Le Caire (Egypte) De notre correspondante La course électorale commence sous un mauvais augure. Dans la seule journée de vendredi dernier, l'Egypte a été secouée par quatre attentats faisant au moins trois morts et des dizaines de blessés. Dans la matinée, deux explosions ont retenti dans le sud du Sinaï : la première visait un barrage de sécurité non loin de la ville d'Al Tor. Outre le kamikaze, un soldat y a trouvé la mort. Plus tard, c'est un car transportant des employés égyptiens qui a été la cible du second attentat, ne faisant aucune victime. Mais les violences ont une nouvelle fois débordé de la péninsule, frappant le centre de la capitale égyptienne. Une voiture piégée a explosé dans la soirée près de la station de métro Ramsès, tuant son propriétaire, rapporte l'agence MENA. Tôt dans la journée, une autre bombe a éclaté dans le quartier résidentiel d'Héliopolis, à l'est du Caire. Cette série d'attentats s'inscrit dans un climat de violence qui dure depuis plusieurs mois. Depuis le renversement du président islamiste Mohamed Morsi en juillet dernier, les attaques ciblées se multiplient dans le pays. La majorité ont été revendiquées par un groupe djihadiste basé dans le Sinaï, Ansar Beit Al Maqdis («les Partisans d'El Qods»). La lutte contre le terrorisme figure en tête des priorités des deux candidats officiels à l'élection présidentielle qui devrait se tenir les 26 et 27 mai. Interrogé sur la différence entre son programme de 2012 et celui de 2014 lors d'une conférence de presse, le nassériste Hamdeen Sabahi a principalement évoqué «la guerre contre le terrorisme». Un sujet devenu incontournable dans les médias égyptiens et dans le discours politique. Régulièrement, l'armée égyptienne rend compte de ses avancées, principalement dans le Nord-Sinaï. A chaque semaine, son lot de déclarations sur des démolitions, des arrestations de terroristes ou des démantèlements de caches d'armes. «Sinai not covered» Une communication officielle abondante qui, selon plusieurs activistes, cache le manque cruel d'informations sur ce qui se passe réellement dans la région. La liberté de mouvement est limitée pour les journalistes étrangers voulant rejoindre la zone des combats ; les communications téléphoniques sont coupées 6 à 12 heures par jour ; les principales voies routières soumises à un couvre-feu. De cette situation est née le hashtag «Sinai not covered» sur les réseaux sociaux. Les activistes l'utilisent chaque jour pour rappeler combien cette guerre est inaudible. «Les informations sur les opérations ne sont pas disponibles», regrette le journaliste Ismaïl Alexandrani dans un article publié par le centre de recherche Reform Arab Initiative. Seules les versions officielles ou les revendications de victoires faites par les groupes armés comme Ansar Beit Al Maqdis témoignent de la guerre. Il poursuit : «Il n'est actuellement pas possible pour un chercheur de mener des entrevues avec l'une des deux parties dans la zone de combat, ni de voyager ou de suivre les conséquences des opérations de façon détaillée.» Or, les déclarations émanant des différents protagonistes du conflit ne constituent pas une source d'information fiable. Engagé dans une guerre de propagande, chaque camp médiatise son récit ponctué de victoires militaires. La guerre se joue donc à huis clos sans qu'aucun journaliste puisse démentir la version officielle. Ceux qui ont essayé de le faire au début de l'opération militaire en septembre 2013, en ont payé le prix fort. Par définition, le récit de bataille omet de parler des hommes et des femmes vivant dans cette partie de l'Egypte. Longtemps marginalisée par l'administration centrale, la population bédouine est plongée depuis plusieurs mois dans une guerre meurtrière. «Ce que je crains maintenant, c'est que tout en gagnant la guerre contre le terrorisme, nous perdons les cœurs et les esprits des habitants du Sinaï», écrit la célèbre blogueuse Zenobia.