L'inceste. Voici un sujet encore tabou qu'on n'aborde que superficiellement en société. Pourtant, elles sont nombreuses les affaires d'inceste à être jugées à travers toutes les wilayas du pays. Et quand, dans les places publiques, on évoque le phénomène, le commun des Algériens lâche: «Allah yahfad!» (Que Dieu nous en préserve!) ou «Allah yastour laâqayab» (Que Dieu nous en épargne!). Les temps ont changé. Heureusement, dirait l'autre. Aujourd'hui, on rompt le silence. On ose en parler. On va même porter plainte contre ses bourreaux, proches. Et le drame c'est que ce sont, souvent, des enfants et des filles à peine sorties de l'adolescence qui en sont victimes. Celles-là trainent en silence ce lourd boulet durant de longues années jusqu'à atteindre une certaine maturité qui leur permet de soulever le couvercle de sur la jarre. Les faits racontés ici par des personnes qui ont vécu les moments difficiles de l'inceste sont poignants et donnent à réfléchir… Amina, abusée par son père pendant plus de 7 ans Oser enfin crier tout haut la vérité. Voila la délivrance pour Amina –ce n'est pas son vrai prénom- qui a subi pendant près de sept années le supplice que lui infligeait son père. Le jour du procès de ce dernier, la jeune femme qu'elle était devenue lui lance en pleine audience: «Tu as abusé de moi pendant près de sept années, toi qui étais censé me protéger. Tu as ravi mon innocence. Chaque fois que je t'entendais dire que tu allais prendre ton bain ou ta douche, je commençais à trembler de tout mon être.» Le regard dur, elle fixe ce père dans le box des accusés en ajoutant: «Tu m'appelais et m'enfermais avec toi dans la salle de bain et là commençait mon supplice. Un cauchemar que je ne peux oublier. Je savais que ce que tu me faisais faire était mal, mais la peur me laissait muette.» Du box, le père lance à l'assistance que toute cette histoire est montée de toutes pièces par la mère de la fille pour se venger de lui. Ces mots irrite la victime qui, se tournant vers lui, dit: «Tu veux peut-être que j'étale ici toute la vérité, que j'en donne les détails. Tu veux peut-être tu que je parle des caresses et attouchements qui te faisaient jouir.» La jeune fille baisse la tête, une seconde, essuie une larme de ses yeux et lâche: «J'ai pris la décision de dénoncer mon père quand j'ai compris que le pire pouvait arriver. J'aurais pu enfanter de cet ogre!» «Au tout début, ajoute-t-elle, ma mère, à qui je m'étais confiée, ne voulait pas me croire. Ce n'est que bien plus tard qu'elle a compris que je disais la vérité…» Le père incestueux a été condamné à l'issue de l'audience à la peine de huit ans de réclusion, alors que le représentant du ministère public en requérait vingt. Depuis, il y a eu du changement. L'affaire est repassée la semaine dernière en appel et le père a été… acquitté. Samira tombe dans les griffes de son… demi-frère Samira, appelons-là ainsi, se voit brutaliser sexuellement par son demi-frère. Ce dernier l'a enfermée chez lui pour qu'elle n'ait aucune chance de s'extirper à lui. Lui, devant le juge, la pointe du doigt. «Si je l'ai enfermée c'est parce qu'elle avait fait descendre la honte sur notre famille avec ses mauvaises fréquentations», dit-il. Cela ne l'a pas empêché d'abuser d'elle. Hors de lui le jour de son procès et après que le tribunal criminel l'a condamné à une peine de cinq ans de réclusion, le demi-frère se lève, fixe les femmes de l'assistance de son regard froid et lance: «je vous règlerai toute votre compte!» Houria vit le calvaire avec son… frère cadet Houria (ce n'est évidemment pas son vrai prénom) est plus âgée que son frère de trois années. Cela n'empêchera pas ce dernier de commettre la plus grande infamie. En effet, seul ce jour-là avec elle, une dispute éclate entre le frère et la sœur à propos d'un portable. La sœur refuse de lui prêter son téléphone. Hors de lui et pour se venger de cet affront le «mâle» qu'il est, abuse de force de sa sœur. Jugé, il a été condamné à la peine de sept ans de réclusion. Le mensonge d'Imène risque d'envoyer le père en prison Selon les spécialistes, les accusations d'inceste peuvent parfois n'être que des fabulations, surtout de la part d'enfants. C'est le cas d'Imène, 14 ans, qui avait accusé son père d'inceste. Coup de théâtre le jour du procès. Elle affirme à l'audience qu'elle a été poussée à faire ses déclarations par ses grands parents maternels. Ces derniers qui voulaient bien fermer les yeux sur une aventure amoureuse un peu poussée qu'elle avait avec un voisin. Ils lui demandaient d'accuser son père d'avoir eu des rapports incestueux avec elle, ainsi qu'avec sa jeune sœur, âgée de douze ans. Ils iront même plus loin. Ayant appris que la jeune Imène a eu un «flirt poussé» avec son petit ami, ils lui feront établir un certificat médical qui atteste que la jeune adolescente avait subi des attouchements. Ainsi, le père est enfoncé. Mais voilà, l'enfant réagira différemment le jour de l'audience, faisant acquitter son père. Mais faut-il le signaler, ce cas est une exception. Cela n'empêche pas que les cas d'inceste soient très fréquents, plus même qu'on oserait dire. Et la peine relative à un tel acte qu'est l'inceste prévu par l'article 337 bis du code pénal est de 2 à 20 ans de réclusion, selon le degré de parenté. Que d'affaires au quotidien… Nombre d'affaires ont été traitées par la justice dans lesquelles le couple incestueux reconnaît le fait et ne voit pas en cela un crime ou un délit. Sachant d'emblée qu'il connecte un interdit, ces couples, traduits devant la justice sont tous deux coupables et condamnés à cet effet. Tel ce neveu qui a eu une relation incestueuse avec sa tante, à peine plus âgée que lui. Une fois découverts, ils se défendent en bravant les lois en cours et ceux de la nature, tous deux sont condamnés à une peine de prison ferme. Reste le côté psychologique des victimes d'un tel acte: quel sera leur devenir et comment affronteront-ils la vie avec ce lourd boulet, les personnes devant les protéger ont, en l'espace d'un instant, décidé de les marquer pour leur vie durant. Selon C. Barois, psychanalyste et psychiatre, dans son article publié dans un ouvrage collectif: "L'inceste entraînent des traumatismes affectifs et psychiques chez les personnes qui en sont victimes et se plaignent de désordres affectifs, voire somatiques et semblables à ceux décelables chez les victimes de viol: craintes phobiques et deuil perpétuel.» Même jugés et condamnés, les auteurs d'un tel acte ont-ils, en leur for intérieur, un sentiment de culpabilité et le fait d'avoir détruit, d'un revers de la main, la vie d'un de leurs proches reste pour eux un simple fait divers classé parmi tant d'autres. De tous temps, il a été pardonné au mâle le comportement le plus compromettant, allant jusqu'à taire les plus grands crimes dont il a été à l'origine, tel l'inceste et cela de peur d'ébranler toute une famille, voire une société.