La maison de couture Christian Lacroix, créée en 1987 par LVMH, a été vendue, la semaine dernière, à Falic Group, le numéro deux de la distribution en duty free, aux Etats-Unis et leader en Amérique du Sud. Cette séparation est intervenue au moment même où Lacroix présentait sa dernière collection printemps-été 2005, à Paris (France). Le défilé, intitulé « Faire une lady », fut une somptueuse parade de robes dignes d'opéras extravagants, où couleurs et matières rimaient avec rêve et soleil. Ce sera donc la dernière valse du couturier sous la bannière de LVMH. Raison de ce divorce : mauvaise rentabilité. Un désaccord sur la stratégie de développement de la maison est apparu depuis quelques temps entre Lacroix et la maison mère. LVMH avait signalé sa volonté de céder la seule griffe de son portefeuille qu'il a créée et non achetée. Ainsi, l'un des tenants du style « néo-baroque », passe sous la griffe des Américains. Ses dernières déclarations sont rassurantes. Pour lui, cette nouvelle page blanche est un autre défi à relever. Et nul doute que son pari sera gagnant. Né en 1951, Christian Lacroix a créé sa maison en 1987, financée par LVMH. Soit, quarante ans pile après l'ouverture de celle de Dior. Pour lui, la couture, c'est en même temps la pureté des structures et l'ivresse des ornements. Ou encore, « c'est fou, contradictoire, imprévisible, et surtout, c'est plus fort que moi ». Parce qu'il ne supporte pas le vide, Christian Lacroix le remplit de couleurs, de fleurs... Et dans sa maison, l'éphémère, le particulier, l'unique, sont les meilleurs signes de l'identité. La sienne, pour le moins. Bijoux de métal doré et martelé, dentelles arlésiennes et poufs de taffetas... continuent à faire vibrer le luxe. Ce dernier, sortant de sa réserve classique, s'aventure entre la modernité et la tradition, la technologie et le patrimoine. Bref, le luxe en soi, doit, selon lui, déboucher sur une individualité, une différence, un dandysme, plutôt que sur une bourgeoisie esthétiquement désuète. « Je crois que l'on n'a qu'une seule chose à dire mais que cette chose évolue sans cesse. C'est cette constance dans le changement qui détermine un style ». C'est peut-être de là qu'il a su réinterpréter avec brio les cultures populaires de différentes régions du monde. Mais pour lui, tout a commencé par le théâtre : il rêvait de créer des costumes pour la scène. Il fera un court passage chez Hermès avant de concevoir ses premières collections de haute couture, chez Patou. La grande aventure ne débutera réellement qu'à la création de sa propre maison, parce que c'est depuis qu'il réalisera son vieux rêve, celui de créer des costumes de théâtre et d'opéra, notamment pour Carmen de Bizet (1989), ou plus récemment, pour Phèdre de Racine... Et elle continue à se poursuivre, quelle que soit la bannière sous laquelle il devra créer. Parce qu'avant tout, Christian Lacroix est un artiste.