Le Caire (Egypte) De notre correspondante Le «Boucher» a encore frappé. Hier, lundi 28 avril, le juge Youssef (surnommé ainsi par ses détracteurs) a condamné à mort 689 Egyptiens. Parmi eux, le guide suprême des Frères musulmans Mohamed Badie. C'est le même juge qui, le 24 mars dernier, avait requis la peine capitale pour 529 accusés. Mais comme le présageaient de nombreux spécialistes, la décision a été infirmée : 492 des 529 condamnés écoperont donc de la prison à vie.Hier, sur les 683 condamnés à mort, seuls 50 sont en détention, la majorité est jugée par contumace. La justice leur reproche d'être impliqués dans les violences qui ont éclaté dans la province d'Al Minya, le 14 août 2013. Ce jour-là, en représailles de l'évacuation sanglante des partisans de Mohamed Morsi au Caire, cette région de Haute-Egypte avait été le théâtre d'affrontements meurtriers entre les Frères musulmans et les forces de l'ordre. Les avocats de la défense dénoncent une nouvelle «farce». Si le juge Youssef était connu pour ses peines disproportionnées, personne n'imaginait que le procès prendrait une telle tournure. «C'est la première fois que j'assiste à un procès comme celui-ci, s'indigne l'avocat Ahmed Shabib. Nous n'avons même pas eu le temps de défendre nos clients.» En l'espace d'un mois, un seul juge a appelé à la condamnation à mort de plus de 1000 prisonniers. Certes, la majorité des peines ne sera pas appliquée au vu des failles juridiques que comportent les procès. Mais le cauchemar continue pour des centaines de familles. Par ailleurs, comment expliquer qu'un juge persiste à réclamer la peine capitale ? Sa mégalomanie ? Sa volonté de frapper encore plus fort que l'actuel pouvoir ? La seule certitude : la décision du «qadi» a été applaudie dans les médias égyptiens et bénéficie d'un large soutien au sein de l'opinion publique. La veille du second procès, une pétition réclamant l'arrêt des condamnations à mort avait pourtant circulé sur les réseaux sociaux. Son titre : «Je suis contre la peine de mort». Il est nécessaire «de faire prendre conscience que nous partageons tous la responsabilité morale de maintenir la peine de mort, écrit la chercheure Reem Saad dans les colonnes du quotidien Al Chorouk. Cela est d'autant plus vrai dans un pays et une période où les citoyens n'ont pas les garanties juridiques minimales, et où la torture est utilisée pour pousser aux aveux. Il est étrange que la majorité des citoyens qui vivent quotidiennement l'injustice (…) applaudissent la peine de mort». Ces procès s'inscrivent dans un contexte de répression des Frères musulmans. Au lendemain du renversement de Mohamed Morsi, le 3 juillet 2013, le gouvernement a classé la confrérie «organisation terroriste», gelé ses avoirs et arrêté ses cadres. Il lui impute également la série d'attentats ciblés contre les forces de l'ordre. Les activistes libéraux, eux, sont accusés d'espionnage et de nuire à l'image du pays. Le Mouvement du 6 Avril interdit Selon le quotidien gouvernemental Al Ahram, une cour de justice a appelé à la suspension des activités du Mouvement 6 avril. En décembre 2013, ses trois fondateurs, figures de proue de la révolution de 2011, parmi lesquels Ahmed Maher, ont été tous condamnés à trois ans de prison.