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«Passeurs d'émotions, pas de discours»
Publié dans El Watan le 31 - 05 - 2014

– Vous plaidez pour l'amélioration de la qualité des productions théâtrales pour drainer le public vers les salles…
Nous sommes dans une période de refondation de l'activité théâtrale. Seulement, nous constatons dans cette refondation une négation de ce qui a été fait auparavant. Or, nos aînés nous ont laissé beaucoup de choses. On peut citer Rachid Ksentini, Mahieddine Bachtarzi, Allalou (Ali Sellali), Rouiched, Mustapha Kateb, Kateb Yacine, Abdelkader Alloula, Ould
Abderrahmane Kaki… Tous ces créateurs et leurs comédiens visaient le grand public. Et ce grand public existait autant que ce qu'on appelle l'élite. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on ne prend pas le public en considération dans les créations. Peter Brook (dramaturge britannique) disait : «Répétition, représentation, assistance». Là, on s'éloigne de notre public par certaines pièces qu'on voit partout au niveau du pays.
– Que peut-on reprocher justement à ces créations ?
Les visions scéniques, les textes et les thématiques ne sont pas ancrés dans le vécu des Algériens. On oublie de se poser des questions sur la manière avec laquelle le texte dramaturgique devrait arriver au grand public. Ce n'est pas un problème de langue. Aujourd'hui, presque 80% des spectacles sont en langue arabe moderne, je n'aime pas le terme d'arabe classique ou littéraire. Tout est dans la manière avec laquelle les metteurs en scène conçoivent les spectacles, dans la manière avec laquelle les comédiens prennent en charge la langue arabe… On a l'impression que l'âme algérienne n'existe pas dans certaines pièces. Nous avons affaire à des spectacles formatés. Parfois, nous assistons presque à des épisodes de feuilletons syriens sur scène ! Quand le Syrien utilise l'arabe, il le fait avec l'âme syrienne. Cela apparaît dans la manière d'interpréter le texte. Des spectateurs nous disent parfois que les pièces ne les interpellent pas, ne leur parlent pas en tant qu'Algériens. Il faut revenir aux fondamentaux, à ce qu'ont fait nos aînés comme Kateb Yacine qui avait mis de côté le français, lui préférant l'arabe populaire. Un arabe compris par les intellectuels et la grande majorité des spectateurs. Les pièces de
Kateb Yacine remplissaient les salles. On peut également prendre l'expérience de Abdelkader Alloula, de Rouiched jouant l'Algérois de La Casbah ou de Hassan El Hassani incarnant le personnage populaire venu de la campagne… Tout cela a disparu. On cible les salles des grandes villes en oubliant les petites villes et villages. Notre but est d'attirer le grand public. Pour cela, il faut faire un théâtre qui fasse plaisir aux spectateurs. Là, on est à côté !
– Vous semblez avoir des craintes pour le futur…
J'ai peur que si l'on continue à ce rythme, on ne se retrouve dans la situation du théâtre tunisien sous l'ancien régime. La censure était tellement féroce que les artistes étaient obligés de travailler les symboles et les lumières. En Algérie, il n'y a pas de censure et nous sommes pourtant en plein dedans ! Les auteurs, metteurs en scène et comédiens devraient débattre, réfléchir à ces questions. Ce n'est pas le débat de l'administration, c'est celui des créateurs. Un débat qui n'existe pas encore.
– Les théâtres régionaux devraient-ils tourner leurs spectacles dans leurs propres régions, jouer des pièces dans les villages, la campagne, pour atteindre cet objectif ?
On n'invente rien, cela a été fait avant nous. Par exemple, le fameux train théâtral du TNA des années 60'. Un train qui avait sillonné l'Algérie avec les artistes à bord, s'arrêtait dans les petites gares et les villages pour des spectacles. Kateb Yacine avait organisé le théâtre populaire. Alloula a fait la même chose. Nous avons malheureusement perdu cette tradition. Les théâtres régionaux produisent des pièces qui ne sont présentées que dans les maisons de culture et des théâtres urbains. Qu'en est-il de l'Algérie profonde ? A l'intérieur du pays, il existe un public potentiel qu'il faut atteindre. Il y a une forte demande. Certains théâtres régionaux commencent à faire du travail de proximité. Les comédiens qui y participent sont satisfaits de la présence nombreuse des spectateurs. Le rôle des théâtres régionaux est justement de défendre et d'assurer le service public. Ils doivent donc aller là où le public existe. Nous l'avons fait avec Kateb Yacine dans l'Action culturelle. Nous avons joué dans les théâtres antiques, sur les places publiques, dans les villages, dans les petites salles, au TNA et ailleurs. Si le spectacle interpelle le public, il peut fonctionner partout.
– Faut-il interpeller le public par les thématiques ?
