Un jeune père Algérien a plaidé coupable mardi dernier devant un tribunal d'Edmonton pour homicide involontaire après la mort de l'une de ses jumelles de 27 mois. Il a aussi plaidé coupable pour négligence et « omission de fournir les moyens nécessaires à l'existence » pour l'autre jumelle. Le procès de sa femme qui est accusée au même titre que lui devait avoir lieu ces jours-ci mais a été reporté pour plus tard en raison de ce plaidoyer de culpabilité qui change la donne de l'affaire. Ingénieur mécanicien en Algérie, l'homme de 36 ans risque une peine pouvant aller jusqu'à huit ans de prison en plaidant coupable. Des sources proches de l'homme, qui ne peut être identifié sur ordre de la justice pour protéger ses autres enfants, affirment que s'il avait plaidé l'innocence, il aurait risqué jusqu'à 15 ans. Ce plaidoyer de culpabilité a surpris plus d'un dans la petite communauté algérienne de l'Alberta dans l'ouest canadien. Lors d'une visite que lui a rendue El Watan dans la prison d'Edmonton en 2013, l'immigrant algérien en voulait un peu à ses avocats qui cherchaient plus à trouver des ententes avec les procureurs que de prouver son innocence. Pour les observateurs, un plaidoyer de culpabilité ferait économiser au gouvernement et au système judiciaire un procès couteux d'un côté. Et Il éviterait une issue incertaine pour l'accusé, de l'autre. L'homme connaitra sa peine dans les prochaines semaines. Bébé M L'immigrant originaire de la ville de Annaba dans l'est algérien est arrivé au Canada en 2008 avec sa femme enceinte de leur premier garçon. En 2010, naissent les deux jumelles. Par une soirée de mai 2012, les services d'urgence se dépêchent au domicile du couple après avoir reçu un appel du père qui travaille de nuit dans un atelier. « L'une des jumelles présentait plusieurs blessures et l'autre s'était retrouvée en arrêt cardiaque, selon la police d'Edmonton. Les secours avaient réussi à réanimer cette dernière, qui semblait avoir subi un sévère coup à la tête », rapportaient les médias à l'époque. Elle a été branchée à un respirateur artificiel dès son arrivée à l'hôpital. L'identité de la petite fille ne pouvait être dévoilée. Les médias la désignent par bébé M. Les médecins ont été intrigués par le poids des deux jumelles et ont émis la thèse qu'elles auraient été victime de malnutrition. L'une pesait 5,9 kg et l'autre 7,2 kg. Des enfants de leur âge, 27 mois, pèsent habituellement près de 11,8 à 12,2 kg. Lors de l'audience de mardi dernier, le procureur a rappelé que les petites filles n'ont pas été vues par un médecin pendant 13 mois. Lisant l'acte d'accusation devant le père en pleurs, il a rappelé que bien que la maison familiale était bien entretenue, la chambre des petites l'était moins. Les policiers avaient remarqué le manque de jouets pour les fillettes et avaient de la difficulté à s'expliquer la malnutrition de ces dernières quand le frigo familial ne manquait de rien. Au moment de l'arrivée des policiers au domicile du couple, le frère de trois ans et demi se portait bien. Il sautait même sur le sofa quand ses sœurs étaient pâles et ne pouvaient pas se mouvoir. Ces détails ont desservi le couple dans l'opinion publique albertaine. Les réactions sur les médias sociaux ont été sans appel et les préjugés sont remontés à la surface – la place des filles chez les musulmans. Quelques jours après l'intervention des services d'urgence, les parents ont été arrêtés et accusés de « de voies de fait graves, de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles et de manquement au devoir de fournir les choses nécessaires à l'existence ». Sous la pression de l'opinion publique, la justice leur a refusé la liberté conditionnelle. Le débranchement de bébé M qui était en état de « mort cérébrale virtuelle » a été préconisé par les médecins. Les parents s'y sont opposés arguant qu'en tant que musulmans et par amour à leur fille, ils ne pouvaient pas accepter. Une bataille juridique s'en est suivie mais les parents ont été déboutés. « Même si les parents de M pensent que leur décision est motivée par des croyances religieuses et l'amour de M, je demeure avec la crainte que leur décision soit peut-être en fait motivée par un intérêt personnel [si la fillette meurt, ils risquaient une accusation pour meurtre, NDLR]», avait statué une juge de l'Alberta. Un détail dans son jugement est toutefois passé inaperçu. La juge ne reconnaissait pas, implicitement, la foi musulmane de bébé M qui « est trop jeune pour avoir fait elle-même ses propres engagements religieux ». Finalement, bébé M a été débranchée en septembre 2012 et elle est morte dans les heures qui ont suivi. Ses parents ont été autorisés à lui rendre une dernière visite avant. Toutefois, ils ne devaient pas être ensemble ni laissés seuls avec leur fille. Ils ont pu assister menottés à son enterrement au cimetière musulman d'Edmonton. Après le décès de bébé M, une nouvelle accusation pour homicide a été portée contre les deux parents. L'ambassade d'Algérie à Ottawa suivi de près cette affaire. Elle avait dépêché à Edmonton un diplomate pour leur fournir une aide consulaire. Les autres enfants du couple La sœur jumelle de bébé M ainsi que son grand frère ont été confiés par les services de protection de l'enfance à une famille d'accueil. Plus tard et après et après une rude démarche, ils ont été adoptés par une famille marocaine d'Edmonton. Selon des sources proches du couple, aucune famille algérienne ne s'est proposée pour accueillir les deux enfants. Ces derniers ont reçu la visite de l'ambassadeur algérien ainsi que sa femme. L'autre bataille des deux parents serait de récupérer les enfants à leur sortie de prison. Mais ce sera très difficile et ils pourraient même ne plus être autorisés à les revoir avant l'âge de 18 ans. Il leur faudra alors toute une vie pour rebâtir les liens brisés avec leurs enfants.