L'année 2018 fut une année pleine de surprises pour les étudiants algériens. Des surprises bonnes pour certains et mauvaises pour d'autres. Certains ont bâti des rêves, comme le lancement d'un projet professionnel, ou continuer leur cursus universitaire. Cependant, la majorité n'a plus qu'une idée qui hante son esprit : Quitter le pays, s'installer à l'étranger et faire sa vie sous d'autres cieux. C'est le cas de Mouni, Selma, Sonia, Lydia, Abderrezak, Thanina, Kahina, tou(te)s des étudiant(e)s avec lesquel(le)s nous nous sommes entretenus pour savoir ce qui les a le plus marqué(e)s durant l'année 2018 et à quoi s'attendent-ils(elles) pour cette nouvelle année 2019. Mouni, étudiante en 3e année en langue tamazight, à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, nous dit qu'elle a été profondément touchée par le phénomène des harraga. «Nos jeunes font la traversée de la Méditerranée afin de rejoindre l'autre côté du large, mais finissent par trouver la mort dans d'atroces situations», se désole Mouni. Mais le plus choquant pour elle fut la «tragédie de Ayyach», qui a secoué tout le pays et a montré «l'incapacité des autorités à secourir un citoyen en détresse». Kahina, étudiante en 1re année master sociologie urbaine, à Bouzaréah, répond également que l'année 2018 l'a marquée davantage par le phénomène des harraga qui, selon elle, est devenu une sorte de suicide. «Les Algériens sont prêts à traverser les mers et à mettre leur vie et celles de leurs familles en péril, juste pour ne pas rester un moment de plus en Algérie !», répond la jeune interlocutrice, et continue «à la vie à la mort plutôt que de vivre en Algérie, c'est un scandale !» Quant à Thanina et Abderrezak, tous deux respectivement étudiante en 4e année d'anglais à l'ENS de Bouzaréah et étudiant en gestion des ressources humaines dans une écoles privée de Sonatrach, ils se disent «démoralisés» par l'augmentation récente des frais d'inscription aux universités françaises, eux qui avaient bâti de grands espoirs sur la possibilité de poursuivre leurs études en France. «J'avais tout un projet pour cette année : passer le test du TCF, le réussir et déguerpir de ce pays, mais mes rêves se sont effondrés lors de l'annonce de cette nouvelle», nous affirme Thanina, toute chagrinée. «J'ai fait mes études dans cette école qui coûte extrêmement cher, uniquement pour être acceptée dans un établissement prestigieux en France. Maintenant, je me retrouve incapable de payer les frais d'inscription, alors tous mes plans pour l'avenir sont tombés à l'eau et je regrette de ne pas avoir quitté le pays bien avant», nous affirme, pour sa part, Abderrezak. L'autre sujet assez évoqué par beaucoup d'étudiants concerne les défections enregistrées sur la plateforme numérique du ministère durant les inscriptions en master. Ce fut «un véritable fiasco», nous dit Lydia. Pour elle, les inscriptions de 2018 étaient «un véritable cauchemar» et le système Progres a découragé bon nombre d'étudiants, à cause des recours et des procédures administratives. Les mouvements de débrayage enregistrés l'année dernière au niveau de certains campus, à l'exemple de la faculté de médecine ou des ENS, n'ont pas manqué, non plus, de plonger l'université dans un climat délétère. Selma et Thanina, deux deux étudiantes à l'ENS de Bouzaréah, disent avoir regretté la grève qui avait duré plus de cinq mois. «Nous étions les seules à payer le prix des défaillances du système d'enseignement algérien», déplorent-elles. Les étudiants interrogés sur leurs attentes et leurs espoirs pour le nouvel an 2019 ont différemment répondu à la question, mais ils ont tous insisté sur la nécessité d'améliorer les conditions de vie des étudiants, en particulier, et des Algériens en général. «J'espère que durant cette nouvelle année, les diplômés trouveront du travail, que le pays amorce son développement et que ses jeunes n'auront plus à prendre le large à la recherche de meilleures opportunités», répond Selma. Pour sa part, Thanina voudrait pouvoir obtenir, en 2019, son visa d'études en France et réussir son projet professionnel en Europe. «Je suis convaincue que si je reste en Algérie mon avenir sera compromis». En revanche, Yanis, un jeune étudiant à l'USTHB, affirme ne pas être tenté par le désir de quitter le pays, mais espère que le problème du chômage diminuera un tant soit peu et que la situation économique se redresse pour que les jeunes aient plus d'opportunités de trouver un emploi. «Le gouvernement devrait, par exemple, reconsidérer le projet du groupe Cevital, car ce dernier est à même de réduire le chômage des jeunes. Mais vu le refus dont il a fait l'objet, je crains que la situation n'empire». Il faut dire que l'idée de poursuivre ses études à l'étranger semble devenir le seul projet des étudiants algériens. Il n'en demeure pas moins que si la situation du pays change «dans le bon sens», comme on nous le dit, beaucoup d'entre eux n'hésiteraient pas à «tenter leur chance» dans leur propre pays, pour peu que la prochaine échéance électorale «ne fasse pas tout gâcher». Naïm Hellal, étudiant et président de l'Association scientifique des étudiants en pharmacie d'Alger (Asepa), dit «redouter la prochaine élection présidentielle et les perturbations qu'elle pourra provoquer dans le pays». Pour lui, la stabilité sociale est une condition primordiale afin de pouvoir entreprendre quoi que ce soit. «J'ai réalisé avec les membre de l'association un grand projet sur l'antibio-résistance. Cette année, j'ai l'intention de lancer ma start-up, faire des stages dans des multinationales, réussir ma mission en tant que président de l'Asepa et donner un petit plus à ma famille», conclut notre interlocuteur.