Pas uniquement les thématiques. Mais également les formes. Je considère que le théâtre, c'est l'art du comédien. Donc, on peut jouer une pièce dans n'importe quel espace. Aussi, est-il important de souligner que la mission des théâtres régionaux doit être repositionnée de sorte à élargir les territoires des représentations théâtrales au niveau national. Il faut aussi s'intéresser à ce qui se passe dans les grandes villes, étudier le public qui se déplace pour les spectacles, celui qui ne vient pas, s'intéresser aux spectacles produits. Aller vers le public signifie également changements des formes. Autrement dit, se débarrasser de toutes ces lourdeurs qui n'apportent rien, se concentrer sur les comédiens et sur les textes. Des textes qui posent des questions artistiques. Cela peut amener les artistes à réfléchir sur d'autres produits, d'autres textes.
– Les textes algériens, notamment…
Oui. Nous avons un riche répertoire qu'il faut explorer. Trop de textes noirs sont montés sur scène actuellement. Avec tout le respect que j'ai pour les auteurs moyen-orientaux, je dirais que nous ne sommes pas dans la même situation. J'ai remarqué que plusieurs troupes puisent dans ces textes. C'est une tendance liée probablement à la langue. La nouvelle génération maîtrise l'arabe. Les metteurs en scène trouvent donc une certaine facilité à reprendre des textes du Moyen-Orient ou des pays du Golfe. Mais, la manière dont ces textes sont présentés au public algérien pose problème. Le public ne se sent interpellé ni par la forme, ni par les codes et les références. Je parle de mon expérience au Théâtre de Sidi Bel Abbès. J'ai une relation avec le public. Un public qui paye sa place pour les représentations. Il y a des spectacles qui n'attirent pas les spectateurs. Parfois, les spectateurs ressortent en pleine représentation…
– Et que réclame le public actuellement ?
Le public réclame la comédie. Jean Cocteau (dramaturge et cinéaste français) a dit un jour que «l'humour est la politesse du désespoir». Nous souhaitons avoir sur scène des spectacles comiques. Kateb, Alloula, Rouiched, Allalou, Hassan El Hassani, Hadj Abderrahmane ont tous fait de la comédie. Les jeunes comédiens algériens qui font dans le stand-up rencontrent du succès partout. Ils parlent le langage du public à qui ils s'adressent avec des problématiques qui intéressent ce même public. Les 15-20 ans remplissent les salles lorsque les spectacles leur parlent, payent leurs tickets et entrent en salle. Pourquoi les jeunes qui font du stand-up drainent-ils les foules ? Il y a sûrement une explication. La comédie fonctionne bien ailleurs dans le monde. Les one-man-shows, les grandes comédies drainent les foules. Les théâtres régionaux doivent, à mon avis, réviser les thématiques, les visions esthétiques et artistiques. On devrait en débattre dans chaque festival, organiser des colloques pour aller vers la profondeur des choses, s'interroger : «quel théâtre pour quel public» ? Il ne faut pas qu'on continue sur une voie qui ne mène nulle part. Alors débattons ! Les spectacles tragiques joués sur les scènes algériennes sont souvent noirs. La tragédie est entre le blanc et le noir. C'est une palette de couleurs. Le problème est donc dans la manière de mettre en scène la tragédie, l'interprétation, les codes utilisés. La société est sur une rive, l'art théâtral algérien sur une autre ! Le théâtre est hors débat ! A charge aux hommes de théâtre de remonter la pente. Il faut donc commencer à y réfléchir. Nous sommes des passeurs d'émotions, pas des passeurs de discours.
– Faut-il revisiter les textes de Alloula, Kaki, Benguettaf…?
Tout à fait et avec de nouvelles visions. Nous l'avons fait avec Kateb Yacine peut-être parce que j'avais une certaine relation avec lui. J'avais fait partie de sa troupe. Au théâtre de Sidi Bel Abbès, nous avons monté trois textes de lui, dont La poudre d'intelligence en 2007. Nous avons fait une vingtaine de représentations de cette pièce, et à chaque fois le public était présent. Pas moins de 200 spectateurs payants à chaque représentation ! Nous avons revisité des textes tragiques en montant la pièce Chadhaya (Fragments) qui a décroché plusieurs prix. Nous avons également monté Les ancêtres redoublent de férocité. Il y a donc un répertoire qu'il faut revisiter autrement pour présenter les textes au public actuel, pas pour en faire des photocopies. Le texte n'est pas sacré. Il a été écrit pour être mis en scène, retravaillé. Monter Shakespeare en Algérie ou en Angleterre, ce n'est pas la même chose. Je pense également qu'il faut s'intéresser à la littérature algérienne pour prendre des textes pour le théâtre. Cela dit, certains n'ont pas encore les moyens artistiques pour revisiter les grands textes universels. On n'a pas encore vu une grande pièce de Shakespeare montée et jouée par des Algériens en Algérie. Shakespeare a été jusque-là malmené en Algérie. Des textes du dramaturge anglais ont été repris sans en saisir la profondeur et sans les adapter au contexte actuel. Pour adapter les textes universels, il faut une refondation de la mise en scène et du jeu des acteurs, sinon cela n'intéresse personne.
