Qu'il s'agisse de taxes prélevées sur la consommation des biens et services comme la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou encore d'impôts directs prélevés à la source comme l'Impôt sur le revenu global (IRG) des salariés ou de l'Impôt sur les bénéfices (IB) des sociétés principalement recensés à partir d'obligations déclaratives, il n'est pas certain que chaque contribuable direct ou indirect comprenne son implication personnelle dans la collecte des ressources de l'Etat. Pourtant, l'enjeu des politiques fiscales réside bien dans une bonne gouvernance fiscale pour une assise pérenne des ressources publiques, d'autant que le comportement à l'égard de l'impôt est très souvent lié à la perception que les contribuables ont des effets en retour, en termes de services ou d'investissements publics. Le récent ouvrage de M. Mustapha Bensahli(1) publié aux éditons ENAG sous le titre La gouvernance fiscale et ses sept règles capitales est un excellent développement sur le sujet. Il est difficile de s'abstenir de faire l'éloge du riche contenu de cette publication, tant le développement des différents thèmes reflète le dense parcours professionnel de cet ancien haut cadre du ministère des Finances. La gouvernance fiscale suppose la transparence dans la manière dont les règles fiscales sont décidées et appliquées. Ce processus a évidemment une influence constante sur le système fiscal et c'est pour démystifier le sujet que l'auteur traite dans son ouvrage des sept règles capitales de la gouvernance fiscale. Pour chacune des règles, l'auteur situe l'aspect conceptuel, le mode opératoire notionnel, l'expérience internationale, l'expérience algérienne et les perspectives d'amélioration.La variation thématique autour des sept règles capitales de la gouvernance fiscale nous fait découvrir, une à une, la Concertation, la Visibilité, la Lisibilité, la Stabilité, la Sécurité juridique, la Performance et la Communication. – La règle de concertation suppose une démocratie représentative et participative pour légitimer le fondement de l'impôt. Sur ce point, l'auteur n'hésite pas à traiter du parcours historique de la démocratie représentative et de la démocratie participative et de leur rapport respectif avec la règle de la concertation. La gouvernance fiscale s'avère fragile dans de nombreux pays en amont de la décision, au niveau de la concertation avec la société civile et au cours de la discussion parlementaire. L'Algérie n'est pas en reste et l'ouvrage de M. Bensahli signale, à juste titre, que «sans une large concertation préalable, la décision prise d'autorité est par essence contreproductive dès lors qu'elle rend par la suite propice la contestation au niveau notamment de son application, ce qui tend à affecter dans une certaine mesure le principe de consentement de l'impôt et à contribuer ainsi à brouiller la cohérence de la législation fiscale, en ne manquant pas de susciter chaque fois un contentieux lourd et inutile.»La récente désignation des membres du Conseil national de la fiscalité (CNF) devrait contribuer à améliorer cette concertation puisque ce groupe pluridisciplinaire a pour mission d'évaluer le régime fiscal sur la base du développement économique national, de proposer des mesures fiscales permettant d'accompagner et de soutenir le développement économique, et d'émettre des avis sur toutes les questions d'ordre fiscal qui lui sont soumises. – La règle de visibilité permet d'avoir sur l'évolution de la fiscalité une vision à court, moyen et long termes, tout en ne perdant pas de vue les interférences avec les éléments du contexte environnemental. Les différents cas d'imprévisibilité rapportés sur l'expérience algérienne dans l'ouvrage sont éloquents et justifient les nécessaires mesures d'amélioration de la visibilité qui suppose des moyens d'analyse performants pour engager des études d'impact tant rétrospectives que prospectives. Le Conseil national de la fiscalité est également attendu quant au rôle à jouer sur ce plan de la visibilité. – La règle de lisibilité suppose que tout le dispositif législatif et réglementaire ayant un lien avec la fiscalité soit facilement traçable de manière à faciliter l'accessibilité à la fiscalité pour rendre aisées sa compréhension et son application. L'auteur rappelle qu'elle a pour corollaire la transparence. On y ajoutera la clarté du contenu des textes. Sans équivoque, le cas algérien est rapporté avec une qualification sans tabou de la multitude de textes et de dispositions qui se superposent et qui ne peuvent être décryptés que par des experts. Il y a donc beaucoup à faire pour une lecture directe de la loi. – La règle de sécurité juridique qui inspire nécessairement la confiance pour l'avenir vise à assurer la confiance dans les rapports entre l'administration fiscale et les contribuables pour une application correcte de l'impôt. En nous rappelant ce principe, l'auteur n'hésite pas à désigner cette règle comme règle de sécurité fiscale dont le degré́ de fiabilité́ permet de porter un jugement sur la fiscalité́ pour considérer sa légitimité́ ou, au contraire, son caractère entaché d'irrégularités ou d'injustice. Sans ambages, l'auteur rappelle l'insécurité résultant de l'absence de sélectivité des entreprises à contrôler et celle résultant de la confusion des irrégularités réputées de bonne foi et celles de mauvaise foi. A décharge pour rappeler la sécurité juridique en matière de contrôle fiscal, il faut toutefois relever l'existence d'un Code des Procédures Fiscales bien structuré ou encore le récent réaménagement du rejet de comptabilité ; c'est dire que l'administration fiscale algérienne revoit régulièrement sa copie pour améliorer cette sécurité juridique. – La règle de stabilité est dans le prolongement de la règle de sécurité juridique. Elle constitue une garantie aux contribuables de ne pas subir de changements brusques, imprévisibles et susceptibles d'affecter leurs projets, ce qui suppose une application dans la durée. En tant que principe de précaution, elle constitue par définition une garantie dans les actions d'investissement à entreprendre. Elle n'est cependant pas facile à appliquer, car les mesures de lois de finances, surtout lorsqu'elles inscrivent des mesures correctrices ne sont pas toujours portées par des orientations stratégiques. – La règle de performance est présentée comme un levier dynamique en termes d'efficacité, car son application à la gouvernance réside dans l'amélioration de la qualité du service rendu aux contribuables, l'adaptation les modes de communication et la simplification de la fiscalité ainsi que, comme le rappelle l'auteur, dans l'observation de certains principes fondateurs, comme notamment l'équité et même l'éthique. Le succès opérationnel de la Direction des Grandes Entreprises est un parfait exemple de l'application de la performance. Il est également rappelé que l'ère du numérique bouleverse fondamentalement l'approche de la performance. Autant en tenir compte, y compris dans la dernière règle qui est celle de la communication. – Exploitée pour rendre crédibles les fonctions de la fiscalité, la communication a pour premier rôle d'informer les contribuables sur ce qu'ils doivent savoir sur les conditions d'application de l'impôt en général, de leurs obligations déclaratives et de paiement. Il ne s'agit, ici, que de la communication opérationnelle qui connaît des progrès non négligeables en Algérie si l'on se réfère au contenu du site Internet de la Direction Générale des Impôts qui est un vivier abondant en communication alliant la visibilité et la lisibilité. Riche en recommandations axées sur chacune des règles capitales pour la gouvernance fiscale, ce dernier ouvrage de M. Bensahli est un précieux guide pour toutes les parties prenantes à la gouvernance en matière fiscale, y compris ceux qui la réclament. Au risque d'avoir versé dans une présentation publicitaire, cette restitution, en guise de résumé, devrait inciter à lire en détail les éléments de gouvernance fiscale.