel que le gambusie capable de s'attaquer au larves des moustiques». Signalons que la plus grande partie des marais de la Macta se trouve sur le territoire de Mascara, avec 42 139 hectares, soit 94,70% de la superficie de la zone humide qui est répartie sur sept communes de la wilaya ; à savoir, Alaïmia, Bouhenni, Macta Douz, Mohammadia, Sig, Ras Aïn Amirouche et Sidi Abdelmoumène. Le reste de la superficie est partagé entre la wilaya d'Oran (Marsat El Hadjadj et Bethioua) avec 1436 hectares, soit 3,22%, et la wilaya de Mostaganem (Fornaka) avec 925 hectares, soit 2,08%. «Les marais de la Macta représentent un type de zone humide rare en Afrique du Nord en raison de la diversité des milieux qu'ils renferment et notamment les sansouires qui rappellent les milieux de la Camargue en France. Ce site est unique en Algérie de par la présence d'une diversité de groupements de salsolacées annuels qu'il renferme et qui forment rarement de telles associations dans d'autres régions», lit-on dans un document de la direction générale des Forêts. Et d'ajouter : «Les marais de la Macta abritent une grande diversité biologique, on y retrouve une grande variété d'espèces végétales halophiles, de nombreux invertébrés ainsi que des poissons. Des ornithologues étrangers ont recensé pas moins de 47 espèces d'oiseaux d'eau dont 17 limicoles, 11 espèces marines et 16 espèces de rapaces ainsi que de nombreuses espèces terrestres y compris celles qui sont rares telles que l'outarde canepetière et la sarcelle marbrée. La présence d'une végétation importante permet la nidification de nombreuses espèces tels que la poule sultane, le butor étoilé et le héron pourpré. La nidification de certaines espèces a été confirmée par le passé comme la sarcelle marbrée et le tadorne casarca. L'outarde canepetière y était présente toute l'année ainsi que le flamant rose. Les poissons de cette région sont représentés par l'anguille qui pénètre dans cette zone en raison de l'embouchure de l'oued qui débouche dans la mer Méditerranée, ainsi que la carpe, le barbeau et la gambuse. De nombreux amphibiens et reptiles y sont également présents. La zone humide de la Macta est réputée, selon un document officiel, «pour l'avifaune (représenté par 33 espèces réparties sur 9 familles) qu'elle émigre, particulièrement durant la période hivernale, un refuge parfait pour la nidification de nombreux sédentaires». Ainsi, elle regroupe une végétation diversifiée assez homogène et couvre un taux élevé de la superficie totale. «Les espèces faunistiques y trouvent un lieu de reproduction et de repos».