La crise éclatée entre Alger et le Caire suite au match de qualification à la Coupe du monde semble être la partie émergée d'un glacier qui se serait installé dans les relations bilatérales bien avant que les deux équipes de football ne s'opposent sur le terrain de jeu. Le match entre les officiels algériens et égyptiens semble avoir commencé bien avant celui des footballeurs et la guerre médiatique éclatée des suites des joutes footballistiques n'a fait que déplacer la crise du terrain politique vers celui du sport. Quelle mouche a donc piqué ces politiques égyptiens à profiter d'une telle occasion pour jeter leur fiel sur l'Algérie ? En quoi l'Algérie a-t-elle « gêné » l'entêtement des pharaons à vouloir coûte que coûte être la seule voix du monde arabe ? Si le Caire semble touché dans sa fierté après avoir perdu un match de foot, il faut sans doute déduire que l'Egypte n'a jamais été aussi vulnérable face à ses voisins arabes sur lesquels sa traditionnelle influence semble ne plus porter. Le pays des pharaons est en perte de vitesse depuis quelques années déjà et plus fortement encore depuis la dernière offensive israélienne sur Ghaza, début janvier 2009. On serait tenté de se demander pourquoi cibler l'Algérie dans cette quête égyptienne de redorer son blason terni par un « à-plat-ventrisme » béat face à Israël. Nous trouvons quelques éléments de réponse dans les positions antérieures algériennes vis-à-vis d'un hégémonisme cairote sur la Ligue arabe et le fait de se présenter comme l'interlocuteur incontournable des Occidentaux pour parler à ce monde arabe qui ne croit plus à une chimérique « qaoumia arabya). La fameuse phrase de Abdelaziz Belkhadem en 2005 disant refuser « que la Ligue arabe devienne une annexe du ministère des Affaires étrangères égyptien » et que beaucoup de pays arabes le pensent aussi, n'est pas tombé dans l'oreille d'un Moubarak sourd. La franche adhésion de l'Algérie au sommet de Doha lors de la guerre de Ghaza, initié par un Etat qatari insatisfait du rôle joué par le Caire, a aussi fait tanguer la balance de la prétention égyptienne. Les hésitations algériennes à accepter l'Egypte comme vice-présidente de l'Union pour la Méditerranée n'a pas été non plus du goût du palais d'Héliopolis. Ces positions algériennes ont été assorties d'un ressentiment exprimé par la rue arabe face aux positions peu glorieuses de l'Egypte. Un ressentiment qui n'a fait que confirmer le décès d'une Ligue arabe aphasique et impotente sous la présidence égyptienne. La tempête soulevée par Le Caire contre l'Algérie n'a d'ailleurs pas attiré la sympathie des Etats arabes. Le Caire ne parle plus au nom des Arabes et le grand écart entre le Machrek et le Maghreb semble ne pas lui réussir. La réalité arabe, aujourd'hui, nous renvoie à la situation d'avant 1948 où le Hidjaz, le Cham et le Maghreb étaient des entités distinctes aux approches identitaires différentes. La « qaoumiya arabya » née sous Nasser est aujourd'hui un vain mot distillé dans des discours qui n'ont plus de résonance. Aujourd'hui, l'Egypte prêche son invective dans le désert nubien contre l'Algérie, loin de tout soutien arabe car nul ne se retrouve dans son dessein du jour. L'Egypte semble aujourd'hui plus proche d'Israël et s'offre pour rôle d'être son porte-voix auprès des Etats arabes.