Le Caire (Egypte) De notre correspondante Le maréchal Al Sissi ne s'était pas exprimé à la télévision depuis l'officialisation de sa candidature. Donné grand vainqueur face au nassériste Hamdeen Sabahi, il s'est prêté à l'exercice de l'interview politique préenregistré. Devant lui, deux présentateurs vedettes, Ibrahim Issa de la chaîne Ontv et Lamis el Hadidi de CBC, tous deux acquis à la cause de l'ex-ministre de la Défense. C'est donc sans grandes difficultés que le maréchal a énuméré les grands thèmes de sa campagne : l'amour de l'Egypte, la lutte contre le terrorisme, sa volonté d'en finir avec la confrérie des Frères musulmans. Près d'un an après l'éviction de l'ancien président islamiste Mohamed Morsi, les Egyptiens seront appelés, les 26 et 27 mai prochain, à élire un nouveau président de la République. A quelques semaines du scrutin, le candidat issu de l'armée a consacré une grande partie de son intervention au péril terroriste auquel le pays est confronté. Il a largement évoqué les opérations militaires dans la péninsule du Sinaï, osant une comparaison avec le bourbier afghan. Interrogé sur le futur de la confrérie des Frères musulmans, le candidat a brillé par sa clarté : les Frères n'auront pas voie de cité sous sa présidence. Il poursuit : «Concernant la réconciliation, le rétablissement de la pensée des Frères musulmans est impossible. C'est le peuple qui la rejette. Leur pensée est terminée à jamais. Elle reflétait une stupidité politique et confessionnelle.» Le 30 juin 2013, un an après l'élection de Mohamed Morsi, des millions de citoyens avaient déferlé dans les rues pour réclamer le départ du Président. Ce jour-là, révolutionnaires, partis libéraux, soutiens de l'ancien régime avaient fait bloc contre les islamistes. La fin des Frères musulmans Mais la position de l'ancien militaire n'est pas nouvelle. C'est lui, en tant que ministre de la Défense, qui a été l'instigateur de l'éviction du président islamiste et de la répression qui a suivi. Depuis juillet dernier, des centaines d'Egyptiens ont été tués et des milliers arrêtés par les forces de l'ordre. Le message du candidat Al Sissi est clair : la répression contre les Frères musulmans ne s'arrêtera pas après son élection. Il a explicitement accusé la confrérie d'avoir créé des mouvements djihadistes pour commettre des attentats. Comme dans ses précédentes apparitions, l'homme a joué sur deux sentiments : l'amour et la peur. Il aime rappeler que c'est la crainte de voir le pays basculer dans le chaos qui l'a poussé à se présenter à l'élection présidentielle, et non ses intérêts personnels. Une idée largement présente dans les médias égyptiens qui ne cachent pas leur «sissimania». A cette peur, il oppose l'amour de la nation et l'engagement historique de l'armée égyptienne pour protéger le pays. Sur les réseaux sociaux, les propos de l'ancien maréchal ont été grandement commentés. Surtout quand celui-ci a déclaré qu'il n'était pas le candidat de l'armée et que cette dernière n'avait joué aucun rôle politique ces trente dernières années. «Al Sissi veut nous faire croire qu'il est en dehors de l'institution militaire comme Morsi a voulu nous faire croire qu'il était indépendant des Frères musulmans», ironise le blogueur Big Pharaon. D'autres ont relevé l'absence de programme précis. Après la première partie de l'interview diffusée le 5 mai, le programme économique et social du candidat Abdelfattah Al Sissi restait encore un mystère.