– Certains parlent de crise du texte théâtral en Algérie. Est-ce le cas ?
Il n'existe pas de crise de texte en Algérie. Il y a un répertoire algérien. On peut y puiser ce qu'on veut. Idem pour les textes universels. A Sidi Bel Abbès, nous avons un dramaturge qui s'appelle Youcef Mila qui n'est malheureusement pas connu, pas publié. C'est pourtant lui qui a écrit la pièce Rah yekheref, a adapté La poudre d'intelligence, Chadhaya… C'est un auteur de théâtre, pas du théâtre littéraire. Youcef écrit pour la scène, pour les acteurs. Il faut dire aussi que l'écriture dramaturgique n'est pas si simple que cela. Il faut encourager les jeunes auteurs chez nous. Il faut également sortir du répertoire théâtral français, aller ailleurs dans le monde. Il y a de beaux textes à exploiter en Afrique, en Amérique du sud, en Iran, au Pakistan, en Malaisie. Nous devrions nous intéresser par exemple aux textes de l'Italien Dario Fo. Des textes à adapter au contexte algérien. Les thématiques ne manquent pas. Nous sommes une société dynamique, qui bouge, évolue, conteste, essaie d'avoir plus d'espaces de liberté. Nous avons une crise de visions scéniques. Le texte est un outil, c'est au metteur en scène de le travailler. On peut avoir un excellent texte, mais on peut passer à côté dans la mise en scène. Il est tout aussi important d'encourager la critique théâtrale en Algérie. Pour avancer, s'améliorer, il faut également des débats.
– Faut-il alors évoquer la nécessité de «dépoussiérer» le théâtre algérien ?
Le théâtre algérien doit s'ouvrir sur de nouveaux thèmes, s'éloigner du «héros positif», parler des problématiques actuelles. La relation entre l'individu et la société doit être abordée par cet art. Il faut également casser les tabous, traiter des sujets qu'on refuse d'évoquer par pudeur, par conservatisme ou par hypocrisie. Pour moi, le théâtre doit transcender toutes les morales.
– Lors du 8e Festival du théâtre de Sidi Bel Abbès (fin avril 2014), vous avez organisé un débat sur la Comedia Dell'Arte. Pourquoi ?
Ce débat a été organisé pour des considérations pédagogiques. Nos jeunes doivent savoir que la Comedia Dell'Arte est née en Méditerranée. Elle est donc proche de nous. C'est un théâtre d'improvisation travaillé avec canevas et personnages connus du public. En Algérie, des dramaturges tels que Alloula ou Kaki ont travaillé sur la Comedia Dell'Arte. Il faut noter l'existence d'un manque de formation en Algérie. Ce n'est que depuis plus de vingt ans que la parole s'est libérée…
– Il y a parfois du discours direct sur scène…
Ce n'est pas le rôle du théâtre justement. Si nous arrivons à toucher le cœur du spectateur, l'esprit va fonctionner. Le spectateur ne vient pas au théâtre pour qu'on lui fasse des cours ou que le metteur en scène se comporte en maître d'école…
Il n'a pas besoin de cela. Le spectateur se déplace au théâtre pour se divertir. Se divertir intelligemment bien sûr ! Or, nous constatons aujourd'hui que le divertissement a été «enlevé» de la représentation théâtrale. On peut passer beaucoup d'idées dans le divertissement. Les metteurs en scène doivent faire preuve de créativité pour faire réagir le public, le toucher, le bousculer, lui faire plaisir, le provoquer… Encore une fois, le public potentiel existe. On doit le reconquérir.
– Parlez-nous de l'expérience du théâtre de Sidi Bel Abbès avec l'université…
L'art et le savoir fonctionnent ensemble. Nous avons toujours eu une relation constante avec l'université de Sidi Bel Abbès, surtout depuis la création de la filière arts. Nous avons encadré des stages de six mois avec les étudiants. Nous avons des rapports avec les troupes qui se créent au sein de l'université. Certains de nos comédiens sont venus de ces troupes. Nous faisons également des représentations dans les campus. Les troupes universitaires répètent et font leur générale chez nous. Ce genre de rapports devrait exister à l'échelle nationale. On doit soutenir le théâtre universitaire, foyer de nouvelles expériences. Le soutien doit se faire sur le plan de la création et de l'encadrement.


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